PODCAST. Quels sont les freins pour que se développe le marché de la rénovation énergétique via les certificats d'économies d'énergie (CEE) ? Pour Marina Offel de Villaucourt, porte-parole de Géo PLC, il s'agit principalement des critères d'obtention du label Reconnu garant de l'environnement (RGE), visiblement pas assez exigeants.

L'actualité entourant le dispositif des certificats d'économie d'énergie (CEE) est très dense : discussions entamées sur les contours de la cinquième période, projet de loi énergie, programmation pluriannuelle de l'énergie... Ce 7 mai 2019, le Gouvernement vient encore d'annoncer le lancement d'un nouvel appel à programmes (voir encadré en fin d'article).

 

Batiactu a reçu Marina Offel de Villaucourt, porte-parole de Géo PLC, société délégataire dans les CEE, à l'occasion d'une interview sur Batiradio, pour évoquer ces différentes actualités.

 

 

En ce qui concerne le projet de loi énergie, qui contient de nombreuses évolutions concernant la lutte contre la fraude aux certificats d'économie d'énergie (CEE) - dispositions retoquées par le conseil d'État -, la porte-parole de Géo PLC se félicite du fait que le Gouvernement souhaite "rassurer sur un dispositif qui se fait attaquer par les acteurs et les médias".

 

"Il y a beaucoup de contrôles à présent sur la qualité des travaux"

 

"Comme les pouvoirs publics utilisent beaucoup les CEE, il faut donner des gages de confiance, augmenter les sanctions et les possibilités de contrôle." Ce qui avait déjà été fait en partie, au commencement de la quatrième période, avec un écrémage sérieux des délégataires, qui sont passés de 80 à 27. "Il y a beaucoup de contrôles à présent sur la qualité des travaux et les garanties financières", assure Marina Offel de Villaucourt. "Chez Géo PLC, nous sommes 160 salariés, dont une quarantaine ne travaille que sur le contrôle des dossiers. La majorité des artisans sont également très contrôlés."

 

 

CEE : les autres pays européens rencontrent les mêmes difficultés que la France
Géo PLC a récemment organisé un colloque concernant un retour d'expérience à l'échelle européenne du dispositif des CEE. Quels enseignements en tirer ? "Nous nous sentons rassurés, car tous les États qui utilisent les CEE ont les mêmes problématiques : manquements, petites fraudes, travaux mal effectués...", nous répond Marina Offel de Villaucourt de Géo PLC. "Par ailleurs, chacun s'est aperçu que si les artisans n'étaient pas assez formés, s'il n'y avait pas assez de structures délégataires comme la nôtre pour inciter les clients et proposer des offres à 1 euro, le marché se tendait et ne fonctionnait pas." Un point a été spécialement soulevé par le Royaume-Uni, celui de la difficulté d'atteindre les ménages précaires et de les convaincre. "En Italie, ils utilisent le dispositif depuis longtemps", ajoute Marina Offel de Villaucourt. "Ils ont fait face à une hausse des fraudes, à des malfaçons, et ont serré la vis en 2016 et sélectionnent à présent davantage. Ils ont fini par plafonner le cours du CEE."

 

En matière d'objectif des CEE, la quatrième période (2018-2020) concernait déjà de 6 à 9 milliards d'euros. La cinquième devrait mettre la barre encore plus haut. Ce dont se félicitent les acteurs. "La concertation est en cours, et implique l'ensemble des parties prenantes", nous explique Géo PLC. "Cette nouvelle période va nous donner davantage de visibilité, jusqu'en 2025-2028, ce qui nous permettra notamment d'embaucher des artisans, de former les personnes, et d'identifier les opérations les plus performantes."

"La formation RGE doit contenir davantage de terrain !"

 

De quoi massifier davantage la rénovation énergétique, qui n'est toujours pas à son maximum, selon la société délégataire en CEE, du fait principalement de la faiblesse du label Reconnu garant de l'environnement (RGE). "Le frein à la rénovation, ce n'est pas le financement (8 milliards d'euros et le crédit d'impôt pour la transition énergétique), ce ne sont pas les acteurs, présents en nombre, mais c'est la formation RGE qui n'est pas forcément à la hauteur", analyse Marina Offel de Villaucourt. "Elle est censée donner des gages de garanties, mais elle consiste en trois journées passées devant un tableau noir, sans exercice sur le terrain." Un cursus qui ne semble pas suffisant. "Nous proposons une offre de remplacement de chaudière biomasse à un euro qui nécessite d'être RGE Qualibois, et pourtant nous formons les artisans nous-mêmes car nous estimons que le RGE ne suffit pas. Il doit être amélioré et contenir plus de terrain !"

 

Des propos qui rappellent ceux tenus récemment par Hélène Peskine, secrétaire du Puca : "Nous avons toujours un problème de qualité des travaux. Nous avons essayé de la contrôler avec le label Reconnu garant de l'environnement (RGE), mais nous avons encore parfois du mal à obtenir des résultats en matière d'économies d'énergie." Rappelons que la commission européenne vient d'attaquer, de son côté, le RGE français, accusé d'être... trop restrictif !

 


La question du RGE "doit être prise en main de manière drastique"
"Dans le cadre du dispositif des certificats d'économie d'énergie, la qualité des travaux de rénovation énergétique reste un sujet important", explique Virginie Letard, présidente du Groupement professionnel des CEE (GPCEE), à Batiactu. "Pour s'assurer de la compétence des entreprises avec qui ils travaillent pour la première fois, les délégataires du GPCEE pratiquent de nombreux contrôles en début de partenariat (au delà de la réglementation), justement pour détecter la qualité de mise en œuvre. Ce sujet devrait, selon nous, être davantage pris en charge par le RGE. Car aujourd'hui, non seulement il n'y a pas assez de contrôles sur les détenteurs de ce label, mais il y a des fraudes avec des certificats qui peuvent être délivrés indument, sans vérification de la compétence de l'entreprise, et sans contrôle sur les chantiers. C'est un vrai problème qui doit absolument être pris en main de manière drastique par les pouvoirs publics. La charte Faire permet déjà une avancée : elle oblige les délégataires et les obligés à faire remonter aux organismes qualificateurs RGE toute information qui pourrait les aider à diminuer les fraudes et prendre les mesures nécessaires."

 

Quant au délégataire dans les CEE Effy, il a également inclus dans ses 8 propositions pour dynamiser la rénovation énergétique la mise en place d'un "système aléatoire de contrôle sur des chantiers en cours afin de s'assurer de la qualité des réalisations", visant les professionnels RGE.

 

Quoi qu'il en soit, le président de Qualibat, Alain Maugard, avait rappelé les chiffres des contrôles en janvier dernier. "Toutes les entreprises RGE ont été auditées, une par une", assurait-il ainsi. En 2018, 300 auditeurs RGE ont réalisés 28.000 visites sur site ; en 2019, entre 15.000 et 17.000 audits sont prévus.

 

CEE et gilets jaunes, le lien existe

 

Le dispositif des certificats est en tout cas en passe d'être davantage mis en avant par les pouvoirs publics. "Les efforts demandés étant de plus en plus importants, et l'argent ne venant pas de l'État, mais des fournisseurs d'énergie, ces deux éléments ont fait que les CEE sont longtemps restés un parent caché de la rénovation. Mais le Gouvernement a un peu souffert de la crise sociale [des gilets jaunes, NDLR]. Et s'est rendu compte que les CEE permettraient peut-être de financer leurs actions de rénovation énergétique, d'où le décret du 10 janvier 2019 pour augmenter la prime en remplacement des chaudières au fioul", analyse Marina Offel de Villaucourt.

 


Les propositions des professionnels des CEE pour améliorer le dispositif

Le Groupement des professionnels des CEE (GPCEE), présidé par Virginie Letard de Capital Energy, a effectué un certain nombre de propositions aux pouvoirs publics pour améliorer le dispositif des CEE, dans le contexte du grand débat national, du projet de loi énergie et des élections européennes.

 

On y trouve notamment le fait de revoir à la hausse les exigences du label RGE, instaurer un système d'audit régulier des process pour les délégataires et les obligés, proposer une campagne de communication publique autour des CEE ou encore inciter voire contraindre les propriétaires-bailleurs à rénover leurs biens locatifs.

 

Un nouvel appel à programme CEE
Le Gouvernement a annoncé, le 7 mai 2019, le lancement d'un nouvel appel à programmes CEE ouvert jusqu'au 30 septembre prochain. Il sera axé sur deux élément : "la sensibilisation, l'information et la formation des ménages et entreprises d'Outre-Mer sur les économies d'énergie" et "le développement de la mobilité économe en énergie fossile" (notamment le covoiturage). L'enveloppe affectée est située à 15 TWhc, jusqu'à 75 millions d'euros), et les programmes pourront débuter dès 2020.

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