TABLE RONDE. A l'occasion de l'édition 2019 d'EnerjMeeting, les principaux acteurs de la transition écologique du bâtiment ont effectué un point d'étape, en dévoilant notamment quelques chiffres de la campagne "Faire". Ils ont aussi livré leur analyse des dispositifs gouvernementaux en la matière, particulièrement dans le contexte du mouvement des Gilets jaunes, et ont avancé des pistes d'amélioration.
Dans le cadre de l'édition 2019 d'Enerjmeeting, la Journée de l'efficacité énergétique et environnementale du bâtiment qui se tient ce jeudi 7 février à Paris, la conférence consacrée à la rénovation énergétique à l'horizon de 2020 a accueilli les principaux acteurs de la transition écologique de la construction afin de partager leurs retours d'expérience mais aussi d'entendre leur analyse sur les politiques publiques en vigueur dans ce domaine. L'échange, intitulé "Plan de rénovation énergétique des bâtiments : point d'étape et perspectives", a ainsi mis en lumière les avancées notables en la matière, mais a aussi illustré le long chemin qu'il reste encore à parcourir. "Nous avons la chance d'avoir une administration à l'écoute", témoigne Philippe Pelletier, président du Plan bâtiment durable.
"On est en train de construire avec elle un décret imposant les travaux de rénovation énergétique dans le parc tertiaire. Ainsi, chacun se rendra mieux compte des capacités de progression qui existe dans ce secteur. Ce qui illustre bien qu'après que la préparation du Plan se soit faite dans la concertation, c'est maintenant au tour de sa mise en œuvre de se faire dans la concertation." Ceci dit, le responsable reste vigilant et explique qu'une "animation territoriale" devra accompagner le mouvement de fond, de manière à ce que le Plan puisse s'adapter aux spécificités et contraintes propres à chaque collectivité territoriale. "Les territoires doivent maintenant s'approprier le Plan bâtiment durable", insiste-t-il.
Plus de 5 millions de maisons individuelles ont entrepris un acte de rénovation en 2016
L'accélération du processus de rénovation énergétique dans le monde de la construction est un impératif également souligné par Marie-Christine Prémartin, directrice exécutive des programmes de l'Ademe (Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie). Car si les chantiers d'efficacité énergétique connaissent un certain engouement auprès des particuliers, les objectifs sont encore loin d'être atteints : "Il faut accélérer la mise en œuvre de la rénovation énergétique. Beaucoup de travaux se font mais pas forcément avec une trajectoire BBC 2050. En 2016, plus de 5 millions de maisons individuelles ont entrepris un acte de rénovation, mais si on continue à ce rythme, on n'aura atteint qu'un quart des objectifs fixés en 2050."
Rappelant que le premier motif déclencheur de ce type de travaux est la volonté des particuliers d'améliorer leur confort, la spécialiste de l'Ademe estime que les acteurs de la filière doivent "donner confiance, donner envie", soulignant au passage la "nécessité d'accompagnement". Cette prise de parole a aussi permis de réaliser un point d'étape de la campagne "Faire" lancée par le Gouvernement en septembre 2018 : d'après les chiffres de l'agence, plus de 180.000 contacts sur Internet et plus de 10.000 appels téléphoniques ont été enregistrés à ce jour.
Un "programme de fidélité" pour les particuliers réalisant des travaux ?
L'heure est donc à une mobilisation accrue des acteurs : "Il s'agit de rassembler sous la même bannière tous ceux qui souhaitent rénover leur logement et tous ceux qui sont disposés à s'engager pour faire", reprend Philippe Pelletier. "Je pense que cet effort est structurant. Toutes les branches professionnelles concernées par la rénovation énergétique doivent démontrer, au travers de leurs contributions, la qualité de leur engagement."
En conclusion des échanges, Alain Maugard, co-animateur du Plan de rénovation énergétique des bâtiments pour l'Etat, a livré son analyse du mouvement social des Gilets jaunes et de ce qu'il implique en termes de politiques publiques pour l'efficacité énergétique : "Il faut tenir compte de cette partie de la population qui a rappelé qu'il pouvait être difficile de boucler les fins de mois. Je rappelle toutefois que le point de départ de cette contestation a été la question de la mobilité dans des territoires où les transports en commun sont absents. Du côté du bâtiment, je crois au contraire qu'il y a un boulevard politique : dans ce secteur d'activité, il n'y a pas de césure territoriale."
Et l'architecte de reconnaître que les leviers d'action publique sont certainement encore insuffisants, mais que les acteurs de la rénovation énergétique y travaillent : "Il ne faut pas gaspiller l'argent. Le CITE [Crédit d'impôt pour la transition énergétique] actuel, sans plafonnement, n'est pas la meilleure solution. Il sera plus efficace avec un système de prime. Ce qu'il faut, c'est proposer aux particuliers qui entreprennent des travaux de rénovation énergétique une sorte de programme de fidélité pour les inciter encore plus." Des pistes d'amélioration à creuser d'autant plus que ce marché présente des opportunités économiques et commerciales intéressantes pour le monde de la construction : "C'est une formidable occasion de dynamiser l'emploi dans les territoires", conclut Marie-Christine Prémartin.