INTERVIEW. Cheminées Poujoulat, groupe créé en 1950 et devenu le premier fabricant européen de conduits de cheminées et sorties de toit métallique, mène une stratégie d'innovation et se développe dans le secteur de la rénovation et vers l'international. Le point avec son dirigeant, Frédéric Coirier, Président du Directoire.

Batiactu : Quelles sont les principales caractéristiques de Cheminées Poujoulat ?

 

Frédéric Coirier : Cheminées Poujoulat est une entreprise patrimoniale à l'actionnariat familial, nous nous inscrivons donc dans le long terme. Qui dit inscription dans le long terme, dit investissement industriel important - nous fabriquons 90% de ce que nous vendons ; et innovation permanente... cela veut dire avoir des produits qui ont toujours anticipé les évolutions réglementaires, sociétales et environnementales. Je pense notamment à l'efficacité énergétique : cela fait plus de dix ans que nous travaillons dessus. Ou encore, le développement des énergies renouvelables avec le bois énergie, qui est un axe important de notre stratégie.

 

"Cheminées Poujoulat a fait un bond en avant spectaculaire en termes de notoriété depuis une dizaine d'années"

 

Nous avons également une forte politique de marque : Cheminées Poujoulat a fait un bond en avant spectaculaire en termes de notoriété depuis une dizaine d'années. Aujourd'hui, si tous les professionnels connaissent notre marque, nos enquêtes révèlent que 25 à 30% des Français aussi. Nous sommes devenus une marque grand public - qui reste bien évidemment dans le milieu professionnel pour ce qui est de la distribution et de l'installation - mais qui est très proche du consommateur. Et nous allons cultiver cette proximité.

 

Enfin, nous nous démarquons sur l'international, avec une ouverture croissante vers les marchés d'exportation, de 10-15% auparavant, nous tendons désormais à plus de 30%.

Batiactu : Dans le contexte actuel du secteur du bâtiment, comment évolue Cheminées Poujoulat face aux défis que sont la transition énergétique et celle du numérique ?

 

Frédéric Coirier :
Si l'on se place du point de vue du marché, pendant une décennie, jusqu'en 2010 environ, le logement se portait relativement bien. Mais depuis, le marché de la maison individuelle s'est divisé par deux. En volumes, le marché a chuté de façon considérable, même si le collectif ne s'est pas trop mal tenu... Ainsi, Cheminées Poujoulat, qui était jusqu'alors très tourné vers le neuf, ne pouvait pas rester inactif : la rénovation est donc devenue un axe important, vers les marchés d'amélioration de la performance énergétique. Aujourd'hui, nous accélérons la rénovation du parc existant, d'autant plus que nous pouvons nous appuyer sur notre expertise et notre anticipation des réglementations. Dès 2007, nous avons développé des solutions de chaudières à condensation pour le bâtiment ancien et aujourd'hui, nous sommes fiers d'avoir atteint les 100.000 logements anciens rénovés.

 

Batiactu : Et en ce qui concerne la transition numérique ?

 

Frédéric Coirier :
Il y a différentes façons de regarder ce défi. Il y a la domotique, dont on parle depuis trente ans avec une amélioration de la performance des équipements liée à la régulation.

 

Sur le volet conception, le BIM - la maquette numérique - soit une conception globalisée du bâtiment, est une évolution logique. Les grands groupes s'en sont emparés pour les gros chantiers. Chez Cheminées Poujoulat, nous sommes prêts depuis dix ans, car nous l'appliquons dans le secteur de la cheminée industrielle. Après, que le BIM s'impose dans les maisons individuelles, sur les petits bâtiments, cela va prendre plus de temps... En tout cas, pour ce qui est du collectif, du tertiaire ou autre, d'une certaine façon, nous avons l'habitude, nous sommes déjà engagés dans cette démarche.

 

"Nous sommes déjà engagés dans la démarche numérique"

 

Nous développons également des outils de conception et de maintenance qui améliorent la traçabilité des produits. Tel Cat Check : un carnet d'entretien du conduit de cheminée. Chaque conduit possède un QR code. Le professionnel alimente ainsi facilement ce carnet en enregistrant toutes les informations nécessaires - plans, études, interventions et laisse donc une trace à chaque fois qu'il intervient sur le conduit ou l'appareil. Le particulier peut donc consulter l'historique de l'installation. Un logiciel de conception verra également bientôt le jour, sous le nom de CatDraw, il comprendra le dimensionnement, la conception, le chiffrage et la vision 3D de l'installation.

 

La révolution numérique permet cette traçabilité, qui intéresse fortement les assureurs. Elle permettra aussi une convergence et une coordination des acteurs du bâti et raccourcira les délais de construction. Il n'y a que comme cela que l'on peut aller vers la performance. Mais il ne faut pas vouloir tout faire tout de suite… c'est applicable maintenant sur les gros ouvrages, mais sur les petits, ce n'est pas encore possible, face à la multiplicité des acteurs.

 

Batiactu : Vous avez été un des premiers groupes à croire au web...

 

Frédéric Coirier :
Nous avons cru très tôt dans l'intérêt de ce media, en pariant sur le fait qu'il allait devenir un media de masse. Nous avons eu raison et nous exploitons aujourd'hui toutes ses possibilités. Chaque entité du groupe a ainsi son site. Quant à nos partenariats avec les supports de communication, nous les pensons dans la durée, ils se construisent et s'améliorent tous les ans.

 

Le web était au début un sujet que personne ne voyait d'un très bon œil : il était vu comme un media à qui il fallait donner beaucoup - trop - d'informations, à tout le monde. Mais dans le web aujourd'hui, si l'on ne donne rien, on n'a rien. En revanche, si l'on donne beaucoup, on a beaucoup.

 

Certes, il peut être aussi un miroir parfois cruel : mais si l'on accepte son niveau d'exigence et de compétition, c'est une opportunité. Mieux informer le consommateur, cela ne se fait pas au détriment des professionnels ; et mieux informer les professionnels, cela permet de diversifier leurs activités. Les métiers débordent les uns sur les autres, quelqu'un qui ne faisait pas de cheminée peut aujourd'hui en faire, un couvreur peut se mettre à faire du photovoltaïque… Il faut que l'industriel joue un rôle important de pédagogie et d'information pour motiver les gens et s'assurer de la qualité.

 

Et puis maintenant, il y a aussi le commerce électronique. Nous lançons un site dans les prochains jours sur notre partie bois énergie. L'aventure se poursuit ! Nous passons par un réseau de spécialistes-fumistes, les consommateurs pourront commander et aller chercher en drive leurs combustibles. Quant au commerce électronique avec nos clients professionnels distributeurs, cela viendra aussi… Nous avons intérêt à parler aux clients de nos clients, à les accompagner pour qu'ils fassent les bons choix.

 

Batiactu : D'où tirez-vous votre inspiration ?

 

Frédéric Coirier :
La volonté de se rapprocher du consommateur vous force à bouger, vous oblige à faire évoluer votre fonctionnement. Il faut aller chercher le marché là où il se trouve, là où se génère la valeur ajoutée, il faut animer son marché si l'on veut avoir son avenir en main. Depuis 2008, nous avons doublé de taille, nous nous sommes mis à l'écoute du marché et avons essayé de déverrouiller tout ce qui pouvait nous freiner. Par exemple, si nous investissons dans le bois énergie, c'est afin d'éviter que la fourniture devienne un problème qui se répercute sur l'ensemble du secteur : il faut à nos équipements un "carburant" de qualité.

 

Quant à l'élargissement vers la cheminée industrielle, qui est notre troisième métier, vers la production masse d'énergie, nous y allons car nous croyons beaucoup aux réseaux de chaleur...

 

Nous essayons de lire les marchés le plus loin possible, nous faisons des choix marqués et l'on se donne le droit de se tromper ! Quand on fait un choix, nous le menons jusqu'au bout comme, par exemple, quand nous avons défini une valeur esthétique au conduit de cheminée. Nous avons désormais des produits personnalisés qui répondent à une véritable attente du consommateur. Et nous sommes les seuls à le faire en Europe, comme nous avons été les seuls à lancer la sortie de toit métallique. Ces choix tranchés resteront dans l'ADN de l'entreprise. Mais il faut se donner le temps : renforcer ses fondamentaux, investir, cela fait toute la différence !

 

Batiactu : Projetons-nous dans dix ans... comment voyez-vous Cheminées Poujoulat ?

 

Frédéric Coirier :
Les valeurs fondamentales de Cheminées Poujoulat ne vont pas changer : le goût de l'innovation est permanent, nous allons continuer à optimiser les performances de nos produits ; la marque a ensuite encore beaucoup à faire en termes de notoriété et d'animation du marché des professionnels et particuliers. Notre mot d'ordre, c'est créer de la valeur. Tout le monde y trouve son compte : technologie, esthétique et design. Avoir des produits plus efficaces, plus beaux va concourir à renforcer le positionnement de Cheminées Poujoulat.

 

Du côté de l'international, nous agissons, mais ce n'est pas suffisant. Nous ne devons pas être un leader que sur quelques pays. Nous allons encore accentuer nos développements, des projets vont prochainement se concrétiser.

 

Enfin, il faut savoir également évoluer en termes de gamme de produits. Le chauffage, la ventilation, l'électricité se rapprochent d'un point de vue technologique, cela va se rencontrer. Nous aurons certainement une présence plus forte sur ces secteurs en liaison avec les professionnels.

 

"Nous espérons surtout retrouver un marché de la construction plus dynamique"

 

Nous espérons surtout retrouver un marché de la construction plus dynamique, entre 400 et 500.000 logements par an. Ce qui serait un bon équilibre compte tenu de la natalité française, le vieillissement de la population et les flux migratoires. La France pâtit de ses lourdeurs administratives, de ses verrous réglementaires qui empêchent la libération du foncier. Il faut que cela bouge, la France a de la place !

 

Point important, évidemment, nous caressons l'espoir que dans chaque maison neuve française, d'ici à dix ans, il y aura une cheminée ! Nous avons besoin aujourd'hui de mix énergétique dans le bâtiment. Le pétrole pourrait remonter, le gaz, reste quant à lui un marché très géopolitique, il y a le pic climatique... le bois énergie a donc l'avantage d'être un élément très intéressant en complément des autres pour réguler la facture énergétique, pour amener une énergie renouvelable dans la maison et en plus, pour éviter les problèmes de réseaux électriques, comme en Bretagne. Le bois énergie est une énergie future !

 

Batiactu : Vous avez d'ailleurs investi dans deux usines en deux ans, être industriel en France c'est donc encore possible ?

 

Frédéric Coirier :
Oui, nous avons investi dans deux usines en deux ans. Mais après les deux années très chaudes que nous venons d'avoir, et une consommation d'énergie en baisse, notre prochain projet attendra. Mais pour ce qui est d'être industriels en France, si l'on doit passer un message à nos politiques, c'est que le problème principal de la France est l'instabilité.

 

Fondamentalement, le bâtiment reste une valeur sûre.

 

La France a plein d'atouts : c'est un pays stable, en paix, avec une population jeune, il y a du potentiel, du savoir-faire... mais il est verrouillé par cette complexité qui s'est empilée depuis 15 ans. Il faut simplifier, stabiliser, agir ainsi sur la confiance, identifier les points bloquants, tout cela ramènerait la croissance.

 

Il y a encore beaucoup à faire en France ! Si l'on crée les conditions favorables afin de la rendre plus attractive, les investissements seront chez nous. Une prise de conscience est nécessaire.

 

Fondamentalement, le bâtiment reste une valeur sûre.

 

Cheminées Poujoulat en chiffres

 

- Créé en 1950 puis repris en 1975 par Yves Coirier
- 1er Fabricant européen de conduits de cheminées et sorties de toit métalliques, 1400 collaborateurs
- Exporte dans 30 pays au travers de 16 sociétés.
- Son chiffre d'affaires avoisine les 200 millions d'euros.
- Depuis 2007, le groupe Poujoulat est devenu un acteur majeur des énergies renouvelables en investissant massivement dans le développement du bois énergie (granulés de bois, bûches densifiées et bois de chauffage).

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