Pour cet autodidacte de 62 ans admirateur de Le Corbusier, l'architecture doit se faire oublier pour favoriser l'harmonie entre homme et nature.

Cette préoccupation est une constante chez Tadao Ando, en dépit de son utilisation intense du béton et de matériaux froids comme l'acier et elle est flagrante au musée d'art moderne de Naoshima, une île hors du monde située au sud-ouest du Japon.
"L'architecture y existe mais ne perturbe pas la nature. Les bâtiments sont ensevelis pour donner le plus d'espace possible aux plantes qui prennent le pas sur les constructions, comme c'est souvent le cas dans mes projets", a expliqué à l'AFP M. Ando, en marge d'une rétrospective qui lui était consacrée fin avril-début mai à Tokyo.

C'est en visitant ce musée que l'entrepreneur français François Pinault se serait définitivement convaincu de confier à M. Ando les travaux de sa Fondation pour l'art contemporain qui devrait ouvrir sur l'île Séguin à Paris en 2007.

Celui que l'on a surnommé le "pape du minimalisme" pour la simplicité de ses volumes dit s'être efforcé de conserver la mémoire de ces lieux, symboles des luttes ouvrières du 20e siècle et du modèle social de la Régie Renault.
"C'est sur cette île qu'est né le mouvement syndical de Renault. Je n'ai pas pu garder les vieux bâtiments mais j'ai laissé des espaces de dialogue en référence à l'histoire, et tous les gros arbres qui agrémentaient le site", a souligné M. Ando.

A Tokyo, M. Ando est confronté à une problématique similaire puisqu'il a été chargé de remplacer par un nouveau complexe, une série de bâtiments vieux de 80 ans (Dojunkai), chers aux riverains et situés sur la fameuse avenue Omotesando.
"Il faut penser à l'importance des lieux sur le plan de la mémoire, mais aussi à leur fonctionnalité et sécurité. Dans ces bâtiments Dojunkai, il n'y a pas de sécurité, il y a des risques d'incendie. Les plafonds sont en outre très bas et les espaces minuscules. Il n'y a pas de raisons de laisser le Dojunkai comme il est", a-t-il noté.

Pour tenir compte du caractère arboré d'Omotesando, le nouvel ensemble résidentiel et commercial sera en grande partie souterrain. "Nous planterons des arbustes sur les toits pouvant pousser jusqu'à trois mètres de haut, ce qui donnera une impression de jardins suspendus et un vieux bâtiment sera gardé pour témoigner du passé", a précisé M. Ando.
La démarche de M. Ando se veut complètement à l'opposé des projets colossaux et sans âme de la période de bulle spéculative japonaise de la fin des années 80.

"La grande erreur de la bulle a été de penser que l'architecture est quelque chose qui se consomme et très vite. L'architecture a besoin d'exister sur la longue durée car elle représente un pont entre le passé et le futur", selon lui.

Ando n'est pas trop déçu que son projet pour remplacer les tours jumelles de New York - une tombe mémoriale en forme de portion du globe terrestre affleurant à la surface - ait été rejeté mais il continue de penser qu'"on ne peut pas construire d'immeuble sur Ground Zéro".

"C'est un lieu où demeurent les esprits des 3.000 personnes qui y sont mortes. Les Etats-Unis sont désormais les leaders du monde. Ils ont une responsabilité vis-à-vis du reste de la terre. Si l'on doit remplir le vide du World Trade Center, ce ne peut pas être avec l'architecture mais avec un "endroit" où se souvenir et réfléchir".

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