DEBATS. Dans la lancée du concours parodique "Réinventer Pourris", une association d'architectes a organisé le 4 octobre une soirée-débat sur l'appel à projet parisien. L'occasion pour l'architecte et urbaniste, Frédéric Bonnet, Grand Prix de l'Urbanisme 2014 de déplorer "un coup de communication de la Ville de Paris".

Remise du "brocolis d'or" à l'agence "TVKK" [sic] ou du "brocolis d'argent" à "La catin et La sale" [re-sic]... C'est dans un esprit potache que s'est déroulée la soirée "Stress et Paillote" organisée ce mercredi 4 octobre par l'association d'architectes "Réinventer Pourris". Après avoir lancé un coup de gueule tout en "se marrant" contre le concours "Réinventer Paris", l'association a poursuivi, la démarche. Elle a concocté, dans un café du 10ème arrondissement de Paris, un événement placé sous le signe de l'humour et de la dérision.

 

 

La soirée "Stress et Paillote" organisée ce mercredi 4 octobre 2017 par l\'association "Réinventer Pourris".
La soirée "Stress et Paillote" organisée ce mercredi 4 octobre 2017 par l'association "Réinventer Pourris". © S.C. Batiactu

Les absents : architectes lauréats du concours et promoteurs

 

Au menu, une soirée rythmée en deux temps : un débat, des échanges sur l'innovation, la commande publique en présence notamment de l'architecte urbaniste Frédéric Bonnet et dans la foulée une remise des "brocolis", trophées parodiques.

 

Toutefois, Yann Legouis, l'un des organisateurs de la réunion déplorait l'absence d'architectes lauréats de l'appel à projets ou encore représentants de la promotion immobilière. Alors même que la ville de Paris a joué le jeu en dépêchant Marion Waller, conseillère urbanisme et attractivité de Jean-Louis Missika, adjoint à l'urbanisme, excusé pour des raisons de santé.

 

"Pour fêter dignement la crise de la quarantaine de la loi sur l'architecture", on vous propose ce débat, a rappelé Yann Legouis à la cinquantaine de jeunes étudiants en architecture présents à la soirée. En 2017, il est urgent d'attirer l'attention de tous sur les dangers du travail spéculatif, du travail gratuit, et du désengagement des maîtrises d'ouvrages publiques. Sans oublier qu'aujourd'hui, on retrouve toujours les mêmes mots dans les programmes et on doit cocher par exemple le mot hybridation ou co-working sur toutes les cases."

 

"Faire des tours en bois, cela n'a rien d'inventif"

 

Au cœur des échanges, l'architecte urbaniste Frédéric Bonnet, Grand Prix de l'Urbanisme 2014 et commissaire du Pavillon français à la Biennale de Venise en 2016, n'a pas mâché ses mots. Il déplore "l'excès de communication de cet appel à projet et le caractère dérogatoire de la médiocrité de la production française. Faire des tours en bois, cela n'a rien d'inventif, c'est ce que je déplore lorsque je discute avec des confrères architectes suisses. Cela se fait depuis plus de vingt ans."

 

L'architecte engagé en début d'année par le ministère de la Culture pour réfléchir sur la Stratégie nationale de l'architecture aux côtés de Marc Barani et Paul Chemetov a rappelé la "nécessité impérieuse de se battre collectivement à l'échelle nationale sur la qualité des outils de production qui est aujourd'hui désastreuse."

 

"Que la ville de Paris pousse les grands majors du BTP à innover, ce qu'ils n'ont pas fait depuis trente ans, c'est extraordinaire." Frédéric Bonnet

 

"Si la ville de Paris joue son rôle de capitale riche, c'est très bien, mais lorsqu'elle excelle dans la com', c'est regrettable, ajoute-t-il. Que la ville de Paris pousse les grands majors du BTP à innover, ce qu'ils n'ont pas fait depuis trente ans, c'est extraordinaire. En revanche, qu'elle loupe une occasion en étant un peu légère sur le processus, c'est regrettable. C'est trop dans la com' et pas assez sur le fond ! Et par exemple, lorsque des architectes proposent des arbres sur des toitures, c'est ridicule. [...] Si l'on souhaite innover, on prend du temps, on fait des suivis et on prend du recul. Certes, c'est moins rigolo que Réinventer Paris, mais on peut avancer beaucoup plus."

 

"Nous nous engageons à suivre chaque année tous les projets." Marin Waller, Ville Paris

 

 

De son côté, Marion Waller, conseillère urbanisme et attractivité à la Ville de Paris s'est défendue. Elle a rappelé "les heures de travail de la direction de l'urbanisme pour écrire un règlement." "Certes, il n'en comporte pas 150 pages, mais 50, a-t-elle signalé. Tout le monde souffre d'un excès de normes et on a voulu trouver le bon ton et trouver la même demande. Le suivi des projets demeure gigantesque, sept projets de Réinventer Paris 1 sont à ce jour délivrés et cinq autres sont en cours d'instruction."

 

"Lorsqu'on dit un permis de construire, c'est aussi un engagement sur l'innovation pour plus de 15 ans. Nous nous engageons à suivre chaque année les projets, a-t-elle complété. La ville de Paris n'est donc pas en retrait sur l'innovation. Et si on avait fait un concours hors PLU, cela n'aurait pas fonctionné."

 

Enfin, Eric Escande, directeur Innovation et Stratégie environnement d'Alto ingénierie, lauréat de Réinventer Paris 1 avec "Morland Mixité Capitale", 4ème à Paris, (Emerige et David Chipperfield Architectes) et participant à sept appels de "Réinventer la Seine", estime que "ce format de concours n'a du sens que s'il y un véritable suivi par la suite. L'étoile dans les yeux ne suffit pas."

 

"Inviter des citoyens au jury", une proposition de Alto Ingénierie

 

"C'est pourquoi l'intelligence collective doit être primée dans les futurs concours, nous aimerions que les citoyens, par exemple, puissent participer dans les jurys, a-t-il estimé. La ville de Paris est peut-être embêtée en ce moment par le caractère international du jury. Je pense que l'on peut travailler sur la popularité de jury, car on a des vrais experts de co-conception et on pourra éviter de fabriquer des gadgets." Le débat ne fait que commencer chez "Réinventer Pourris"... et "Réinventer Paris" !

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