APPEL A PROJETS. Profitant d'un contexte favorable avec la baisse anticipée de la demande de bureaux, la Ville de Paris lance un appel à projet spécifiquement dédiés à la transformation de bureaux en logements.
La crise sanitaire et ses conséquences pourraient être un formidable accélérateur pour la "tarte à la crème" que constitue la transformation de bureaux en logements à Paris. C'est Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la maire, qui l'affirme, le 9 février, en lançant officiellement la troisième édition de Réinventer Paris. Entièrement consacrée à cette thématique, cette édition fonctionnera différemment des deux premières : spécifiquement centré sur l'accompagnement de la transformation, il s'agit en fait plutôt d'une "méthode, une ingénierie de projet, à la disposition des porteurs de projets", alors que la transformation des immeubles tertiaires en logements reste une opération "complexe".
D'un côté, "16 à 18 millions de mètres carrés de bureaux", mal répartis géographiquement. De l'autre, un "grand besoin" de produire des logements, notamment sociaux, surtout dans les quartiers de l'ouest de la capitale où se trouve justement la majorité des surfaces de bureaux. Si jusqu'ici la très faible vacance structurelle des bureaux (environ 1%, indique Emmanuel Grégoire) n'a pas encouragé les propriétaires à les transformer en logements, la crise actuelle pourrait changer la donne, veut croire le premier adjoint : par l'effet cumulé de la crise économique - passagère - et des changements d'habitudes, notamment vis-à-vis du télétravail - qui pourraient être pérennes - la baisse de la demande de bureaux est estimée à 20% voire 25% dans les prochaines années.
Objectif : 700 à 800.000 m2 de bureaux transformés en logement
Si la conjoncture s'avère favorable pour la Ville, qui mène depuis 2001 une action tournée vers la transformation de bureaux en logements (378.000 m2 de bureaux transformés en logement sur les deux mandats de Bertrand Delanoé, puis presque autant sur le premier mandat d'Anne Hidalgo), les difficultés techniques perdurent. C'est pour faciliter le passage à l'acte que la Ville lance cet appel à projets, dans la lignée des Réinventer Paris, avec "l'ambition de dépasser très largement les chiffres des mandats précédents" et d'atteindre 700 à 800.000 m2 de locaux transformés.
Les modalités sont toutefois différentes des deux premiers appels à projets urbains innovants (Apui) : il ne s'agit pas d'un appel à projets en un coup, avec une date limite et un jury qui choisit parmi plusieurs propositions architecturales et programmatiques. Là, ce sont les propriétaires qui feront le choix de l'acquéreur. L'implication de la Ville permettra d'apporter "conseil" au vendeur, et surtout, "de gagner beaucoup de temps en menant en parallèle la cession du bien et l'instruction du permis du projet".
Six premiers sites présentés
Ces "partenariats à trois" doivent permettre au propriétaire de maximiser la valeur de son bien, à l'acheteur de sécuriser l'achat, et à la Ville de "gagner du temps sur ses objectifs" que sont la production de logements sans densifier davantage et à impact environnemental réduit par rapport à la construction neuve. La Ville émettra donc un cahier des charges "différent pour chaque site, selon nos choix pour les quartiers", explique Emmanuel Grégoire.
Dans cet appel à projets d'une nature nouvelle, pas de date limite, pas de liste exhaustive non plus : ce 9 février, six premiers sites "emblématiques" ont été dévoilés, d'une surface totale de 60.000 mètres carrés, "et d'un potentiel de bien plus", a précisé le premier adjoint. D'autres vagues de présentations de sites viendront, et les propriétaires intéressés sont invités à se manifester.
Les six premiers sites de réinventer Paris 3 :
- Site universitaire - 19 rue des Bernardins (5e). Propriété de la Ville de Paris qui accueille des activités de l'Université Sorbonne Nouvelle Paris III, qui déménage. Cet immeuble de bureaux se prête tout à fait à du logement. Il sera réhabilité et mis en valeur. Surface : 900 m². Objectifs généraux : part importante de logement social
- Siège de l'APHP - Avenue Victoria, Paris Centre. Surface : environ 25.000 m². Objectifs généraux : maximum 50% des surfaces affectés à des surfaces de bureaux, et 30% à du logement social.
- Ancien centre de distribution électrique - 6 rue d'Aboukir (Paris Centre). Surface : 5.000 m². Objectifs généraux : part importante de logement social, volet social dans la programmation sera envisagée (hébergement, activités).
- Garage Citroën - 62 avenue de la République (11e). Ancien garage automobile Citroën, vacant depuis plusieurs mois. Surface : 6.500 m². Objectifs généraux : 60% de logements social, 20% de logements libres. Réhabilitation à privilégier sur la majorité afin de préserver l'unité urbaine du cœur d'ilot.
- Garage Renault - 29 quai de Grenelle (15e). Le bâtiment édifié en 1954 comporte neuf niveaux. Il accueille des espaces de vente, et de réparation automobile. Surface : 10.500 m². Objectifs généraux : 2/3 de la programmation pour du logement, avec une part de logement social familial, et spécifique. Réhabilitation à privilégier sur la majorité.
- Tati Barbès - 4 boulevard de Rochechouart (18e). Site emblématique de l'histoire parisienne de la fin du 19e avec la brasserie Dupont, aux magasins Tati à partir des années 1950. Surface : 6.500 m². Objectifs généraux : en partie logement, et notamment social. Réhabilitation à privilégier pour cet ensemble urbain emblématique du quartier de Barbès.
Un premier bilan des transformations à l'échelle nationale
Le ministère chargé du logement a publié, le jour même de la présentation de l'appel à projets parisien, un bilan des transformations de bureaux en logements depuis 2018. 417.000 mètres carrés de logements issus de la transformation de bureaux ont fait l'objet d'une demande de permis de construire, dont 110.000 m2 dans l'agglomération parisienne (26%) et 190.000 m2 dans les autres grandes agglomérations (46%). 85.000 m2 de logements ont été engagés par les signataires de la charte d'engagement pour la transformation en logements de 500 000 m2 de bureaux en Ile-de-France, signée en 2018 entre l'Etat et les grands opérateurs.
Par ailleurs, la Foncière de transformation immobilière, créée en 2020 par Action Logement dans le cadre du Plan d'investissement volontaire, et dédiée à l'acquisition et au portage de foncier d'activité vacant, est en négociation pour la création de 101.000 m2 de logements, dont 42.000 m2 ont déjà été contractualisés, indique le ministère.
Une feuille de route associant les pouvoirs publics et les partenaires privés a été dressée, pour améliorer la connaissance du parc de bureaux et de son évolution future ; mettre en place des mesures de simplification pour améliorer le modèle économique et faciliter les opérations ; et renforcer la mobilisation des acteurs, en associant les élus des territoires les plus concernés, et en élargissant les partenariats établis sur la base de la charte.
Ces annonces interviennent dans le contexte où l'Institut d'épargne immobilière (IEIF) prévoit que la montée en puissance du télétravail dans la seule Ile-de-France conduira dans les dix prochaines années à un excès de 3,3 millions de m2 de bureaux, soit 6,5% du parc.