ENTRETIEN. Suite à l'incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris, le Gouvernement a annoncé un renforcement des exigences incendies dans ce type de bâtiments. Réaction de Jean-Michel d'Hoop, expert honoraire auprès de la Cour d'Appel de Paris, pour qui les édifices patrimoniaux doivent être traités au cas par cas sur ce point.
Batiactu : Le Gouvernement envisage de renforcer la sécurité incendie concernant les bâtiments patrimoniaux. Est-ce justifié au vu de ce qu'il s'est passé le 15 avril dernier ?
Jean-Michel d'Hoop : La prise en compte du risque d'incendie en France s'effectue essentiellement à partir des prescriptions réglementaires récentes, prescriptions visant à assurer la sécurité des personnes et de l'environnement. Cette réglementation est remarquablement efficace, mais elle n'est pas rétroactive et n'est ni adaptée ni adaptable au bâti des monuments historiques.
Jean-Michel d'Hoop : La prise en compte du risque d'incendie en France s'effectue essentiellement à partir des prescriptions réglementaires récentes, prescriptions visant à assurer la sécurité des personnes et de l'environnement. Cette réglementation est remarquablement efficace, mais elle n'est pas rétroactive et n'est ni adaptée ni adaptable au bâti des monuments historiques.
Le patrimoine est constitué de constructions diverses qui nécessitent un traitement "sur mesure". Ce ne sont pas des "types" que l'on peut "classer" pour fixer des prescriptions techniques à mettre en œuvre. Renforcer la réglementation de peut que prescrire des principes généraux, par exemple l'application de la procédure de permis de feu en précisant qui en a effectivement la responsabilité, mais la conception de la sécurité doit être étudiée pour chaque cas à l'aide d'une démarche d'ingénierie.
La démarche concernant la protection des biens constituant un patrimoine est généralement conçue en fonction des recommandations de l'assurance qui sont alors des obligations contractuelles. Les compagnies d'assurance contre l'incendie ne s'engagent sur une garantie qu'après un examen de l'ensemble des dispositions de sécurité validées par des services compétents.
Batiactu : Quels sont ces dispositions ?
Jean-Michel d'Hoop : Cette démarche est effectuée en fonction de critères de prévention et de protection reconnus internationalement : l'assureur doit se re-assurer à son tour auprès d'un réseau de compagnies de re-assurrance. Les deux démarches se complètent. La réglementation applicable aux établissements recevant du public (ERP), par exemple, n'impose pas de surveillance aux heures de fermeture des locaux au public, alors que les garanties des assurances impliquent la continuité de la surveillance des locaux inoccupés selon des règles précises.
Batiactu : Que préconisez-vous pour améliorer la situation en France ?
Jean-Michel d'Hoop : L'État étant son propre assureur, ne bénéficie pas de l'apport des compétences des professionnels de la gestion des risques concernant le patrimoine matériel et immatériel. Le système actuel demande donc à être revisité de sorte que l'ensemble des conséquences possibles d'un incendie soit pris en considération dans les interventions sur les bâtiments et sur leurs conditions d'exploitation. La procédure existe : elle fait l'objet de la norme NF ISO 23932 datant de 2009, mise à jour en janvier 2019, dont l'objet est rappelé en tête du document (1).
Une telle démarche ne peut pas être mise en œuvre instantanément de manière sûre et efficace : il faut des acteurs formés, une organisation administrative adaptée, ce qui prend du temps.
"L'essentiel est qu'une personne soit désignée comme responsable de la maîtrise et la gestion des risques spécifiques aux bâtiments anciens"
Batiactu : Que pourrait-on faire dans un premier temps ?
Jean-Michel d'Hoop : Dans l'immédiat, le recours aux compétences de bureaux d'études spécialisés peut être envisagé comme assistant à la maîtrise d'ouvrage lors de travaux et comme conseil aux exploitants des établissements. Les moyens de sécurité à envisager dans le cas de bâtiments anciens n'appartiennent pas toujours au "catalogue" des moyens prescrits par les textes réglementaires, mais leurs performances sont connues et éprouvées par le monde de l'assurance (extinction automatique, procédure de permis de feu, vidéo surveillance thermique, télésurveillance, protection contre les intrusions, contrôle d'accès, etc.).
L'essentiel est qu'une personne soit désignée comme responsable de la maîtrise et la gestion des risques spécifiques aux bâtiments anciens constituant notre patrimoine. La sécurité du patrimoine passe donc par la mise en place d'une gouvernance appropriée, couvrant tous les risques après analyse de toutes les conséquences prévisibles des sinistres.
(1) "Le présent document fournit les principes généraux relatifs à une méthodologie 'performantielle' utiles aux ingénieurs, pour l'évaluation du niveau de sécurité incendie des ouvrages, neufs ou existants. La sécurité incendie est évaluée par une méthode d'ingénierie basée sur la quantification du comportement du feu, et des personnes, prenant en compte la connaissance des conséquences d'un tel comportement sur la protection des vies humaines, des biens et de l'environnement."