Fin mai 2011, le secrétaire d'Etat au Logement présentait sa vision d'un « urbanisme de projet », avec quelque 70 mesures à la clé. A quelques semaines de la parution des ordonnances qui seront soumises au Conseil des ministres, l'Ordre des Architectes et l'Ordre des géomètres-experts font part de leur réaction à ce texte.

Déjà, le 27 mai dernier, le Conseil national de l'Ordre des Architectes tapait du poing sur la table et demandait le retrait de la proposition de Benoist Apparu (lire article). S'insurgeant contre la mesure qui rendait la construction d'une extension jusqu'à 40 m2 soumise à une seule déclaration préalable et non plus à une demande de permis de construire, l'Ordre qualifiait cela de « démagogie à courte vue » non respectueuse des dispositions du Grenelle 2 et « source d'une grande sinistralité » à venir. Mardi, le CNOA a décidé de frapper encore plus fort, en adressant directement une lettre au Chef de l'Etat (cf. encadré).

 

Les Architectes, par la voix de leur Président, Lionel Carli, déplorent ainsi que le gouvernement ne tienne pas son « engagement public en faveur d'une architecture de qualité », un engagement qu'ils jugent « sacrifié à l'approche des échéances électorales de 2012 ». A nouveau, ils réitèrent le retrait de la disposition concernant les extensions de bâtiment.

 

Jean qui rit, jean qui pleure…
En revanche, l'Ordre des géomètres-experts (OGE) « salue l'esprit de la réforme engagée par Benoist Apparu » et se félicité « qu'un certain nombre de propositions qu'il a formulées dans les différents groupes de travail ministériels aient été reprises dans les projets d'ordonnance ». Pour les géomètres, ce texte s'inscrit dans les objectifs du Grenelle et devrait permettre de « libérer les initiatives en faveur d'une plus grande constructibilité ». Les propositions de l'OGE portaient sur la réforme de la Shon/Shob (lire article), sur celle du lotissement, de la refonte de fiscalité de l'aménagement ou encore des documents d'urbanisme. Toutefois, le Président de l'OGE, François Mazuyer, souhaite « aller au-delà encore de la réforme 'urbanisme de projet' et préconise une évolution de la gouvernance territoriale ». Ainsi, il propose une réflexion sur « le rôle et l'efficacité de la règle unilatérale en urbanisme, de son mode de production et de sa finalité ». L'OGE a enfin indiqué qu'il poursuivra sa contribution active à l'élaboration des textes de loi et décrets d'application, « notamment s'agissant de la refonte de l'architecture des PLU et du renforcement des PUP [Projet urbain partenarial, ndlr] ».

 

D'autres voix pourraient se faire entendre d'ici à la parution des ordonnances, prévue probablement à la fin de l'été.

 


LETTRE OUVERTE A MONSIEUR LE PRESIDENT DE LA REPUBLIQUE

 

Les architectes avaient pu se féliciter au début de votre mandat, de votre engagement public en faveur d'une architecture de qualité, enjeu de civilisation, et gage de mieux vivre pour l'ensemble de nos concitoyens.
Les récentes mesures annoncées par le Secrétaire d'Etat au Logement laissent penser que cet engagement se trouve sacrifié à l'approche des échéances électorales de 2012. Ces propositions seront désastreuses pour l'environnement et la qualité de vie quotidienne des Français.

 

En effet, Benoist Apparu, aux termes d'un simulacre de concertation sur « l'urbanisme de projet », a annoncé par communiqué à l'Agence France Presse, la possibilité d'une extension de bâtiment aux constructions existantes, pouvant atteindre 40m² et ce, sous forme d'une simple déclaration préalable, l'excluant ainsi du champ du permis de construire et de fait du recours obligatoire à l'architecte.
Cette mesure présentée comme une simplification, aura des conséquences néfastes et durables sur l'environnement quotidien de la population :
Ainsi, outre l'augmentation du risque de sinistres, cette disposition en dispensant ces constructions du permis de construire, les soustraira au contrôle en matière d'accessibilité et d'amélioration de la performance énergétique prévue pourtant par la loi Grenelle 2 portant engagement sur l'environnement ; de plus en facilitant, une densification anarchique des lotissements, elle multipliera les conflits de voisinage, ne laissant aux maires que le soin de les gérer.

 

Enfin cette mesure, si elle entre en application, videra pratiquement de son contenu la loi du 3 janvier 1977 qui déclare l'architecture d'intérêt public, garanti par l'architecte.

 

Pour toutes ces raisons, Monsieur le Président de la République, nous vous demandons, au nom de l'ensemble des architectes et de l'intérêt public de l'architecture qu'ils défendent pour nos concitoyens, de retirer cette disposition.

 

Nous vous prions d'accepter, Monsieur le Président de la République, l'expression de notre très haute considération.
Lionel Carli, président du Conseil national de l'Ordre des architectes

 

Et les présidents des Conseils régionaux de l'Ordre des architectes d'Alsace, Aquitaine, Auvergne, Bourgogne, Bretagne, Centre, Champagne-Ardenne, Corse, Franche-Comté, Ile de France, Languedoc-Roussillon, Limousin, Lorraine, Midi-Pyrénées, Nord-Pas-de -Calais, Basse-Normandie, Haute-Normandie, Pays de Loire, Picardie, Poitou-Charentes, PACA, Rhône-Alpes, Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion

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