Le projet de loi de Décentralisation présenté le 10 avril dernier prévoit notamment un transfert du Plan local d'urbanisme (PLU) aux intercommunalités. Après les élus, c'est au tour des architectes de réagir. Entretien avec Denis Dessus, délégué juridique à l'Unsfa.
Batiactu : Dans le premier projet de loi de la Décentralisation, il est question que les Communautés de communes et d'agglomération se voient transférer l'élaboration du Plan local d'urbanisme (PLU). Les élus sont d'ores et déjà sceptiques. Quel est l'avis des architectes ?
Denis Dessus : Depuis la loi de Décentralisation de 1982, alors que nous devions mieux gérer grâce à la proximité, on a multiplié les strates, découpé les responsabilités, rendu impossible tout aménagement cohérent du territoire.
Denis Dessus : Depuis la loi de Décentralisation de 1982, alors que nous devions mieux gérer grâce à la proximité, on a multiplié les strates, découpé les responsabilités, rendu impossible tout aménagement cohérent du territoire.
C'est donc un objectif louable du Gouvernement de vouloir clarifier, moderniser, simplifier, organiser. Or, la loi Lebranchu, si elle pousse au développement des intercommunalités et crée les métropoles, ne remet pas en cause ce que l'on surnomme le "millefeuilles". Pour arriver à comprendre et organiser comment fonctionne un territoire, le texte prévoit, entre autres, un pacte de gouvernance territoriale et des conférences territoriales de l'action publique.
La simplification ne consiste pas à inventer de nouvelles instances, fussent-elles de dialogue et de coordination, et qui sont en fait symptomatiques. La création des métropoles permet de regrouper département et communauté urbaine en ayant une vision globale pertinente mais en générant des sous-structures (Ndlr : conseils de territoire) et en instaurant une gestion territoriale différenciée.
Louable mais encore peu lisible, la volonté de résoudre la problématique du logement en Ile-de-France par une approche régionale. Ainsi, le "mammouth politico-administratif" ne semble pas réduire. A quoi sert, par exemple, cette foultitude d'élus dans un Service départemental d'incendie et de secours (SDIS), outil technique de sécurité qui ne devrait pas être connecté à une gestion politique ?
"Déjà, aujourd'hui, la commune rurale n'instruit rien et délègue pratiquement tout"
Batiactu : Quelles sont les modifications à attendre pour les architectes qui doivent faire instruire la règle urbaine à chaque dépôt de permis de construire ?Denis Dessus : La loi devrait transférer le PLU* à l'intercommunalité et l'instruction du permis de construire devrait rester à la commune. Effectivement, l'échelon intercommunal est plus cohérent pour déterminer le projet d'urbanisme, mais, en ce cas, pourquoi maintenir l'instruction du permis de construire à la commune, restant ainsi en première ligne vis-à-vis de sa population, avec des responsabilités et généralement peu de compétences techniques ? Déjà, aujourd'hui, la commune rurale n'instruit rien et délègue pratiquement tout.
Batiactu : Quelles sont donc les solutions pour satisfaire les élus communaux ?
Denis Dessus : La Décentralisation et le retrait des services de l'état, la complexification de l'acte de construire et la multiplication des obligations au stade du permis de construire se traduisent, aujourd'hui, par une instruction ubuesque. On touche les limites d'un essai de redéfinition de Gouvernance qui ne produit pas pour l'instant de réponse opérationnelle.
La perte de compétence dans les communes ou l'intercommunalité est un constat partagé, et un vrai sujet de débat. Le projet de loi souhaite étendre la compétence que les conseils généraux apportent aux communes, à la voirie, à l'aménagement du territoire et à l'habitat. Le rôle de cette ingénierie publique doit être encadré, comme doit être précisé celui des Sociétés publiques locales (SPL) qui se développent un peu partout depuis leur création en 2010.
Batiactu : Quels sont vos autres souhaits ?
Denis Dessus : Nous approuvons le souhait exprimé de transparence financière. La bonne gestion est le gage d'une capacité durable d'investissement et de satisfaction des besoins publics. L'UNSFA demande donc un moratoire immédiat sur les PPP et que tout engagement des finances des collectivités, sur des périodes allant au-delà des durées de mandat politique, ait fait l'objet d'une expertise préalable démontrant leur soutenabilité financière. Nous souhaitons aussi que les représentants des professions compétentes soient associés aux travaux des différents organes de consultation créés, comme, par exemple, la commission consultative d'évaluation des normes.
Batiactu : Est-ce, d'après-vous, une loi aux objectifs ambitieux ?
Denis Dessus : Oui, effectivement, mais n'aurait-il pas fallu avoir une vision distanciée : partir de l'objectif, comment permettre un aménagement du territoire cohérent, et réfléchir à une organisation idéale ? Cela aurait peut-être engendré des propositions politiquement incorrectes, voire une "loi de recentralisation' !"
Les communes ayant engagé une procédure d'élaboration, de révision, de modification ou de mise en compatibilité d'un PLU avant l'entrée en vigueur de la future loi -et ayant achevé cette procédure dans un délai parallèle d'un an- pourront rester compétentes jusqu'à l'achèvement de cette procédure. Au terme de ce délai, si les procédures n'ont pas abouti, les communautés de communes et les communautés d'agglomération deviennent de plein droit compétentes en matière de PLU.