FISCALITE. La réforme du crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) fait l'objet d'âpres discussions entre Bercy et la Capeb, a affirmé Patrick Liébus lors d'une conférence de presse de l'organisation. De premiers contours semblent se dessiner. L'artisanat espère réussir à maintenir ce dispositif jusqu'à fin 2018 pour soutenir la croissance.

"Ce coup-là, on ne nous l'avait encore jamais fait !" C'est Patrick Liébus, président de la Capeb, qui s'est exprimé ainsi, lors d'une conférence de presse de l'organisation qui se tenait le 17 octobre à Paris. Ces propos visent la première mouture de la réforme du Crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), annoncée fin septembre. Il était alors question de diviser par deux, à compter du 27 septembre 2017, le taux applicabe du CITE pour les fenêtres, volets et portes. Cette mesure aurait été à effet rétroactif, puisque le PLF ne sera voté qu'en fin d'année.

 

Aujourd'hui, et depuis les annonces d'Emmanuel Macron aux 24 heures du bâtiment, le Gouvernement a fait machine arrière. Un amendement au projet de loi de finances pour 2018 a été adopté en commission des finances la semaine dernière. Il supprime l'effet rétroactif, maintenant le CITE en l'état jusqu'au 31 décembre 2017. Mais fait passer le taux à 15% à partir du 1er janvier 2018 pour les équipements concernés (et, pour les fenêtres, le limite aux cas de remplacement d'une fenêtre simple vitrage). Puis, au 30 juin 2018, les fenêtres, portes et volets seraient exclus. Quant aux chaudières au fioul, aux dernières nouvelles, elles seraient exclues dès le 1er janvier 2018. Enfin, l'idée de bouquet de travaux, évoquée récemment par Sébastien Lecornu, secrétaire d'Etat à la Transition écologique, a visiblement été abandonnée.

 

Pour le CITE, tout se joue au ministère des Finances

 

Pour Patrick Liébus, l'espoir subsiste de voir le projet évoluer à nouveau. "Dès les premières annonces, nous avons réagi", rappelle-t-il. "L'effet rétroactif, totalement ingérable, a été supprimé et c'est une bonne chose. Mais aujourd'hui la situation est floue, les pistes envisagées évoluent en permanence, au jour le jour ! Quoi qu'il en soit, tous les interlocuteurs que nous avons dans les ministères nous renvoient vers Bercy." L'inquiétude est donc de mise pour les artisans qui comptent bien pouvoir continuer à s'appuyer sur ce dispositif. "Nous avons affaire à des technocrates qui créent des mesures qui ne correspondent à rien", regrette le président de la Capeb.

 

L'organisation, tout comme la filière fenêtre récemment, a fait ses propositions au Gouvernement. "Nous demandons bien sûr que la suppression de la rétroactivité soit actée. Nous acceptons aussi l'idée de baisser le taux de 30% pour des raisons budgétaires. Mais il doit être ramené à 15% jusqu'à fin 2018, sous des conditions très précises. Par exemple, en ce qui concerne les portes, il s'agirait de maintenir le CITE pour celles qui donnent sur l'extérieur du bâti. Et il faudrait également sortir les portes blindées du dispositif", a détaillé Patrick Liébus.

 

La Capeb et la FFB font front commun sur ce sujet

 

La Capeb et la FFB se sont récemment rapprochées à ce sujet et souhaitent faire front commun en faveur d'une réforme du CITE que les professionnels jugeraient plus équilibrée. Chose assez rare pour être notée, puisque les deux organisations divergent sur de nombreux points. "Nous ne pouvons pas accepter que ce dispositif, qui symbolise pour nous la reprise de notre secteur, soit écarté", a affirmé Patrick Liébus.

 

L'artisanat du bâtiment enchaîne en effet, à septembre 2017, son septième trimestre d'affilée de croissance économique, avec une hausse de 2,5% de l'activité (5% pour le neuf et 1% pour l'entretien-rénovation). Cette tendance est vraie sur l'ensemble du territoire, un peu moins toutefois en Centre-Val-de-Loire et en Occitanie (+1,5% seulement). "Le neuf est tiré par les taux bas, les dispositifs Pinel et PTZ+", détaille Patrick Liébus. "Nous avons de grosses discussions avec Bercy sur l'efficacité de ces systèmes. Le ministère se focalise sur leur coût, mais oublie de considérer ce que cela rapporte, notamment en nombre d'emplois."

 

Depuis le Grenelle de l'environnement, les pouvoirs publics font "marche arrière"

 

Les travaux de rénovation énergétique, quant à eux, constituent 23% des travaux de rénovation et sont en hausse de +2% sur un an. Ils sont soutenus par le CITE et le taux réduit de TVA, garanti pour l'année 2018. "J'avais travaillé avec Nicolas Hulot à l'époque du Grenelle de l'environnement [sous Nicolas Sarkozy, NDLR]", a également déclaré Patrick Liébus. "Il y a aujourd'hui un effet marche arrière des pouvoirs publics par rapport à cette période. Nicolas Hulot en est bien conscient et en est un peu gêné."

 

Quoi qu'il en soit, l'horizon s'est dégagé pour les artisans, leur carnet de commandes se fixant à 90 jours en moyenne, en léger repli par rapport à juillet (94 jours). "C'est là le signe d'un ralentissement observé également sur le front des ventes de logements neufs", pointe le président de la Capeb. En 2017, l'artisanat du bâtiment devrait par ailleurs redevenir créateur d'emplois : +3.000 à 4.000 sont envisagés (après une stagnation en 2016). "60% des emplois salariés sont dans les entreprises de moins de vingt salariés. Croyez-bien que je ne manque pas de le rappeler au ministère des Finances !", a commenté Patrick Liébus, visiblement préoccupé par les échanges actuels avec les équipes de Gérald Darmanin, ministre de l'Action et des comptes publics.

 

Autre sujet d'inquiétude pour la Capeb : faire baisser les loyers des locataires HLM. "Nous avons des retours terrain qui indiquent que des projets ont d'ores et déjà été arrêtés dans des OPH", précise Patrick Liébus. "Les communes ont moins de moyens, beaucoup d'offices HLM également... Les pouvoirs publics doivent faire attention aux conséquences de leurs réformes. De nombreux responsables de collectivités sont très inquiets."

 

La Capeb explique pourquoi elle ne sera pas au Mondial du bâtiment

 

Cette année, la Capeb n'aura pas de stand au Mondial du bâtiment (ex-Batimat), qui se déroulera du 6 au 10 novembre à Villepinte (Seine-Saint-Denis). Et s'en explique. "Les artisans ne se retrouvent plus dans ce salon, très internationalisé", a expliqué Patrick Liébus lors de la conférence de presse. "A Batimat, nous rencontrions nos partenaires industriels, nous investissions dans des engins de chantier. Aujourd'hui, c'est devenu trop grand, trop cher, on ne s'y reconnaît plus. L'évènement a en plus été délocalisé, le temps de déplacement a beaucoup augmenté. Nous préférons donc nous investir sur d'autres salons, comme Artibat, qui est le deuxième évènement le plus fréquenté après Batimat dans notre profession."

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