PATRIMOINE. L'édification de la tour nord et le remontage de la flèche gothique du monument religieux vont faire l'objet d'un chantier ambitieux. Un parcours de médiation sera également créé pour rencontrer les artisans bâtisseurs et en savoir davantage sur l'histoire de l'édifice.
La ville de Saint-Denis est en passe de connaître une nouvelle page de son histoire patrimoniale. La célèbre basilique va bientôt se doter d'une nouvelle flèche. "La reconstruction de cette dernière va démarrer à l'automne 2024", annonce Mathieu Hanotin, édile de Saint-Denis et président de l'association Suivez la flèche, lors d'une visite de presse le 29 avril 2024.
La flèche qui datait du XIIème siècle et qui culminait à 90 mètres de hauteur avait été démontée pierre par pierre en 1845, suite à un ouragan qui avait mis en péril la tour. "Depuis 150 ans, plusieurs projets de remontage de la flèche ont été imaginés. Celui que nous portons aujourd'hui est une manière de puiser dans les racines de l'histoire de notre pays et de sa construction au fil des siècles."
"Réinventer la taille de pierre"
A ce stade, l'ensemble des autorisations pour la réalisation de ce projet ont été obtenues et les marchés "ont été passés ou sont en voie de l'être", précise le maire. Des travaux de consolidation seront nécessaires pour monter les 15.200 pierres composant la tour nord de la basilique. "Les pierres d'origine sont inutilisables car trop détériorées", explique Mathieu Hanotin. De nouvelles pierres, similaires aux anciennes, seront extraites d'une carrière de Saint-Maximin (Oise). Au moins 15% seront taillées à la main.
"Les pierres et les ouvrages sculptés seront taillés avec une méthode qui réinvente la taille de pierre. L'objectif de ce procédé est de respecter les méthodes traditionnelles de taille des pierres en bénéficiant des moyens technologiques actuels. Des machines seront ainsi utilisées pour les débits primaire et secondaire en atelier, selon des procédés atypiques permettant de conserver le 'gras d'ébauche' sur les six faces de la pierre", explique Jacques Moulin, architecte en chef des Monuments historiques.
Le démontage de la flèche avait, à l'époque, était "très bien documenté". Le processus a donc pu être modélisé en 3D. In fine, cela sera un chantier "anti-architectural", avance-t-il, car il sera "totalement à l'identique, sans aucune création". L'ambition de ce chantier est de permettre "une remise à niveau des savoir-faire ancestraux des entreprises et de développer de nouvelles pratiques de restauration". Au total, 130 artisans interviendront sur cette opération.
Un chantier visitable également prévu
En attendant le lancement de la reconstruction, des travaux de consolidation du massif central ont été lancés en 2022 et se termineront en septembre 2024. Ils comprennent la reprise en sous-œuvre et l'élargissement des fondations existantes des quatre contreforts de la travée nord du massif. Les maçonneries des fondations et les murs sont confortés, notamment par des injections de coulis formulés à base de chaux. Une fouille archéologique avait au préalable été menée, à l'extérieur et à l'intérieur du monument. Les dalles, sols et clôtures sont actuellement en train d'être reposés.
Le projet de la reconstruction de la flèche comprend, lui, la création d'un musée temporaire, au pied de la basilique, permettant au public de découvrir le chantier. À cet endroit, 50 artisans - dont des tailleurs de pierre et forgerons - se partageront l'espace pour faire découvrir les métiers de cette restauration. Le musée servira aussi à raconter l'histoire de la basilique, grâce notamment à la réalité virtuelle.
Le site rassemblera notamment un espace d'accueil, une boutique, une vitrine montrant les pierres de l'ancienne flèche, une exposition, un espace de réalité virtuelle, une salle de projection d'un film et le village des artisans. "Des écrans diffuseront les images filmées sur les échafaudages", ajoute l'architecte.
Les travaux de ces espaces débuteront ce mois-ci pour une ouverture au public au printemps 2025. L'objectif est de donner de la visibilité au chantier et "de fédérer une communauté qui dépassera celle de Saint-Denis", espère Mathieu Hanotin.
"Une odyssée incroyable"
La basilique, classée monument historique, fait face à l'hôtel de ville. Le maire de la commune souhaite, avec cette opération, "construire un projet de communauté locale qui unit toutes les populations de Saint-Denis. C'est un patrimoine qui vise à participer à l'écriture d'une commune qui se projette vers l'avant et se renouvelle. Nous devons réussir à construire une société multiculturelle et attractive."
De son côté, Stéphane Bern estime, dans une vidéo diffusée devant un parterre de journalistes, que ce projet patrimonial "exceptionnel" est une "odyssée incroyable". Il est "le premier chantier de restitution patrimoniale d'ampleur en France, et joue un rôle considérable dans la promotion des savoir-faire anciens", affirme le présentateur télé et spécialiste du patrimoine français. Ces travaux "mobiliseront les meilleurs ouvriers et artisans" du pays, et permettront la formation "de dizaines d'apprentis".
Le financement de ce projet, à hauteur de 37 millions d'euros (dont 10 millions pour le chantier ouvert au public), est permis grâce à des collectivités (Département, Région, Métropole du Grand Paris) et de nombreux fonds privés (dont Vinci, Europequipements et Icade).
L'opération compte également sur le mécénat du public, via un partenariat avec la Fondation du patrimoine. L'achat virtuel de l'une ou de plusieurs des 15.200 pierres qui façonneront la tour est proposé. L'association Suivez la flèche espère récolter entre 3,5 et 5,5 millions d'euros grâce à ce parrainage. La construction de la flèche devrait s'achever à l'automne 2029.
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