CALENDRIER. De nombreux acteurs viennent d'apporter un soutien clair aux projets gouvernementaux sur la RE2020, après une séance plénière du CSCEE durant laquelle a subsisté un fort mécontentement.

Au vu de la fronde lancée par huit organisations professionnelles réunissant principalement les promoteurs-constructeurs contre les projets de textes RE2020, un autre collectif d'acteurs a souhaité réagir en apportant son soutien au Gouvernement. Celui-ci se matérialise par une lettre envoyée ce jour à la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, signée par sept organisations : les architectes (Conseil national de l'ordre), les ingénieurs (Cinov et Syntec), les industriels des produits de constructions (AIMCC), des associations et ONG (Effinergie, Association des ingénieurs et techniciens en climatique, ventilation et froid, Cler, France nature environnement), et le secteur du photovoltaïque (Enerplan). Ces organismes y "encouragent" l'État à faire entrer en vigueur un texte ambitieux, saluant une avancée qui va "limiter la consommation énergétique des bâtiments et engager le monde de la construction sur la voie du bas carbone en cohérence avec la Stratégie nationale bas carbone". Les signataires demandent ainsi une parution des textes avant le 1er juillet 2021, et n'accepteraient un report de l'entrée en vigueur de la RE2020 qu'à la condition que l'exigence soit maintenue intacte.

 

L'effort demandé sur le Bbio : une ambition "atteignable"

 

Sur le plan technique, les signataires soutiennent l'objectif d'un effort de 30 points sur le Bbio. Là où les promoteurs-constructeurs dénoncent une mesure qui déclencherait des surcoûts importants, la lettre s'appuie sur des études menées "sur le dernier moteur de calcul" (et non pas sur le précédent qui "surestimait les besoins de froid"), montrant que l'ambition est atteignable "avec les solutions déjà présentes sur le marché et sans surcoûts significatifs", en maison comme en collectif. Il est simplement demandé un peu plus de souplesse pour le petit collectif inférieur à 1.000 m², où le risque de surcoût excessif semble avéré.

 

 

La députée Marjolaine Meynier-Millefert salue un "consensus total" sur "l'ambition du texte"

 

Marjolaine Meynier-Millefert
Marjolaine Meynier-Millefert © Jean-Luc Hauser - Wikimedia CC

 

Interrogée par Batiactu, la députée de la majorité Marjolaine Meynier-Millefert, vice-présidente de la commission du développement durable à l'Assemblée, et membre du CSCEE, insiste sur "le consensus total" au Conseil sur "l'ambition du texte", qui s'accompagne d'un "âpre débat technique". Convaincue qu'"il n'y a pas un seul acteur qui soit opposé à une nouvelle réglementation environnementale", elle explique la divergence de vote par les positions stratégiques des uns et des autres. Ceux qui ont voté pour ont, selon elle, "voulu apporter leur soutien au gouvernement tout en se réservant la possibilité de revenir dessus s'ils n'étaient pas entendus", tandis que ceux qui ont voté contre ont "voulu insister sur le fait que le texte présenté par le gouvernement n'est pas, techniquement, en l'état, adapté", et qu'ils estiment ne pas avoir mandat de leurs adhérents pour "dire oui à quelque chose qui n'est pas abouti".

 

Ainsi, pour Marjolaine Meynier-Millefert, ce vote partagé est la conséquence d'une "situation inédite", où contrairement à l'habitude, le CSCEE "a à se prononcer sur un texte volontairement non abouti", conformément à la "volonté des ministres". Mais, elle le répète, cette différence en termes de stratégie de vote "n'enlève rien au consensus" sur le texte et sur la plupart des évolutions à celui-ci demandées par le secteur.

 

Que certaines organisations aient choisi de "revenir à leurs revendications", dans un communiqué envoyé le jour même de la tenue du CSCEE, lui paraît naturel : "On ne commence pas une négociation en mettant noir sur blanc ce qu'on acceptera au final", explique-t-elle. En parallèle des discussions entre les organisations et le gouvernement, elle l'assure, le président du CSCEE, Christophe Caresche, "continue d'être sollicité par le gouvernement pour mesurer le consensus". Consensus qui "dépend des traductions techniques" qui seront données aux demandes exprimées dans - et hors - du Conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique.

 

La lettre fait toutefois état de quelques points de dissensus par rapport aux projets gouvernementaux : il est ainsi proposé d'utiliser la méthode 'normée' d'analyse du cycle de vie, et de reporter l'application de la méthode 'dynamique' au label qui suivra la sortie de la RE2020. Par ailleurs, le risque d'encourager à l'installation de "solutions bas de gamme dont la fabrication n'est pas réalisée en Europe", comme les pompes à chaleur air-air, pose question aux signataires, qui souhaiteraient par ailleurs un maintien de la boucle d'eau chaude en logement et d'éventuelles solutions hybrides. Enfin, les seuils carbones envisagés laissent très peu de chances aux réseaux de chaleur de s'intégrer dans le mix, ce qui pourrait "mettre en difficulté leurs équilibres économiques et leurs investissements pour un verdissement" - cette situation pourrait être résolue par l'introduction de plus de progressivité dans les seuils. Sur ces points, on le voit, ces organisations et associations retrouvent en partie les demandes des promoteurs-constructeurs qui ont voté contre le projet d'avis du CSCEE, le 26 janvier 2021.

 

La tonalité du courrier reste quoi qu'il en soit clairement positive : "Nous avons en main un projet soigneusement préparé et prêt pour la mise en œuvre. Il répond aux attentes de la société et représente un formidable potentiel de développement pour tous les acteurs du secteur de la construction."

 

"Il ne faut pas perdre l'ambition du texte", Valérie Flicoteaux (Ordre des architectes)

 

Valérie Flicoteaux
Valérie Flicoteaux, vice-présidente du Cnoa © LinkedIn/Valérie Flicoteaux

 

L'Ordre des architectes exprime sa "grande satisfaction" suite au vote favorable du CSCEE. "Ce texte est un texte d'avenir qui se projette et qui est sur le bon niveau d'exigences", explique Valérie Flicoteaux, vice-président du Cnoa, à Batiactu. L'avis favorable décidé par la majorité des membres "souligne l'ambition du texte gouvernemental et demande des adaptations sur des sujets techniques ; c'est la position du Cnoa". Elle rappelle que les amendements adoptés en même temps que l'avis "ont été âprement discutés lors de la séance précédente", et constituent "un compromis validé par l'ensemble".

 

Dans ce contexte, elle trouve "difficilement compréhensible" la position des "conservateurs" qui ont publié un communiqué demandant des modifications sensiblement plus importantes au texte avancé par le gouvernement. "On peut se demander quelle est leur volonté de voir s'appliquer une nouvelle réglementation, malgré ce qu'ils affirment", s'interroge la vice-présidente du Cnoa. Il n'est pas souhaitable, selon elle, de soutenir des revendications autres que les amendements votés le 26 au Conseil : "Hors de question de revenir sur les niveaux d'exigence", indique Valérie Flicoteaux. "Des modulations, des aménagements sur la date, la méthode de calcul, l'accompagnement, oui, des arbitrages à la marge sur l'évolution d'indices, oui, mais revenir sur l'ambition globales comme le Bbio, non. On perdrait l'ambition du texte."

 

Le 26 janvier 2021, un autre acteur est venu apporter son plein soutien aux projets gouvernementaux, il s'agit d'EDF, qui organisait une conférence de presse au sujet de la pompe à chaleur. L'idée était notamment de revenir sur ce que le groupe considère comme étant des "idées reçues" au sujet des équipements de chauffage électrique. "Contrairement à ce qui se dit parfois, le chauffage électrique n'est pas plus cher que celui au gaz, bien au contraire", a ainsi assuré Chantal Degand, directrice adjointe département solutions innovantes et usages bas carbone. L'argument d'aggraver la pointe électrique d'hiver, par ailleurs, en cas de massification du chauffage électrique, ne tiendrait pas la route : EDF s'appuie sur l'étude Ademe/RTE de fin 2020 qui assure que la hausse de la pointe électrique resterait faible (+2 à +6%), d'autant plus si l'on faisait des efforts d'isolation des bâtiment. Ainsi, le chauffage électrique, promu par le Gouvernement, serait la meilleure solution pour atteindre les objectifs de décarbonation.

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