INTERVIEW. La vice-présidente de l'Ordre des architectes relève, pour Batiactu, les points saillants de la nouvelle réglementation environnementale pour la profession. En particulier, le confort d'été et l'analyse du cycle de vie.

A quelques semaines de l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation environnementale, Valérie Flicoteaux, vice-présidente du Conseil national de l'Ordre des architectes, rappelle les enjeux que revêt la RE2020 pour les architectes et, au-delà, pour toute la filière de l'acte de construire.

 

Batiactu : Les architectes sont-ils prêts à appliquer la RE2020 au 1er janvier 2022 ?

 

Valérie Flicoteaux :
La profession s'organisera pour être conforme au 1er janvier. Nous avons toujours été au rendez-vous, et nous saurons nous organiser. C'est tirer tout le monde vers le haut que d'évoluer comme cela à marche forcée, et le Cnoa est très satisfait de cette avancée. Les architectes seront en première ligne, avec les bureaux d'études thermiques. C'est une grosse évolution, et tout le monde doit se former et s'acculturer aux sujets que la RE2020 va poser.

 

Quelles sont les actions entreprises par le Cnoa pour préparer la profession ?

 

V.F. :
Le Cnoa a principalement agi en matière de formation, avec un fonds de formation constitué avec l'ensemble de la filière, travaillé avec l'Ademe, pour décrire les fondamentaux de la RE et préciser ce qui doit être communiqué aux prescripteurs. Cela a été diffusé dans le réseau et chaque organisme monte les formations comme il l'entend sur la base de ce fond commun. Les conseils régionaux de l'Ordre sont invités à monter leurs propres campagnes de sensibilisation. Au niveau national, le Cnoa lance une campagne de sensibilisation, avec un premier webinaire de présentation des points saillants de la RE, 1er décembre.

 

 

 

Quels sont ces points saillants ? Quels sont les sujets qui peuvent poser des difficultés aux architectes ?

 

V. F. :
Les sujets nouveaux de la RE2020 sont des sujets auxquels les architectes sont déjà sensibilisés globalement. Le confort d'été par exemple c'est un sujet ancien que maîtrisent les architectes depuis longtemps, même s'il fait son apparition dans la réglementation. L'analyse du cycle de vie (ACV) aussi on en parle depuis un certain temps. Certains sont plus sensibles que d'autres, il y a un effort à faire pour diffuser à tous. Mais on ne part pas de zéro.

 

 

 

Leur prise en compte systématique dans les projets va nous amener à changer nos façons de réfléchir. Par exemple la question du confort d'été va nous obliger à penser en termes d'implantation bioclimatique des bâtiments, même si on sait déjà qu'une façade vitrée plein sud à Nie est obsolète. Avec l'ACV, il faudra retrouver de nouveaux ordres de grandeur en termes de matériaux notamment.

 

La filière est-elle prête à suivre les architectes sur la diversification des matériaux de construction ?

 

V. F. :
Notre sujet n'est pas d'opposer les matériaux entre eux, mais il y a une réalité française qui est que par simplicité on met souvent en œuvre du béton là où on pourrait mettre autre chose. Notre discours c'est "le bon matériau au bon endroit". Les architectes doivent élargir la palette des possibilités et des mises en œuvre à des prix abordables. Parce qu'aujourd'hui, le biosourcé, le géosourcé et les matériaux innovants sont utilisés et montrent la possibilité de faire, mais ils restent dans le champ de l'expérimentation, de l'engagement militants, avec des maîtres d'ouvrage qui supportent les surcouts. L'enjeu est de sortir de l'expérimental et du militantisme et de donner accès à tous à ces matériaux.

 

 

 

Il y a un enjeu de remise en route de filières matériaux dans les territoires, avec parfois des savoir-faire anciens qui peuvent trouver une nouvelle vie : la terre crue, la paille… dans chaque région des filières locales sont pertinentes économiquement et il faut restructurer les filières autour de matériaux français. Il faut repenser l'organisation industrielle du territoire, c'est un travail qui va au-delà de l'architecture : retrouver des scieries pour exploiter le bois français, dialoguer avec le monde agricole sur les co-produits agricoles tels que la paille, le chanvre, etc. selon les particularités.

 

Sur cette question des matériaux, on voit bien que cela bouge, et les architectes ont été pionniers de cette réflexion. Mais la situation est quand même paradoxale : on souffre des pénuries comme d'autres pays alors que la France est très riche de ressources. Les filières ne sont pas organisées.

 

Le monde de l'architecture est précurseur sur ces sujets. Mais ce n'est pas parce qu'il y a des précurseurs que l'ensemble de la profession est au point. C'est aussi souvent sous la contrainte que les architectes montrent leur mobilisation. J'ai confiance dans la capacité des architectes à s'emparer des enjeux.

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