ÉPILOGUE. Les principales organisations de la filière Bâtiment viennent de saluer, dans un communiqué de presse commun, le "succès" que représente la future réglementation environnementale 2020 (RE2020) pour les logements. Le texte entrera en vigueur en janvier 2022.

C'est un message fort et sans ambiguïté qu'a souhaité faire passer la filière du Bâtiment : la réglementation environnementale 2020 (RE2020), qui entrera en vigueur pour les logements en janvier prochain, est un "succès". C'est ce que l'on peut lire dans un communiqué de presse commun, daté du 14 avril 2021, signé par les principales organisations du secteur (1), après des mois d'échanges parfois houleux entre eux et les pouvoirs publics. Les projets de textes viennent de passer, ce 13 avril, en conseil supérieur de la construction et de l'efficacité énergétique (CSCEE), pour la seconde fois. Résultat, pour les professionnels, une "réussite collective pour la transition énergétique et environnementale", qui a pu être atteinte en trouvant le "chemin de crête entre forte ambition et faisabilité technique comme économique". La filière fait ainsi état du résultat de "quatre mois de dialogue et d'échanges techniques de haute intensité". Ces propos ne concernent que la RE2020 connue à ce jour, à savoir celle qui concerne les logements. Les seuils concernant les autres types d'ouvrages, comme le tertiaire, seront connus avec plusieurs mois, voire une année de décalage.

 

La faisabilité économique des seuils 2025 est "à confirmer"

 

Les signataires du communiqué n'offrent pas non plus un blanc-seing aux pouvoirs publics, notamment du fait de la progressivité des exigences, qui deviendront réellement contraignantes à partir de 2025. Emmanuelle Cosse, présidente de l'Union sociale pour l'habitat (USH), estimait ainsi récemment que la RE2020 "préparait la crise du logement de 2025". La soutenabilité économique des seuils 2025 serait ainsi "à confirmer", indiquent les huit organisations. "C'est tout l'objet de la clause de revoyure sur laquelle s'est engagée la ministre déléguée au Logement, Emmanuelle Wargon", rappellent les professionnels. Enfin, pour la mise en œuvre dès 2022 de la RE2020, la filière attend à ce que les ménages soient soutenus (par des dispositifs financiers encourageant à la construction neuve), et à ce que les entreprises soient aidées par la mise à disposition de "logiciels et outils indispensables pour inscrire les logements dans la démarche ambitieuse de la RE2020". Les professionnels seront par exemple tenus de réaliser une analyse du cycle de vie de chaque projet dès l'an prochain.

 

Le Cler et Effinergie regrettent la baisse d'exigence sur le Bbio

 

Tous les acteurs présents au CSCEE du 13 avril ne sont pas satisfaits par le projet présenté pour la RE2020. C'est notamment le cas du réseau pour la transition énergétique, le Cler, contacté par Batiactu. "Nous nous sommes abstenus de voter sur ce texte, puisqu'à notre sens l'ambition a été trop dégradée par rapport à ce qui nous a été présenté en janvier 2021", nous explique Étienne Charbit, responsable de projets efficacité énergétique. "Nous avions proposé en janvier une position d'équilibre, qui avait été adoptée par une courte majorité, en intégrant des modulations pour le petit collectif, où effectivement il y avait un risque de surcoûts excessifs. Il n'avait jamais été question d'inclure le petit individuel dans ces modulations, or c'est ce qu'il s'est finalement produit. Les possibles surcoûts dénoncés par la maîtrise d'ouvrage ne nous paraissent pourtant pas importants à ce point." Conséquence, pour le Cler : l'objectif d'un progrès de 30% en moyenne sur le Bbio par rapport à la RT2012 ne sera pas atteint.

Bbio : "Nous serons souvent à du -10% ou -20%"

"Nous ne sommes pas forcément contre le fait que certaines modulations soient prévues", observe pour sa part Yann Dervyn, directeur du collectif Effinergie, contacté par Batiactu. Qui reconnaît que les efforts demandés en termes de Bbio seront réels par rapport à la RT2012, et ce dans tous les cas de figure. Mais l'effort ne serait pas à la hauteur des 30% communiqués par le gouvernement. "On sera souvent à du -10% ou du -20%", assure-t-il. "Le petit collectif et la maison individuelle sont les grands gagnants de ces modulation du Bbio." Pour équilibrer les choses, Effinergie demande à ce qu'un effort supérieur à 30% soit demandé pour les bâtiments de plus de 3.000 m².

 

La raison d'être de la clause de revoyure est un autre sujet de vigilance pour ces deux organisations, qui ne souhaitent pas voir se reproduire le scénario de la RT2012, qui tout au long de sa durée de vie aura offert une dérogation énergétique pour les logements collectifs. Pour le Cler comme pour Effinergie, cette clause aura pour principal objectif de veiller à renforcer l'ambition si nécessaire, non pas à la diminuer ou à décaler des dates d'entrée en vigueur de seuils.

 

Un décalage du calendrier général

 

Le feuilleton de la RE2020 pourrait ainsi, par ce communiqué, toucher à sa fin. Il a débuté en 2016, lors du lancement de l'expérimentation énergie carbone, mais a surtout connu des rebondissements tout au long de la période 2020-2021, durant laquelle plusieurs modifications d'importance ont été apportées au texte, parfois en contradiction avec l'expérimentation qui précédait. Un premier projet solide a été finalement présenté en novembre 2020, mettant alors, au goût de l'ensemble des acteurs, trop en avant les solutions de construction biosourcées. Après des échanges nombreux et un premier passage mouvementé devant le CSCEE, les pouvoirs publics ont accepté de revoir leur copie. Des ajustements ont été passés, ainsi qu'un décalage d'un an du calendrier général. Modifications qui ont visiblement emporté les suffrages des huit organisations qui s'étaient ouvertement opposées à la première version. La prochaine étape sera à présent concrétisée par la publication des textes.

 

(1) FFB, Capeb, Untec, Union sociale pour l'habitat, Fédération des promoteurs immobiliers de France, Pôle habitat de la FFB, Unsfa, Scop-BTP.

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