ÉNERGIE. Réunis pour l'édition 2020 de leur congrès, les professionnels de l'Association française du gaz ont appelé les pouvoirs publics à redonner sa juste place à l'énergie qu'ils représentent, tant dans le plan de relance que dans la politique de transition énergétique. Si la stratégie de développement de l'hydrogène est jugée prometteuse, les inquiétudes demeurent sur le rôle important joué par l'électricité dans la RE2020.
Prendre en compte toutes les sources d'énergie dans le plan de relance et dans la politique de transition énergétique, tel a été le message de l'Association française du gaz (AFG), réunie en congrès à Paris ce 28 septembre 2020. Le jour de la présentation par le Gouvernement du projet de loi de Finances (PLF) 2021, qui doit acter le fameux plan de relance post-confinement, les professionnels du gaz ont en effet rappelé les caractéristiques et les atouts de l'énergie qu'ils représentent, en faisant référence aux discussions actuelles sur la Réglementation environnementale 2020 (RE2020). Dans sa mouture actuelle, cette dernière aurait effectivement tendance à accorder une place jugée trop conséquente à l'électricité, au détriment d'autres sources d'énergie, à commencer le gaz.
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Pour Jean-Pierre Clamadieu, président du conseil d'administration d'Engie, l'élaboration de la RE2020 est un chantier actuel qu'il faut suivre de près, et dont "l'enjeu est de maintenir une boucle d'eau chaude". Egalement invité à s'exprimer lors de cet évènement, le directeur exécutif de l'Agence internationale de l'énergie (AIE), Fatih Birol, a pour sa part insisté sur le rôle du gaz et du biométhane dans la transition énergétique, aussi bien au niveau national qu'au niveau international, en se félicitant au passage du plan de relance du Gouvernement en matière d'énergie, notamment la stratégie de développement de l'hydrogène.
Les déclarations de bonnes intentions pleuvent, mais les actes ne suivent pas
Une table ronde a ensuite été organisée sur le thème de la rénovation énergétique des bâtiments, en posant la question du poids de cette politique dans la relance de l'économie française après le choc du confinement sanitaire décrété au printemps. Pour tous les intervenants de ce débat, le constat a été sans appel : depuis longtemps, les déclarations de bonnes intentions pleuvent, mais les actes ne suivent pas. "Nous devons accélérer, ça fait des années qu'on a les mêmes discours en matière de rénovation mais il ne se passe rien", a déploré Olivier Sidler, membre fondateur de l'association NégaWatt. "La PPE [Programmation pluriannuelle de l'énergie, ndlr] est une feuille de route qu'il faut respecter, sauf qu'on est encore très loin du compte des 700.000 rénovations par an. Il faut donc se tourner vers des opérations de rénovations globales et performantes. Mais comme on va dans le mur, il faudra rendre ces opérations obligatoires."
Pour le spécialiste, cela ne pourra être le cas que si trois conditions sont remplies : le fléchage de financements en direction du plus grand nombre ; la mise à disposition d'un guichet unique ; et les perspectives de rentabilité "dès la première année". Et pour y parvenir, les deux possibilités envisagées sont un renforcement du PTZ (Prêt à taux zéro) et l'instauration d'un dispositif mariant une subvention à taux variable et un PTZ. "La profession est prête à s'engager si elle a de la visibilité, mais elle affirme ne pas en avoir aujourd'hui", ajoute Olivier Sidler. Qui considère que si les parcs social et tertiaire constituent de bonnes rampes de lancement pour une massification de la rénovation, la maison individuelle représentera "le vrai problème", dans la mesure où ce segment demandera une montée en puissance de la formation des professionnels.
"Les CEE sont des coûts cachés dans les coûts commerciaux des obligés et des fournisseurs, donc au final c'est bien le consommateur qui les paye."
En parallèle, se pose très souvent la question depuis quelques temps maintenant du caractère obligatoire des chantiers de rénovation : faut-il passer à la vitesse supérieure, en ne se contentant plus d'inciter les propriétaires à rénover mais en les y forçant ? "On n'y arrivera pas si on n'oblige pas", a estimé Françoise Thiébault, secrétaire générale de l'Association familiale laïque Paris. Tout en appelant à la vigilance sur le dispositif des Certificats d'économie d'énergie (CEE), qui est selon elle biaisé : "Les CEE sont des coûts cachés dans les coûts commerciaux des obligés et des fournisseurs, donc au final c'est bien le consommateur qui les paye. Plus largement, il faut un effort de formation colossal, et la mention RGE [Reconnu garant de l'environnement, ndlr] n'a pas tout réglé, loin de là."
La Pac hybride, la "meilleure solution" pour la transition énergétique ?
Mais pour rénover, et a fortiori pour massifier la rénovation, faut-il privilégier telle ou telle source d'énergie ? Faut-il mettre le paquet sur le développement d'innovations ou tout simplement miser sur ce qui existe déjà ? "C'est impressionnant de voir les résultats qu'on peut obtenir avec des technologies éprouvées, comme les chaudières gaz THPE [Très haute performance énergétique, ndlr]", a souligné le directeur général de GRDF, Edouard Sauvage. "Changer de chaudière est déjà un acte de rénovation. Il faut arrêter d'opposer toutes les énergies, toutes les solutions. La meilleure solution, et de très loin, est la Pac hybride, qui mixe pompe à chaleur et chaudière au gaz." Et le responsable d'affirmer qu'il n'y a "aucun intérêt à développer une pointe électrique hivernale", autrement dit de laisser une place trop importante à l'électricité : ces dernières semaines, la France a été obligée d'importer de l'énergie alors qu'elle est traditionnellement exportatrice, la faute aux opérations de maintenance sur les réacteurs nucléaires et à l'absence de vent qui paralyse les éoliennes. Le même phénomène de "pointe électrique estivale" serait aussi à éviter, en dépit des besoins croissants en climatisation pour lesquels la vigilance est de mise.
"Mettre plus d'argent pour la rénovation énergétique reviendrait en fait à massifier les problèmes qu'on rencontre déjà avec les offres à 1€."
Pour la co-animatrice du Plan de rénovation des bâtiments et députée LREM de l'Isère, Marjolaine Meynier-Millefert, la question centrale n'est pas celle des financements mais de la formation des professionnels du bâtiment : "Obliger à rénover au niveau BBC [Bâtiment basse consommation, ndlr], ça ne se décrètera pas. Et mettre plus d'argent pour la rénovation énergétique reviendrait en fait à massifier les problèmes qu'on rencontre déjà avec les offres à 1€." Déplorant que beaucoup d'entreprises de la construction ne se saisissent pas des marchés de rénovation, la parlementaire considère que le problème vient de l'offre et donc, par extension, des compétences des entreprises : "Tant qu'il n'y a pas d'acteurs et de demande, il n'y a pas de marché, et tant qu'il n'y a pas de marché, il n'y a pas d'acteurs et de demande." Et de formuler un autre regret : "Il n'y a plus tellement de possibilités pour nous parlementaires de discuter de rénovation énergétique dans le cadre du PLF avec la transformation du Cite [Crédit d'impôt pour la transition énergétique, ndlr] en Ma prime rénov', donc on regarde comment faire pour se réapproprier les sujets."
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Consensus sur les rénovations globales, désaccords sur les moyens d'y parvenir
Bref, si tout le monde semble s'accorder sur la mise en place de rénovations globales et, à terme, d'un système d'obligations, le constat diverge sur les enveloppes budgétaires dédiées au secteur ainsi que sur les outils juridiques existants ou à envisager. "Il n'est pas raisonnable de continuer à travailler sur un sujet aussi important sans savoir exactement de quoi on parle", résume Philippe Pelletier, le président du Plan bâtiment durable. "On ne peut qu'adhérer à l'idée de dire qu'il est plus efficace de ne faire qu'un seul chantier global de rénovation. Mais à ceux qui imaginent un outil plus performant que le DPE [Diagnostic de performance énergétique, ndlr] sur l'ensemble du territoire, la question est : qui le proposera ? C'est par défaut que le DPE est devenu l'outil de diagnostic."
Assurant que "le nouveau DPE" sera plus compréhensible et plus lisible que la mouture actuelle, et qu'un effort va être fait "pour que sa distribution intervienne au bon moment", Philippe Pelletier considère que la question du financement n'est pas la première question à se poser dans ce domaine : "Je suis favorable à cette perspective d'obligation mais je suis prudent sur le chemin qui y mène, et celui-ci doit être ponctué d'une aide massive - je pense que le plan de relance y contribue fortement. Le chemin que l'on prend actuellement n'est cependant pas à la hauteur de l'ambition qu'on s'est fixée, ce qui me fait dire que le défi environnemental se gagnera sur le parc existant." En renvoyant au rapport qu'il a remis récemment à la ministre du Logement Emmanuelle Wargon sur les pistes pour massifier la rénovation, il a enfin rappelé qu'il existe déjà "toute une panoplie d'outils pour laquelle il faut accompagner les collectivités dans leur utilisation".