POSITION. Plusieurs acteurs de la construction ont appelé les pouvoirs publics à ne pas imposer une réglementation environnementale 2020 trop contraignante, pour éviter des effets contreproductifs en matière d'accessibilité et d'atteinte des objectifs.
Une réglementation environnementale 2020 (RE2020) "réaliste, techniquement faisable et économiquement soutenable". C'est ce qu'a promis Emmanuel Acchiardi, sous-directeur de la qualité et du développement durable dans la construction à la DHUP, aux professionnels de la construction lors de l'évènement EnerJ-meeting Paris 2020. Un message qui a dû caresser dans le sens du poil les acteurs présents, puisqu'ils ont appelé les pouvoirs publics à ne pas imposer de "surcontraintes" (selon l'expression de Chantal Degand, directrice adjointe département solutions innovantes bas carbone d'EDF) aux constructeurs et aux exploitants. "La prise en compte du carbone me fait un peu penser à la période où l'on nous a demandé de prendre en compte l'énergie primaire", analyse Frank Hovorka, directeur technique et de l'innovation chez la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI). L'organisation patronale a calculé qu'elle devrait former, dans les mois à venir, entre 6.000 et 7.000 professionnels au sujet de l'analyse du cycle de vie des ouvrages.
Ne pas créer de "produits d'élite" trop onéreux
"Nous devons construire une nouvelle génération de bâtiments dans des conditions techniquement possibles, et qui devront être abordables, adaptés au pouvoir d'achat des ménages", abonde Christophe Boucaux, délégué général des constructeurs aménageurs de la FFB (LCA-FFB). Il alerte sur la tentation de déboucher sur des "produits d'élite" qui évinceraient une partie de la population de l'accession à du logement neuf. Pour les petits promoteurs, l'important est de mettre l'accent sur le carbone, et de ne pas trop augmenter l'exigence sur l'énergie où beaucoup a été fait en 2012. "Tout nouveau kWh d'efficacité énergétique coûtera cher à aller chercher", assure Christophe Boucaux. Qui rappelle qu'un bâtiment classé 'énergie 2' dans l'expérimentation E+C- pouvait augmenter de 7 à 8 points le prix de revient - répercuté dans le coût du bien.
RE2020 : une entrée en vigueur progressive, à l'image de la RT2012 ?
La réglementation thermique 2012 (RT2012) était entrée en vigueur progressivement. Pour la première fois, les pouvoirs publics ont envisagé qu'il pourrait en être de même pour la réglementation environnementale 2020 (RE2020). "L'entrée en vigueur est prévue pour le 1er janvier 2021", a rappelé Emmanuel Acchiardi. "Mais il pourra également y avoir une entrée en vigueur progressive, comme cela a été le cas pour la RT2012. Cela dépendra de la manière avec laquelle se déroulera la phase d'accompagnement des professionnels." Ainsi, si le calendrier se cale sur celui de la RT2012, la RE2020 pourrait n'être applicable, en logement, qu'au 1er janvier 2022.
Les acteurs signalent d'ailleurs, au sujet de l'énergie, leur regret de ne pas voir, comme prévu, l'intégration des "autres usages de l'énergie" dans la RE2020. "Tous les efforts d'efficacité énergétique que nous avons réalisé avec les réglementations thermiques successives ont été complètement écrasés par l'augmentation massive des usages spécifiques", assure Frank Hovorka. La FPI souhaiterait que, dans le combat pour le climat, chaque secteur fasse sa part d'effort, et que chaque citoyen ait conscience du 'poids carbone' et de la consommation énergétique de son mode de vie. Mais au-delà des messages de vigilance, la fédération voit dans ce tournant une opportunité de créer une dynamique française, voire européenne, basée sur le principe de circuit court et de décarbonation de l'économie.
Un "défi passionnant"
"C'est l'occasion rêvée de développer un projet de société, de réindustrialisr la France avec une nouvelle capacité de réaliser des systèmes et des produits en ayant un impact carbone plus faible", remarque Frank Hovorka. "Pourquoi ne pas créer une barrière carbone à l'entrée de l'espace européen ? Ce qu'il y a devant nous est un défi passionnant, mais il nous faut emporter les parties prenantes dans cet élan."