DÉCRYPTAGE. L'administration cherche-t-elle à favoriser l'électricité et les convecteurs à effet joule dans le cadre des discussions sur la prochaine réglementation environnementale 2020 et la programmation pluriannuelle de l'énergie ? C'est l'avis des associations négaWatt et Coenove. Explications.

C'est une note d'analyse de l'association négaWatt qui lance l'alerte : et si la réglementation environnementale 2020 et la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) signaient le retour en force des convecteurs à effet joule (plus communément qualifiés de "grilles-pains") ?

 

Une note de cadrage envoyée à l'ensemble des acteurs engagés dans la co-construction de la future RE2020 le laisserait entendre, d'après Olivier Sidler de négaWatt, contacté par Batiactu. Les pouvoirs publics envisagent en effet de modifier le coefficient d'énergie primaire (CEP), qui représente l'efficacité de la conversion de l'énergie primaire en énergie fournie au consommateur, bloqué à 2,58 depuis les années 70. Il s'agirait de le fixer dès aujourd'hui à 2,1, soit au niveau auquel il sera censé être en 2035 d'après la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) - si donc la France respecte ses engagements. L'argument de l'État : les bâtiments construits aujourd'hui seront toujours debout en 2035.

 

Un coefficient évalué à 2,74 aujourd'hui

 

Une volonté qui suscite l'incompréhension d'Olivier Stidler. "Le 2,58 est déjà une anomalie, car en réalité la France se situait au moment où il a été choisi entre 3,2 et 3,6. Elle est aujourd'hui à 2,74", nous explique-t-il. Le fait de faire passer ce chiffre à 2,1 aurait pour conséquence de faire "comme si le système électrique était très efficace", avec pour conséquence de "réduire les exigences au moment de la construction des bâtiments". Les maîtres d'ouvrage se tourneraient ainsi, de manière compréhensible, vers les solutions les moins onéreuses, mais qui resteraient dans les clous. D'où une porte ouverte aux fameux "grille- pains", alors que pour négaWatt d'autres solutions faisant appel à l'électricité devraient être privilégiées, comme les pompes à chaleur.

 

 

Cette fixation à 2,1 constituerait ainsi "un avantage artificiel et surprenant donné à l'électricité", ajoute Bernard Aulagne, président de Coenove, contacté par Batiactu. "Le problème n'est pas tant que la révision du coefficient, que la brutalité envisagée pour celle-ci", ajoute-t-il. "Passer à 2,1 aurait également pour conséquence de sortir un million de logements des classes F et G de diagnostic de performance énergétique", donc autant de passoires thermiques en moins. Pour Coenove comme pour négaWatt, si cette décision était prise en l'état, cela constituerait un recul dans la mesure où la RT2012 avait pu rétablir une forme d'équilibre entre les énergies.

"Le chauffage électrique est en grande partie responsable de la pointe de consommation hivernale."

 

Enfin, ce chiffre de 2,1 ne répondrait pas aux engagements français en matière de décarbonation de l'économie d'ici à 2050. "Le chauffage électrique est en grande partie responsable de la pointe de consommation hivernale. Cette pointe est la principale fragilité du système électrique français, voire européen : elle nécessite d'avoir un parc de production sur-dimensionné en moyens de production flexibles, très majoritairement thermiques et carbonés", argumente négaWatt. "Or l'objectif avancé de décarboner le secteur des bâtiments en y favorisant le vecteur électrique ne peut pas fonctionner s'il passe par une dégradation de la performance."

 


 

Ce projet est toujours ouvert à discussion, et les acteurs espèrent pouvoir inciter les pouvoirs publics à faire marche arrière. "En l'état actuel des choses, on desserrerait l'ambition d'amélioration de l'efficacité énergétique, en faisant gagner 15% de droit à consommer davantage d'énergie", résume Bernard Aulagne.

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