PROPOSITIONS. A la suite de la refonte totale du compte pénibilité, transformé en compte de prévention, le Gouvernement avait lancé un mission sur le risque chimique. Le rapport, réalisé par Paul Frimat, spécialiste des questions de santé, vient d'être publié par le ministère du Travail. Et ses propositions ne font pas dans la demi-mesure.
C'est à l'été 2017 que le Gouvernement a décidé d'opérer une refonte du compte pénibilité - voire, pour certains acteurs de la prévention, de le vider de son sens à force d'allègement des contraintes. Le critère 'risque chimique' avait notamment été ôté du dispositif. C'est pour équilibrer cette décision qu'un rapport avait été commandé, en novembre 2017, à Paul Frimat, spécialiste des questions de santé. Le résultat de son travail vient d'être publié par le ministère du Travail.
2,2 millions de salariés concernés
L'enquête Reach évalue qu'en France "33% des salariés ont été exposés à au moins un agent chimique dangereux et 10% des salariés à au moins un produit chimique cancérogène au cours de la semaine précédant l'enquête, soit 2,2 millions de salariés". Une grande part de ces effectifs travaillent, on le sait, dans le secteur du BTP, où les sources de risques sont nombreuses - poussières de bois, amiante, poussières de silice, solvants, fumées de diesel...
Tous secteurs confondus, la Caisse nationale d'assurance-maladie des travailleurs salariés a dénombré les maladies professionnelles liées à des produits chimiques en 2016. "Les pathologies liées à l'amiante arrivent en deuxième position [après les troubles musculo-squelettiques, NDLR] avec près de 3.345 maladies professionnelles reconnues en 2016 dont 1.409 cancers. En dehors de l'amiante, 346 cas de cancers ont été reconnus en 2016 en lien avec une exposition aux agents chimiques dangereux dont 116 cancers de la vessie, 82 cancers provoqués par les goudrons de houille, 73 cancers provoqués par les poussières de bois et 10 cancers liés à l'inhalation de poussières minérales", détaille le rapport du professeur Frimat. "Pour ce qui est des autres maladies potentiellement en lien avec des agents chimiques dangereux, 235 lésions eczématiformes ont été reconnues en 2016 de même que 191 rhinites et asthmes professionnels, et 189 affections liées à l'inhalation de poussières minérales (hors cancer)."
Une réglementation trop complexe pour les TPE-PME
L'un des premiers constats effectués par l'expert dans le rapport, après avoir audité de nombreux acteurs dont évidemment l'OPPBTP, est celui de la complexité de la réglementation existante en matière de protection des travailleurs contre les agents chimiques dangereux. "Cette complexité a particulièrement été évoquée sur les sujets liés au mesurage de l'exposition des salariés aux agents chimiques dangereux qui est perçu comme très contraignant et coûteux pour les entreprises pour un intérêt relatif en termes de prévention, ou encore sur les sujets liés au suivi des expositions comme par exemple les différentes évolutions des outils de traçabilité (fiche d'exposition puis fiche de prévention des expositions)", estiment ainsi les auteurs du rapport. Résultat, les TPE-PME ont du mal à appliquer cette réglementation. L'inspection du travail relève en tout cas que seulement 6% des établissements contrôlés procèdent au mesurage de l'exposition des travailleurs aux risques chimiques.
"La vérification du respect des VLEP ne doit pas être considérée comme un but en soi"
D'où la première proposition du rapport : simplifier la réglementation en lui donnant plus de lisibilité et de cohérence. La deuxième proposition pourrait, elle, éveiller quelques débats : elle vise ni plus ni moins qu'à assouplir le rôle des valeurs-limites d'exposition professionnelles (VLEP) dans le processus de contrôle. "La vérification du respect des VLEP ne doit être considérée que comme un des moyens de s'assurer de l'efficacité des mesures de prévention et non comme un but en soi." Autrement dit, ne pas atteindre la VLEP ne serait pas, de manière systématique comme c'est le cas aujourd'hui dans de nombreux cas, équivalent à un manque évident de moyens de prévention. Autre proposition pour relativiser le principe de VLEP, "amplifier très nettement la place de la biométrologie [analyses urinaires, NDLR] dans le dispositif de prévention, en constituant notamment une alternative aux mesurages de concentration atmosphérique".
Les auteurs du rapport insistent également sur la nécessité de mettre à jour (et d'allonger) la liste des travaux interdits pour les salariés en contrats à durée déterminée (sauf dérogation par la Direccte locale). Là aussi, les conséquences dans le BTP pourraient être nombreuses en fonction du type de travaux ajoutés à cette liste.
Amendes administratives, taxation des fabricants...
Parmi les autres propositions, de nombreuses pourraient faire grand bruit si elles étaient mises en œuvre :
- Introduction dans le code du travail d'amendes administratives "en cas de non-respect d'obligations formelles en matière de risque chimique (absence d'évaluation du risque chimique, transmission du dossier ACD, avis du CSE sur ce dossier, établissement des notices de poste par exemple)" ;
- Extension de la procédure d'arrêt temporaire d'activité à certains agents chimiques dangereux en cas de manquement grave à des mesures essentielles de prévention ;
- Mise en place d'une "ristourne travail" qui pourrait être accordée aux entreprises qui auraient réalisé une évaluation des risques chimiques et élaboré un plan d'actions avec mise en place d'indicateurs pertinents ;
- Dispositif de taxation des fabricants des produits les plus dangereux, en particulier les CMR, dans l'objectif de financer la toxicovigilance ainsi que la recherche associée ;
- Etendre le dispositif de suivi post-professionnel des salariés exposés à certains agents chimiques dangereux et structurer un suivi post-exposition afin de permettre le suivi individuel des salariés qui ont été exposés à des agents CMR et qui sont toujours en emploi.