RÉNOVATION ENERGETIQUE. Le rapport Sichel présenté au gouvernement mi-mars a fait réagir le président de l'association des architectes de la rénovation. Selon lui, les membres du groupe de travail ont une "mauvaise connaissance des acteurs" et inventent "des nouvelles méthodes", dans un système qu'il juge déjà opérationnel.

Dans une longue lettre qu'a pu consulter Batiactu, le président de l'association des architectes de la rénovation (ADLR), Michel Jarleton, s'étonne des propositions et conclusions du rapport d'Olivier Sichel, directeur général délégué de la Caisse des dépôts. Remis à la ministre du Logement Emmanuelle Wargon le 17 mars dernier, le document de 130 pages propose une "réhabilitation énergétique massive, simple et inclusive des logements privés", en accélérant les rénovations performantes des logements français, notamment les passoires thermiques.

 

"Depuis 2016, les architectes de la rénovation proposent l'accompagnement promu par le rapport d'Olivier Sichel", affirme Michel Jarleton, au nom de l'association, émanation de l'union nationale des syndicats français d'architectes (Unsfa). Il juge même les conclusions du document "préjudiciables". En effet, le président de l'ADLR regrette notamment "la vision 'hors sol'" des membres du groupe de travail, "basée sur une mauvaise connaissance des acteurs et des démarches opérationnelles déjà à l'œuvre" qui "a conduit à "inventer" de "nouvelles méthodes", susciter de "nouveaux acteurs" pour remplir de "nouveaux services" alors que tout est déjà disponible et opérationnel. C'est inefficace, fragilise toute la chaîne de production et conduit à des pratiques douteuses dé-qualifiantes et onéreuses", juge le président de l'ADLR.

 

Réaction : "L'architecture est frappée d'indignité" pour le PDG du groupe Abvent, Xavier Soule

 

Dans une tribune publiée ce mercredi 24 mars, Xavier Soule réagit vivement au rapport Sichel. "Avec la poussée écolophile des électorats qui apeure les élus, l'état politique n'a pas besoin d'une trop forte audace pour annoncer la nécessité d'une réhabilitation énergétique massive, simple et inclusive des logements privés. Et quand on parle de logements et de réhabilitation, pensez-vous que l'on puisse imaginer s'adresser aux architectes ? Évidemment pas, quand on parle investissement massif et que la seule chose que l'on sait investir, c'est de l'argent." Le PDG du groupe industriel français de recherche et développement dans les technologies et services numériques Open BIM dédiés aux architectes et professionnels de la construction accuse la ministre de la Transition écologique de s'être approchée de sa banque pour "réfléchir à l'avenir du logement". "C'est prendre pour hypothèse que la question de notre futur est strictement d'ordre bancaire. Belle hypothèse alors que la première des vanités d'aujourd'hui est celle des indomptables systèmes financiers", continue Xavier Soule. Plus ironique encore, il ajoute : "Idée géniale : pour accompagner les candidats subventionnés dans leurs travaux, on va mettre à leur disposition un tiers de confiance qui saura leur proposer les travaux adaptés à leur logement, les assister et les informer sur le parcours administratif et financier du projet, opérer le suivi des travaux, et même, dans certains cas, porter la responsabilité d'un projet global…". Puis de tacler "Idée efficace : les aides financières pourraient, même, être éco-conditionnées à l'emploi d'un accompagnateur. Soit Monsieur le directeur de la banque n'est pas au courant du métier des architectes, soit il pense que les architectes ne font pas le poids et il faut le savoir pour arrêter tout de suite de payer leur organisation et leur enseignement. "

 

Un rôle d'accompagnateur qui existe déjà

 

Il rappelle également que plus d'un demi-millier d'architectes ont été sensibilisés à formuler une réponse pérenne et adaptée aux défis que représente la rénovation de masse, grâce à la formation "rénovation globale et transition énergétique : du diagnostic à l'offre adaptée", proposée par l'Unsfa en 2015. Tout cela afin de répondre aux objectifs de réduction de gaz à effet de serre en 2050.

 

 

Aussi, le rôle d'accompagnateur, nommé "Mon accompagnateur rénov", que le rapport propose de créer, et qui permet d'estimer le coût des travaux et leur impact sur la facture, "est très exactement le contenu du passeport réalisé par les architectes qui comprend un plan de financement prévisionnel et un scénario de travaux adapté aux ressources du ménage s'inscrivant dans un scénario plus global permettant l'atteinte du classement A de la nouvelle étiquette du nouveau DPE", assure Michel Jarleton. L'homme regrette plutôt que le "discours politique" n'ait pas pris en compte le "manque crucial de main-d'œuvre", alors que le rapport espère des créations d'emplois.

 

"C'est inefficace, fragilise toute la chaîne de production et conduit à des pratiques douteuses dé-qualifiantes et onéreuses", Michel Jarleton

 

"Un déni de réalité"

 

Concernant l'offre globale des travaux, l'un des freins de ce rapport est de "croire que des entreprises indépendantes, fussent-elles groupées au besoin pour l'occasion, pourront se coordonner elles-mêmes. Croire qu'un corps d'état particulier possède la vision globale nécessaire à cette mission relève également d'un déni de réalité."

 

 

La proposition du rapport de monter une plateforme digitale qui permettrait aux parties prenantes de suivre l'évolution de l'opération est également critiquée. "Alors que l'on constate une quasi-absence d'offres structurées et pérennes à la hauteur des enjeux quantitatifs et qualitatifs, malgré leurs bonnes volontés, les organismes publics croient détenir des solutions aussitôt promues indispensables pour la massification attendue. On attend ainsi des miracles de solutions contractuelles (groupements d'entreprises), financières (tiers financement), techniques (solutions de référence) ou d'accompagnement (plateformes de rénovation énergétique)."

 

Or "seuls des objectifs chiffrés portés par une volonté politique, ambitieux dans le temps, mais prudents dans leur progression, seraient à même de parvenir à une organisation partagée par l'ensemble des acteurs pour les atteindre. L'information, la communication, la formation trouveront alors leur place au service de cette ambition et non en préalable."

 

À la place de ce rapport, l'association des architectes de la rénovation préférerait que l'État "joue un rôle de manager, encourageant, facilitant une diversité d'initiatives locales vertueuses adaptées à des cibles précises, plutôt qu'inventer un nouvel acteur destiné à fluidifier et à décoder la complexité des acteurs et des financements alors même qu'il est le seul responsable de cette complexité."

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