A l'Ineris (Institut national de l'environnement industriel et des risques), le chercheur Christophe Bressot s'est également penché sur la question des nanomatériaux. "Le risque se résume à une formule simple : celle de l'exposition multipliée par la toxicité. En l'absence d'exposition, le risque est donc nul. Et si la toxicité est égale à zéro, il n'y a pas de risque non plus. Dans le cas des nanomatériaux, la toxicité n'est pas claire. L'enjeu est donc de diminuer l'exposition, en particulier par inhalation puisqu'il s'agit de la voie de pénétration majeure dans les organismes". Le spécialiste rappelle que toutes les particules dont la taille est inférieure à 4 micromètres atteignent les alvéoles pulmonaires. L'ensemble de la population serait donc exposé, autant les opérateurs dans l'industrie, que les consommateurs d'un produit fini, que l'environnement lors de la fin de vie du produit. Là encore, le chercheur pointe du doigt l'absence de données bien renseignées sur les risques liés au contact cutané ou à l'ingestion de nanoparticules.
D'où l'inquiétude grandissante, notamment au sein des organismes syndicaux de travailleurs du bâtiment. Pierre-Gaël Loréal, délégué FNCB-CFDT, raconte : "Le BTP a déjà beaucoup de sujets de préoccupation, comme l'amiante. Les nanomatériaux ne sont pas encore perçus comme un danger. L'information n'est pas bonne et les employeurs souvent ignorants des produits utilisés (durcisseurs, laques, vernis, peintures…). Mais les organisations syndicales ne sont pas opposées aux nanomatériaux qui constituent une nouvelle révolution industrielle". Les syndicats demandent que le risque soit anticipé et qu'un cadre réglementaire soit bien défini, au niveau national et international, à l'image de Reach pour le risque chimique.
Les études scientifiques doivent donc se poursuivre, afin de déterminer si les bénéfices attendus valent les risques encourus, à toutes les étapes de la chaîne : un programme porte notamment sur la caractérisation de particules en aérosol au niveau des postes de travail d'une cimenterie, au niveau des produits finis et lors d'interventions de type ponçage ou perçage dans un béton de spécialité. Les résultats seront connus dans quelques mois.
Les fumées de silice amorphes sont 100 fois plus petites que des grains de ciment mais présentent une surface très élevée, de 15 à 30 m²/gramme. Elles confèrent des propriétés de résistance mécanique accrue, pour des bétons très hautes performances ou des mortiers de réparation nano-structurants. L'usage de nanotubes de carbone est également à l'étude. Le dioxyde de titane et l'oxyde de zinc permettent un auto-nettoyage en présence d'UV, pour le ciment, les céramiques, les peintures, les vitrages ou les revêtements plastiques. Le nano-argent amène une propriété antibactérienne ou antifongique. L'oxyde d'aluminium accroît la résistance aux rayures des matériaux. Les nanomousses (hydro-NM-oxyde) et nanostructures confèrent une bonne isolation thermique et phonique.