BATIMAT. Problème de dimensionnement, défaillance électronique, corrosion ou encrassement, les installations géothermiques assistées par des pompes à chaleur présentent parfois des sinistres. Une étude menée en 2015 dans les données récoltées par l'AQC révèle les pathologies les plus courantes. Guillaume Gautier (Socabat) et Cédric Beaumont (Costic) ont présenté les résultats lors du Mondial du Bâtiment.
Le marché français des installations géothermiques à basse température, assistées par des pompes à chaleur, est moribond : il a été divisé par 10 depuis 2008, passant de 20.000 systèmes par an à seulement 2.000, dominé par les PAC sol (réseau souterrain de tubes en cuivre) et les PAC eau glycolée (sondes verticales ou horizontales). Cédric Beaumont, directeur technique du Costic (Centre d'études et de formation pour le génie climatique), explique : "Ces technologies sont concurrencées par d'autres solutions". Et elles présentent d'autres problèmes : des difficultés de mise en œuvre qui entraînent l'apparition de pathologies particulières.
Une étude menée en 2015 sur les systèmes de chauffages reposant sur l'exploitation de calories tirées du sol, recense les rapports d'expertises issus de l'Agence Qualité Construction (AQC) et de la société de conseil Socabat (groupe SMA). En tout, plus d'une soixantaine de déclarations de sinistres (dommage ouvrage ou garantie décennale) portant sur toutes les technologies : PAC géothermiques eau, eau glycolée, sol et même puits climatiques, bien qu'anecdotiques. Guillaume Gautier, chargé de mission EnR & Performance énergétique pour Socabat, analyse : "80 % des sinistres sont déclarés avant la septième année qui suit l'ouverture du chantier. Les PAC sol et eau glycolée sont celles qui présentent le plus de sinistralité avec respectivement 50 % et 42 % des cas".
De nombreux points à surveiller
Les spécialistes donnent des exemples de pathologies : si des défaillances électroniques entraînant un début d'incendie sur le module extérieur de la PAC ont été constatées, les difficultés sont généralement liées aux réseaux enterrés. "Il peut y avoir des fuites sur les réseaux horizontaux d'eau glycolée, ou des erreurs d'implantation et de dimensionnement", précise Guillaume Gautier. Il poursuit : "Pour les PAC sol, ce mauvais dimensionnement peut, par exemple, mener au gel du sol en y prélevant trop de calories. D'où une déformation et un risque de vieillissement prématuré de l'installation". Autre souci, celui de la mauvaise qualité des métaux et des soudures qui amène des phénomènes de corrosion puis de fuite. Pour les PAC eau glycolée qui utilisent un captage vertical, un mauvais choix de tubes peut également s'avérer problématique. "En ne respectant pas les critères mécaniques du matériau, en l'occurrence du polyuréthane, l'installation n'est pas conforme et des fissures peuvent apparaître en cours d'utilisation, ce qui entraîne finalement des fuites".
"Dans le cas des PAC eau/eau, de captage sur aquifère, ce sont les problèmes d'encrassement qui sont rencontrés", note le spécialiste, qui évoque autant les pompes de puisage que les échangeurs thermiques. Cette fois, c'est la qualité de l'eau qui semble être négligée : "Trop chargée en particules !", avance le chargé de mission Socabat. L'étape du forage s'avère aussi particulièrement délicate. Il relate : "Un forage mal fait, peut entraîner un apport d'oxygène non désiré dans un aquifère. D'où une prolifération de ferrobactéries qui encrassent tous les éléments du circuit". La qualité de cette opération est donc cruciale. La traversée d'une couche d'argile anhydrite est susceptible d'entraîner un gonflement du sol qui le déformera jusqu'en surface. Avec des conséquences particulièrement lourdes : en Alsace, deux villages - Lochwiller et Kirchheim - ont été victimes d'opérations mal menées qui ont nécessité, jusqu'à présent, près de 15 M€ d'investigations… On comprend mieux l'intérêt de bien préparer ce type de chantier.
Un tout nouveau DTU dédié aux installations de PAC
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Les deux spécialistes formulent donc un ensemble de recommandations : préférer des pompes à chaleur portant la marque NF, respecter les préconisations des fabricants et les recommandations professionnelles, privilégier des systèmes complets sous avis technique, choisir des matériaux adaptés, se renseigner sur le zonage des sondes de forage, analyser l'eau au préalable… Le directeur technique du Costic, Cédric Beaumont, ajoute : "Il y a des documents de référence : des guides techniques et des règles disponibles, reconnues par les assureurs. En 2015, elles ont été intégrées au programme RAGE et sont donc désormais de véritables recommandations professionnelles. Ces techniques sont considérées comme étant dans le domaine courant désormais". Les points d'attention portent autant sur la conception et le dimensionnement du système que sur son installation et sa mise en service ou sur son entretien ultérieur.
Pour faire appliquer ces règles, Cédric Beaumont signale que le DTU 65.16, du mois de juin 2017, propose des clauses types de spécifications pour les systèmes de chauffage et/ou production d'eau chaude sanitaire dans le bâtiment utilisant une pompe à chaleur. De même, un calepin de chantier en version numérique est accessible pour les professionnels en téléchargement sur le site du programme Pacte. Le directeur technique du Costic conclut : "Qualit'EnR et d'autres organismes proposent des formations mais le marché est faible, d'autant qu'il semble s'orienter uniquement vers le collectif et le tertiaire en tendant à disparaître de l'habitat individuel". Une concentration sur des opérations aux budgets plus conséquents qui pourrait avoir un effet bénéfique sur la qualité des interventions.