POLITIQUE. Le projet de loi d'urgence qui permettra la reconstruction de l'archipel français a été présenté ce mercredi en Conseil des ministres. Le texte contient une vingtaine d'articles et sera bientôt présenté au Parlement.

Le Conseil des ministres s'est vu présenté un texte important pour Mayotte, ce mercredi 8 janvier 2025. Le projet de loi d'urgence pour la reconstruction de l'archipel français a été dévoilé ce jour au gouvernement, et devrait passer devant le Parlement "sous quinze jours", a déclaré le Premier ministre François Bayrou fin décembre 2024.

 

L'objectif de ce texte est de permettre aux acteurs publics de "rétablir les conditions de vie des habitants" tout "en préparant la reconstruction" du territoire ultramarin de l'océan Indien, dévasté par le passage du cyclone Chido le 14 décembre dernier, a indiqué ce mercredi la porte-parole du gouvernement, Sophie Primas, lors du compte-rendu du Conseil des ministres. La catastrophe avait fait au moins 39 morts et plus de 5.600 blessés, d'après le dernier bilan des autorités.

 

Déroger aux règles d'urbanisme

 

Le texte pourra déroger "pendant deux ans" aux règles d'urbanisme et des marchés publics, a précisé Matignon à l'AFP. Il doit "permettre la mise en œuvre très rapide de mesures urgentes pour faciliter l'hébergement et l'accompagnement de la population, ainsi que la reconstruction ou réparation des infrastructures et logements sinistrés", a dévoilé le ministre des Outre-mer, Manuel Valls.

 

En effet, le projet de loi d'urgence vise à faciliter la reconstruction des écoles, des logements et infrastructures. Sur les établissements scolaires, l'Etat pourra "se substituer" aux collectivités locales pendant trois ans, jusqu'au 31 décembre 2027.

 

D'autres mesures prévues

 

Par ailleurs, un établissement public sera créé. Il se constituera sur le même modèle que celui qui avait été fondé pour la reconstruction de la cathédrale Notre-Dame de Paris, et "absorbera" l'établissement public existant Efpam.

 

Concernant le foncier, et alors que beaucoup de parcelles à Mayotte ne sont pas identifiées, le texte permettra de pouvoir exproprier avant que le propriétaire puisse être identifié, et de l'indemniser au besoin a posteriori.

 

Des mesures économiques sont également citées, et resteront en vigueur "jusqu'à fin mars 2025", comme la suspension du recouvrement des cotisations sociales des travailleurs indépendants, la prolongation des droits des assurés sociaux et des chômeurs, l'augmentation de la prise en charge au titre du chômage partiel, ou la défiscalisation des dons à hauteur de 75%.

 

"Il doit être promulgué dans les plus brefs délais"

 

Toutes ces mesures, regroupées en 22 articles, ont été chiffrées à "plusieurs centaines de millions d'euros", a précisé le ministre des Outre-mer. "Ce projet de loi d'urgence porte des mesures incontournables pour envisager la reconstruction, il doit donc être adopté par le Parlement puis promulgué dans les plus brefs délais", a-t-il affirmé. Il a toutefois reconnu que le texte était "sans doute incomplet", évoquant notamment "d'autres mesures très urgentes" comme la lutte contre l'habitat illégal, qui ne figure pas dans le projet de loi.

 

"Nous ne laisserons pas Mayotte redevenir une île bidonville", a-t-il soutenu. Dans une interview pour BFMTV, le ministre a déclaré que le ministère avait lancé un recensement de la population de Mayotte, avec l'Insee et les maires. Il y aurait "sans doute" 500.000 habitants, et non 320.000 comme officiellement recensés. Cela s'expliquerait par l'immigration irrégulière que connaît l'archipel, en partie des Comores.

 

Le projet de loi d'urgence sera complété par un autre projet de loi "programme" pour des mesures de plus long terme, qui concerneront l'immigration, la sécurité et le développement économique. Le texte devrait être élaboré "dans les trois mois à venir", a ajouté Matignon.

 

"L'histoire de la reconstruction doit s'inscrire autour de l'architecture."

 

Le président du Conseil national des architectes (Cnoa), Christophe Millet, a réagi auprès de Batiactu à la présentation du projet de loi. Depuis le passage de Chido, le Conseil est impliqué pour mettre en place des actions urgentes, notamment celle de diagnostiquer les bâtiments et infrastructures de l'archipel.

 

"Le sujet de l'urgence n'est pas nouveau à Mayotte pour le Cnoa. Nous portons les questions d'habitat, de construction et d'hébergement d'urgence dans l'archipel depuis plusieurs années. En 2024, une délégation menée par Christine Leconte [ancienne présidente du Cnoa] s'est rendue à Mayotte et avait visité des communes et projets architecturaux. Les mesures portées par le projet de loi d'urgence étaient, à l'époque, déjà sur la table et nous avions fait des propositions au gouvernement."

 

Le Cnoa rencontrera de nouveau le cabinet de la ministre du Logement, Valérie Létard, le jeudi 9 janvier, pour discuter de la reconstruction. "Nous évoquerons un sujet que nous ne voyons pas dans ce projet de loi, celui de reconstruire l'île avec les architectes. Pour qu'elle soit résiliente, l'île doit se reconstruire avec un récit, une économie locale et le développement des filières locales."

 

Christophe Millet insiste : la priorité est "de mettre les habitants à l'abri, de permettre un accès à l'eau et de faire fonctionner les services publics. Nous discuterons de la manière de les mettre en œuvre avec le ministère. L'histoire de la reconstruction doit s'inscrire autour de l'architecture."

 

L'urbanisation et l'aménagement de Mayotte devront, eux, s'inscrire "dans un temps long". L'architecte estime qu'il "faut prendre le temps nécessaire pour le faire, en travaillant avec les architectes, les professionnels, les élus locaux et les habitants".

 

 

 

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