MIPIM. Pour remettre de la nature en ville, le Conseil international biodiversité et immobilier (Cibi) lance un appel international. Quelles sont ses caractéristiques et ses ambitions ? Pierre Darmet, secrétaire du Cibi nous répond.
Renforcer le lien Homme-Nature en ville, telle est l'idée générale de l'appel lancé par un collectif d'acteurs de la ville sous la houlette du Conseil international biodiversité et immobilier (Cibi). L'association a développé depuis quatre ans le label BiodiverCity destiné à tous les maîtres d'ouvrages, maîtres d'œuvre et acteurs de la construction. Il s'apparente à un référentiel de certification et s'appuie sur quatre axes différents. Pierre Darmet, le secrétaire du Cibi, nous dévoile : "Il y a tout d'abord l'engagement du maître d'ouvrage dans le management du projet immobilier, qui doit mettre en place une stratégie adaptée. Ensuite, il y a les moyens mis en œuvre par la maîtrise d'œuvre pour concevoir un projet écologique. Puis vient l'évaluation des bénéfices environnementaux et du 'potentiel écologique' de l'opération. Enfin, la charte évalue l'aspect humain, lié aux usages et au bien-être des usagers".
Mieux intégrer le vivant
Cette charte volontaire est présentée sur le Mipim, l'événement du monde de l'immobilier. Pierre Darmet poursuit : "Le monde de la construction contribue déjà à la lutte contre le dérèglement climatique, d'abord avec la réglementation thermique puis la montée en puissance des bâtiments BePos ou BBCA, l'expérimentation E+C- et la future réglementation environnementale 2020 qui deviendra la norme dans le futur. Mais la protection de la biodiversité n'est pas autant prise en compte, car elle est plus complexe à intégrer". Pourtant, le ministre de la Transition écologique et solidaire, Nicolas Hulot, a fait de la défense de cette biodiversité une priorité aussi grande que celle de la lutte contre le réchauffement global. Face à une mobilisation qui semble moindre, le Cibi s'est donc emparé du sujet. La charte entend montrer le lien entre les deux thématiques au travers de 10 actions différentes. Ses signataires s'engagent à intégrer le vivant dans tout le projet urbain. Une première signature est organisée au Mipim à Cannes en présence des dirigeants d'une quarantaine d'entreprises du secteur.
"#makeourplanetgreenagain", hashtag du lancement de cet appel
"Les réalisations intégrant les raisonnements de cette charte contribueront à une meilleure sensibilisation et entraîneront une prise de conscience générale", fait valoir Pierre Darmet. En tout, une quarantaine de signataires s'engagent à intégrer le vivant dans tout projet urbain, dont des membres fondateurs du Cibi (Bouygues Construction, Bolloré Logistics, Gecina, Les Jardins de Gally…) ou des architectes (Anthony Béchu, Stefano Boeri, Jean-Paul Viguier). "Mais ce n'est pas exhaustif ni hégémonique", annonce-t-il, espérant que d'autres organismes et entreprises rejoindront le mouvement. Sur les avantages attendus, le secrétaire général du Cibi, répond : "C'était peut-être gadget au début, mais il y a un réel intérêt maintenant. Nous passons de 'mesurettes' à une conception systématique. Il n'y a pas de performance écologique à attendre, mais plutôt un potentiel d'accueil du vivant, ce qui est différent des raisonnements habituels". L'intérêt sera de développer des services écosystémiques et d'impliquer des acteurs publics et privés.
Déjà de nombreux exemples réussis
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Des réalisations exemplaires au point de vue de la biodiversité existent déjà, notamment à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine) dans l'éco-quartier du Val-de-Seine. Comme la Seine Musicale, salle de concerts revêtue de croisillons de bois et d'un verre traité selon les recommandations de la Ligue de protection des oiseaux afin de préserver la faune aviaire et labellisée BiodiverCity. Ou d'autres projets, qui déploient une démarche en faveur du vivant, à l'image de la tour Horizons de Jean Nouvel (Gecina), qui héberge des bureaux du laboratoire Roche. "Le groupe scolaire des Sciences et de la Biodiversité a un bâtiment conçu pour abriter différentes strates végétales, avec des herbes, des lichens, des plantes. Et son usage prévoit des interactions entre les enfants et la nature", évoque également Pierre Darmet. "Cela apporte de la valeur ajoutée, ce n'est pas une charge", assure le secrétaire général du Cibi pour qui la prise en compte de la biodiversité créera de nouveaux métiers en amont et valorisera les compétences en aval. Les jardiniers se transformeront ainsi en "animateurs" ou "médiateurs" entre les usagers et la nature. Pour les usagers justement, il sera question d'empathie avec l'environnement et d'expérience sensorielle enrichie. "Il n'y a pas que le digital, le numérique et le virtuel pour améliorer l'expérience client des centres commerciaux", soutient Pierre Darmet qui y voit un enjeu d'attractivité.
D'ores et déjà, une cinquantaine de projets ont été labellisés BiodiverCity un peu partout sur le territoire français et même à l'étranger, notamment un projet du groupe AccorHotel à Cuba. Autant sont actuellement en cours. Tous les types de constructions peuvent être concernés, du programme de logements à la plateforme logistique en passant par la tour de bureaux ou l'éco-quartier : "Cela va de l'intra-urbain ultra-citadin à la périphérie, en passant par les ZAC. Il y a donc des échelles très différentes". Plusieurs labels déclineront l'ambition du Cibi en faveur de la biodiversité urbaine, notamment dans le cadre de l'exploitation de sites existants ou dans le cas des aménageurs urbanistes.