EXPERT DS AVOCATS. Qu'est-ce que la compensation écologique ? Quels principes la gouvernent, et quelles sont les critiques qui sont exprimées à son encontre ? Le point avec maître Patricia Savin,avocate associée.

Trois dates à retenir : 1976, 2007, 2016. En 1976, la protection et la restauration de la biodiversité ont fait l'objet d'une consécration législative avec la loi sur la protection de la nature du 10 juillet 1976. En 2007, lors du Grenelle de l'environnement, une impulsion additionnelle importante a été donnée avec l'instauration d'une obligation de compensation des impacts d'un projet sur la biodiversité via la séquence "éviter, réduire, compenser", dite ERC. En 2016, la loi Biodiversité du 8 août 2016 a précisé les contours de cette obligation de compensation si les atteintes à la biodiversité n'ont pu être ni évitées ni, à défaut, réduites. Un chapitre dédié à la compensation des atteintes à la biodiversité est ainsi ajouté au Code de l'environnement (article L.163-1 à L.163-5 du Code de l'environnement).

 

Les principes gouvernant la compensation écologique

 

Les maîtres d'ouvrage sont soumis à une obligation de résultat dans la mise en œuvre des mesures de compensation. Ils ne peuvent pas s'y soustraire. La compensation écologique est gouvernée par un principe d'équivalence écologique et un objectif de proximité. L'équivalence écologique implique une absence de perte nette de biodiversité, voire d'un "gain de biodiversité".

 

 

L'objectif de proximité suppose que les mesures de compensation soient mises en œuvre en priorité sur le site endommagé, ou en tout état de cause à proximité de celui-ci. Néanmoins, dans un contexte de pénurie de foncier, il apparaît nécessaire d'assouplir l'application de ce principe pour ne pas anéantir des projets situés dans des zones au sein desquelles aucun foncier n'est disponible pour effectuer des mesures de compensation.

 

Les méthodes de compensation

 

Seule la compensation en nature des atteintes à la biodiversité est prévue en droit français. Ainsi, la compensation financière n'est pas admise. Un maître d'ouvrage peut confier la réalisation des mesures de compensation à un opérateur de compensation. Cet opérateur est souvent un bureau d'études chargé de les mettre en œuvre et de les coordonner pour le compte du maître d'ouvrage. Toutefois, le maître d'ouvrage reste seul responsable de l'effectivité des mesures mises en œuvre à l'égard de l'administration.

 

Il est également possible pour le maître d'ouvrage propriétaire du site sur lequel est développé un projet de souscrire une obligation réelle environnementale. Ce mécanisme permet au maître d'ouvrage propriétaire du site de s'engager contractuellement, pendant une durée déterminée, notamment envers une collectivité publique, à prendre des mesures de longue durée en faveur de la biodiversité. Les maîtres d'ouvrage peuvent bénéficier de contreparties financières ou techniques de la part de leur cocontractant, comme une aide à la gestion ou l'entretien. Cette obligation s'impose aux propriétaires successifs qui ne peuvent la remettre en cause pendant la durée du contrat.

 

"La compensation en nature peut ainsi être réalisée selon plusieurs modalités"

 

La compensation peut également consister en l'acquisition d'unités de compensation dans le cadre d'un site naturel de compensation. Ces sites sont mis en place par des personnes publiques ou privées dans le but exclusif de mettre en œuvre des mesures de compensation. Ces mesures sont mises en œuvre de manière anticipée et mutualisée, ce qui constitue un gain de temps pour les maîtres d'ouvrage qui peuvent justifier rapidement de l'absence de perte nette de biodiversité par l'acquisition de ces actifs naturels. La création de ces banques d'actifs naturels (ou banques de compensation) présente également un intérêt environnemental puisque le délai entre l'impact du projet sur la biodiversité et la prise d'effet des mesures compensatoires est considérablement réduit.

 

La compensation en nature peut ainsi être réalisée selon plusieurs modalités :
- réalisation par le maître d'ouvrage, directement ou par l'intermédiaire d'un opérateur de compensation de type bureau d'études ;
- souscription d'une obligation réelle environnementale ;
- acquisition d'unités de compensation.

 

Le cadre juridique général décrit ci-avant doit être articulé avec les exigences particulières des régimes spéciaux auxquels un projet peut être soumis : espèces protégées, zones humides, Natura 2000 et/ou défrichement.

 

Les critiques du mécanisme de compensation

 

Le principe même de la compensation est critiqué en ce qu'il consisterait à admettre les atteintes à l'environnement dans la mesure où celles-ci seraient compensées. Le mécanisme des banques de compensation est également critiqué en ce qu'il conduirait à donner une valeur monétaire à la nature.

 

Si ces critiques ne sont pas injustifiées, il convient de rappeler que la compensation doit rester une mesure subsidiaire, qui ne doit être mise en œuvre qu'en présence d'impact résiduel. Le Code de l'environnement rappelle d'ailleurs la primauté des mesures d'évitement des atteintes ou, à défaut, des mesures de réduction sur les mesures de compensation.

 

L'administration est exigeante dans la mise en œuvre des mesures compensatoires puisqu'elle vérifie aussi bien l'absence de perte nette de biodiversité que la pertinence des mesures. Le dispositif de compensation incite donc ainsi les maîtres d'ouvrage à s'entourer d'experts techniques afin de garantir la qualité et l'efficacité des mesures de compensation.

 

DS Avocats est un cabinet français qui a développé son savoir-faire au bénéfice des sociétés privées mais aussi des entreprises et collectivités publiques. Créé en 1972 à Paris, il rassemble aujourd'hui plus de 400 avocats et juristes.
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