LEGISLATIF. Le projet de loi sur l'économie circulaire, porté par le ministre de la Transition écologique François de Rugy et sa secrétaire d'Etat Brune Poirson, a été présenté ce 10 juillet 2019 en Conseil des ministres. Le texte se veut ambitieux et comporte quatre axes majeurs visant à accroître le recyclage et sensibiliser davantage les acteurs tout au long du cycle de vie des ressources.

"Avec ce texte, le Gouvernement entend marquer l'accélération du changement des modèles de production et de consommation afin de limiter les déchets et préserver les ressources naturelles, la biodiversité et le climat." L'ambition du projet de loi contre le gaspillage et l'économie circulaire est ainsi présentée par l'Elysée : ce 10 juillet 2019, François de Rugy, ministre de la Transition écologique et solidaire, et Brune Poirson, secrétaire d'Etat au sein du même ministère, ont présenté en Conseil des ministres ce texte qui s'articule autour de quatre axes majeurs. Mettre un terme au gaspillage afin de préserver les ressources naturelles, mobiliser les industriels pour transformer les modes de production, renforcer l'information du consommateur et améliorer la collecte des déchets ainsi que la lutte contre les dépôts sauvages, constituent les principales orientations de ce projet de loi qui concerne un grand nombre de secteurs d'activité.

 

 

Renforcement des filières REP et possibilité d'imposer une reprise gratuite de certains déchets

 

Le BTP et l'industrie en général n'y échappent évidemment pas, se retrouvant même en première ligne sur un sujet central du texte : le renforcement du principe pollueur-payeur, qui se traduit dans les faits par les filières REP - Responsabilité élargie du producteur -, et consistant concrètement à rendre responsable le fabricant ou le distributeur d'un produit du financement de sa fin de vie. Concrètement, les déchets issus du secteur de la construction devront être gérés plus efficacement. "Alors que le secteur du bâtiment produit aujourd'hui l'équivalent de plus de 700 kilos par an et par Français de déchets, les performances de recyclage de la filière ne sont pas satisfaisantes", a affirmé Brune Poirson. Pour combattre les dépôts sauvages et améliorer leur valorisation, le texte prévoit par ailleurs la possibilité d'imposer une reprise gratuite de certains déchets, à la condition qu'ils aient été triés auparavant. Pour l'heure, l'exécutif n'a pas donné davantage de précisions quant à la manière dont le BTP sera impacté par cette disposition.

 

D'autres mesures du projet de loi sont à souligner : pour lutter contre la pollution plastique, et avec un objectif affiché de 100% de plastiques recyclés d'ici 2025, le déploiement d'un système national de consigne sera rendu possible. Brune Poirson a lancé un comité de pilotage pour définir les conditions et modalités de la mise en oeuvre de ce dispositif. En outre, le texte du Gouvernement ambitionne de favoriser les produits plus respectueux de l'environnement ; pour ce faire, les fabricants concevant des produits de manière écologique bénéficieront d'un bonus sur la contribution qu'ils versent pour la gestion et le traitement de fin de vie de ces mêmes produits. A l'inverse, les fabricants qui ne font pas preuve d'une démarche d'éco-conception verront leur contribution augmenter, plombée par un malus. En bout de chaîne, l'exécutif espère ainsi faire baisser le prix de produits considérés comme vertueux.

 

Le projet de loi de lutte contre le gaspillage et pour l'économie circulaire sera examinée par les parlementaires à compter de la rentrée de septembre prochain.

 

 

Une première réaction au sujet des terres excavées

 

Après le Conseil des ministres de ce 10 juillet, l'Union nationale des exploitants du déchet - Uned, branche de l'Union nationale des industries de carrières et matériaux de construction, Unicem - a réagi par voie de communiqué à la présentation du texte gouvernemental. Si elle "ne peut que se réjouir d'un texte qui prône le développement de l'économie circulaire autour de grands axes tels que l'information du consommateur, la lutte contre le gaspillage et la transposition de la directive européenne déchets", l'organisation souligne que "le projet de loi en l'état n'intègre pas la nécessaire réforme du statut des terres excavées et du régime juridique qui leur est applicable".

 

Pour rappel, les terres dites excavées proviennent des activités de construction, d'aménagement et de déconstruction du BTP. Une fois évacuées de leur site d'excavation, elles sont à l'heure actuelle considérées comme des déchets sur le plan juridique, et représentent de fait 40% du volume total des déchets du secteur. Une qualification qui débouche sur "l'application d'une réglementation spécifique prévue par le Code de l'environnement et d'une police administrative structurée autour des notions de contrôle et de traçabilité par l'intermédiaire notamment des installations classées", comme le précise l'Uned.

 

 

Mais les craintes de celle-ci se focalisent sur un autre aspect : le ministère de la Transition écologique envisagerait pour l'heure de ne plus considérer les terres excavées comme des déchets sur les plans réglementaire et juridique, et un projet d'arrêté ministériel prévoirait les critères de sortie du statut de déchet pour ces terres, qu'elles soient d'ailleurs polluées ou inertes. "L'assouplissement prévu par le projet d'arrêté reste très incertain quant aux garanties nécessaires pour assurer la protection de l'environnement et de la santé", prévient toutefois l'organisation. "Un pan entier de la police de l'environnement, qui est une mission des pouvoirs publics, relèverait demain du simple contrat entre le maître d'ouvrage du site d'excavation et l'aménageur chargé du réemploi des terres, et d'un contrôle très sommaire, basé sur une simple inspection visuelle." Et l'Uned d'estimer que, "faute de traçabilité suffisante, c'est face à un risque systémique de fraude et de trafics à grande échelle que les pouvoirs publics nationaux et locaux seront confrontés, avec à la clé un brouillage des responsabilités en cas de pollution avérée".

 

"On voit bien que le point d'équilibre est difficile à déterminer entre pertinence de valorisation et maintien de standards élevés de protection de l'environnement et de la santé humaine. Il ne semble manifestement pas encore atteint", note Albert Zamuner, président de l'Uned. "Etant donné les enjeux pour l'environnement et la santé, il faut que le Législateur puisse en débattre de manière contradictoire au Parlement." De fait, la branche de l'Unicem demande que la réforme du statut des terres excavées et que leur système de valorisation restent encadrés au niveau de la loi, avec un statut juridique adapté.

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