Une vingtaine d'organismes, entreprises et administrations ont initié une démarche collaborative afin de faire évoluer les pratiques autour du recyclage des déchets du bâtiment, et particulièrement du second œuvre. Le but : faire émerger un véritable modèle d'économie circulaire, valorisant les matériaux et les compétences.
Les déchets du bâtiment se montent à 38 millions de tonnes par an, dont la moitié est recyclée. Cependant, selon le type de déchet et le secteur de la construction concernée, ces proportions varient fortement. Pour le second œuvre, les déchets de cloisons, habillages et équipements divers, représentent environ 10 millions de tonnes dont moins de 30 % sont effectivement retraités. Un gros effort reste donc à fournir afin d'atteindre l'objectif des 70 % de recyclage pour les déchets du bâtiment, fixé par le gouvernement pour 2020.
Huit organismes (*) représentant la maîtrise d'ouvrage, la maîtrise d'œuvre, les entreprises du bâtiment, les gestionnaires de déchets et les fabricants de matériaux, vont donc collaborer avec le soutien des ministères de l'Ecologie et de l'Economie, ainsi que de l'Ademe, à faire progresser les pratiques dans le cadre d'une approche globale. C'est l'éco-organisme Recylum qui a été chargé de coordonner cette démarche. "Il y a trois enjeux", explique Hervé Grimaud, son directeur général. "Un enjeu social, avec 10.000 emplois à créer et des compétences à acquérir, car jusqu'ici, la démolition était un peu le parent pauvre du bâtiment. Un enjeu économique, avec une valeur ajoutée sans accroissement des coûts. Enfin un enjeu environnemental, car il va falloir préserver les ressources", poursuit-il. Afin d'y parvenir, l'ensemble des partenaires du projet "Démoclès" s'attacheront à identifier et quantifier les gisements de déchets, à inventorier les filières de valorisation industrielle, à analyser les besoins logistiques et à formuler les exigences de la maîtrise d'ouvrage. Quatre groupes de travail ont donc été mis en place, afin d'évaluer la dépose sélective dans une dizaine de chantiers tests en Rhône-Alpes, d'analyser les critères d'acceptation des déchets à valoriser, de définir un vocabulaire commun et de diffuser les techniques et bonnes pratiques.
Amorcer une économie circulaire
Car de nombreux freins restent à lever. Marc Cheverry, de l'Ademe, estime qu'il existe une méconnaissance liée au grand nombre d'acteurs différents dans la construction et qu'il sera nécessaire de caractériser les déchets du BTP. Caroline Lestournelle, de l'AIMCC (Association des industries de produits de construction), pour sa part, identifie les problématiques techniques et organisationnelles de la déconstruction et de la logistique. "Le frein économique sera toujours là, mais une mutualisation intelligente permettra de faire des économies", assure-t-elle. Le manque de débouchés des produits recyclés est une problématique qui devrait se résoudre grâce à l'implication des industriels, "qui s'y intéressent de plus en plus", précise Gilles Nantet du SRBTP. Car l'incorporation de recyclat abaisse le coût de production de matériaux comme le verre ou le plâtre. L'extrême dispersion des filières, obligeant à gérer des flux infimes, constitue une autre difficulté. La parfaite identification des déchets et leur séparation sur les chantiers sera une étape importante à franchir. "Difficile, mais pas insurmontable, à l'image de ce qui a été fait pour les 3 % de déchets dangereux, où cela fonctionne", soulignent les professionnels.Le coût d'une telle mobilisation restera supérieur à un enfouissement pur et simple, mais répondra aux exigences environnementales et réglementaires. "Demain, le déchet deviendra une ressource et cela deviendra économiquement intéressant. Il faut s'inscrire dans une logique d'avenir", déclare Gilles Nantet. Le ministère de l'Ecologie assure d'ailleurs travailler sur des outils législatifs et sur la sortie du statut de déchets de certaines catégories de matériaux, dont les granulats. "Nous travaillons aussi sur les marchés publics, avec des clauses types pour le réemploi de matériaux", annonce Patricia Blanc, directrice générale de la Prévention des risques. La mobilisation est également sensible au ministère de l'Economie, notamment au sein de la Direction générale des entreprises et du COSEI (Comité stratégique de filière éco-industries). Christophe Lerouge, chef du service de l'Industrie, explique : "Nous sommes convaincus que la situation va évoluer grâce à la réglementation qui va pousser le secteur du BTP pour mettre en place le recyclage, tout comme l'augmentation du coût des matières premières et la volonté des fabricants de disposer d'outils de traçabilité. Le tri et la valorisation des déchets représentent un intérêt économique pour l'ensemble des acteurs du secteur".
(*) AIMCC (Association des Industries de Matériaux, Produits, Composants et Equipements pour la Construction), AMF (Association des Maires de France), CNLRQ (Comité National de Liaison des Régies de Quartier), FIEEC (Fédération des Industries Electriques, Electroniques et de Communication), Recylum, SNED (Syndicat National des Entreprises de Démolition), SRBTP (Syndicat de Recycleurs du BTP), UNTEC (Union Nationale des Economistes de la Construction)