RECOURS. Au lendemain de l'officialisation par le Ministère de la Culture, ce 14 novembre, du rejet de la demande de classement monument historique de la Chapelle Saint-Joseph de Lille, l'association Urgence Patrimoine a annoncé avoir déposé un recours. La chapelle est vouée à la démolition dans le cadre du vaste chantier de construction du nouveau campus de l'école d'ingénieurs Junia (ex-Yncrea).

À Lille, la Chapelle Saint-Joseph, édifiée à la fin du XIXe siècle d'après les plans de l'architecte Auguste Mourcou (1823-1911) au cœur du quartier Vauban, sera-t-elle démolie ? Les tenants de la sauvegarde de cette chapelle, désacralisée et désaffectée, épaulés par l'association Urgences Patrimoine, se tournent désormais vers un ultime recours devant la justice administrative pour sauver l'édifice, dont la disparition est prévue dans le cadre du vaste chantier de campus mené par son propriétaire, l'école d'ingénieurs Junia (ex-Yncrea).

 

Urgences Patrimoine annonce en effet sur son site internet avoir déposé un recours pour excès de pouvoir contre un courrier du 20 octobre 2020, par lequel le ministère de la culture annonçait refuser de mettre l'édifice en instance de classement au titre de Monuments Historiques. Une action intervenue le lendemain même de l'officialisation de ce rejet dans un communiqué de presse du ministère.

 

Ces derniers mois, les opposants à la démolition de cette chapelle ont multiplié les mobilisations, dont le lancement d'une pétition par Urgences Patrimoine, entendant sauver l'intégralité de l'édifice en l'état. Pour eux, les engagements du propriétaire à sauver et réutiliser les éléments remarquables de l'édifice, comme les vitraux, ne suffisent pas. En juin dernier, après avoir interpellé plusieurs personnalités comme Stéphane Bern, ils avaient réussi à obtenir un sursis du ministre de l'époque, Franck Riester, qui avait annoncé une "instruction supplémentaire", afin que soit examinée le sort de la chapelle. La pétition a recueilli, à date de publication de cet article, plus de 10.000 signatures.

 

Un projet de campus à 120 millions d'euros

 

Mais le ministère a rendu son verdict et explique dans un communiqué de presse pourquoi, "après une étude approfondie du dossier et de nombreuses discussions avec le porteur de projet," il "a estimé que les conditions d'une mise en instance de classement de la chapelle n'étaient pas réunies.

 

En premier lieu, "l'impossibilité d'intégrer la chapelle dans le projet de réaménagement prévu" : "renoncer à la démolition de la chapelle impliquerait donc de devoir abandonner un projet important pour le développement de l'enseignement supérieur, qui représente un investissement de 120 millions d'euros" explique-t-il. Par ailleurs, l'intérêt patrimonial de la chapelle est non suffisant pour justifier, "à l'issue de l'instance de classement, un classement définitif" ce qui entraînerait seulement de repousser l'échéance, sans permettre de sauver l'édifice. Enfin, "et ce dernier argument lui est apparu décisif", le projet intègre et prévoit la complète restauration d'un autre édifice, voisin de la chapelle, réalisé par le même architecte, le palais Rameau.

 

Urgences Patrimoine refuse ces arguments et, même si l'association reconnaît que "les chances de gagner cette bataille contre les démolisseurs sont infimes", elle entend bien aller "jusqu'au bout" pour sauver la chapelle, 134 ans après la pose de sa première pierre. "Cette requête s'appuie sur le constat d'un certain nombre d'illégalités, parmi lesquelles figure notamment l'appréciation insuffisante de la valeur du bien et de l'intérêt public attaché à sa conservation" précise-t-elle sur son site internet.

 

"Le recours est déposé, notre pétition dépasse désormais les 10.000 signatures et la mobilisation continue plus que jamais, notamment grâce à de nombreuses lettres de soutien de professionnels de la culture et de personnalités publiques qui viendront augmenter notre argumentaire auprès des instances compétentes."
L'association Urgences Patrimoine, sur son site, le 15 novembre 2020.

 

Un des opposants à la démolition, l'architecte Etienne Poncelet, inspecteur général honoraire des monuments historiques, précise dans un courrier repris sur ce même site, regretter la décision de l'Etat, dont il réfute les arguments. Pour lui, la chapelle n'est pas "dans un état très dégradé" et est apte à être restaurée, tandis que "la demande d'instance de classement avait pour but de permettre la réflexion avec les partenaires pour intégrer les éléments existants au projet de campus et non pas pour empêcher celui-ci." Le projet de campus ne serait pas mis en cause, étant donné son étendue, qui comprend quatre autres sites proches dans le même quartier et enfin, la restauration du Palais Rameau ne doit pas être mis en concurrence : "Bien au contraire, déclare-t-il, nous plaidons pour que le jumelage architectural du palais Rameau, classé Monument Historique, et de la chapelle, construite à la même époque par le même architecte et qui révèle un parti architectural unique et original, trouve son épanouissement dans le projet général de JUNIA (ex YNCREA) que nous appelons de nos vœux, intégrant la réhabilitation de la chapelle de Saint-Jo dans son programme."

 

Ci-dessous, un reportage de France 3 Hauts de France, daté du 6 juin 2020

 


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