Une page de publicité dans quatre médias nationaux : les géomètres-experts interpellent les candidats à la Présidence de la république ce mardi 13 décembre, sur la loi CAP, dont ils dénoncent toujours les mesures sur le permis d'aménager, en sonnant la charge lourdement contre les architectes... qui leur répondent, par la voix de la présidente du CNOA.
"Arnaud, Benoît, Emmanuel, François, Jean-Luc, Manuel, Marine, Nicolas, Sylvia, Yannick… Et si vous commenciez par nous dire ce que vous réservez aux géomètres-experts dans votre projet présidentiel ?" C'est sur cette question directe, par l'intermédiaire d'une page de publicité dans le Monde, Les Echos, Libération et le Figaro, datés de ce mardi 13 décembre, que les géomètres-experts ont décidé d'interpeller les candidats à la prochaine élection présidentielle. On remarquera le choix des candidats retenus et l'ordre alphabétique choisi, gage de neutralité...
Au cœur de leur démarche, la dénonciation de la Loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine dite loi CAP, notamment sur le permis d'aménager. "A la suite de vifs débats et contre l'avis du gouvernement qui souhaitait rendre obligatoire le recours à l'architecte pour établir le permis d'aménager un lotissement, les parlementaires, ont imposé un seuil, défini par décret en Conseil d'Etat, au-delà duquel le recours à un architecte est requis, rappellent-ils, mais en fixant, avec complaisance, un seuil particulièrement bas à 2 500 m2 de terrain, le gouvernement détourne l'esprit de la loi".
"Le recours aux architectes devient donc systématique. Le gouvernement sacrifie ainsi l'urbanisme au profit d'intérêts corporatistes."
Et les géomètres-experts vont loin, en précisant dans cette publicité que l'architecte, "chargé de la conception des bâtiments, n'apportera à lui seul aucune garantie quant à la qualité des lotissements… mais augmentera avec certitude le coût des projets, limitant de fait la production de logements".
La charge est lourde... Le match CNOA/Ordre des géomètres-experts continue, le gouvernement sifflera-t-il la fin de la partie ? Cette interpellation des géomètres-experts laissent à penser qu'ils espèrent dans le prochain... Et annoncent la publication d'un livre blanc à paraître en ligne au mois de janvier 2017 sur leur site www.amenagerlaFrance.org.
"Nous sommes très très en colère et très surpris par cette nouvelle attaque (...) ce sont eux les corporatistes !" C. Jacquot, présidente du CNOA
Une concertation a eu lieu pourtant le 17 octobre dernier. Selon la présidente du CNOA, Catherine Jacquot, les parties s'étaient quittées "sans s'attendre à ce genre de charges !". Interrogée par Batiactu ce mardi, la présidente réplique : "Cela fait 40 ans que les géomètres-experts font des lotissements sans le souci de la qualité, sans faire appel à d'autres compétences... avec cette publicité, ils défendent leur marché, c'est tout, ce sont eux les corporatistes !" Et d'ajouter : "Il était temps que la loi en appelle désormais à des compétences pluridisciplinaires. Nous n'avons pas besoin de pages de publicité pour faire valoir nos compétences et je parle au nom des architectes, des paysagistes et des urbanistes, nous sommes tous d'accord."
Questions à Monsieur Jean-François Dalbin, président du Conseil supérieur de l'ordre des géomètres-experts
BATIACTU : Alors que le CNOA et vous sembliez vouloir apaiser les tensions, que vous souhaitiez "tourner la page" à la veille de la concertation prévue le 17 octobre dernier, votre publication du jour montre que finalement cela n'est pas le cas : pourquoi cette interpellation ? Que s'est-il passé lors de la concertation du 17 octobre dernier ?
Jean-François Dalbin: Une concertation a eu lieu le 17 octobre dernier. Lors de celle-ci, nous n'avons pas été entendus par le Gouvernement. Les architectes (le CNOA et le SNAL) proposaient 2000 m2 de seuil, alors que nous proposions un seuil d'1 hectare. Or, ce qui a été retenu comme seuil d'application prévu par la loi CAP, c'est un seuil de 2500 m2. Nous n'avons pas du tout été entendus, voire écoutés. Les deux conseillers représentant le gouvernement disaient au sortir de cette réunion prévoir un seuil entre 5 et 8000 m2.
Nous étions pour apaiser le dialogue, alors même que l'avant-veille de la concertation, madame Jacquot disaient que les géomètres-experts n'étaient "pas des concepteurs" (propos recueillis par Batiactu, ndlr). Aujourd'hui, en publiant ces insertions et en interpellant tous les candidats à la Présidence de la république, nous disons que nous n'avons pas été entendus par le Gouvernement.
BATIACTU : La charge est très lourde contre les architectes, que vous accusez avec "certitude" d'augmenter le coût des projets... la guerre est-elle déclarée ?
Jean-François Dalbin: Ce seuil pour le recours aux architectes, c'est quelque part s'attribuer un monopole, aux dépens d'une équipe pluridisciplinaire. Pourquoi cette insistance ? Ce seuil de 2500 m2 qui rend obligatoire le recours à la profession d'architecte, c'est automatiquement renchérir les coûts. Nous avons toujours défendu l'équipe pluridisciplinaire, à condition que le seuil permette d'absorber l'augmentation des coûts et que cette équipe est un sens.
BATIACTU : Cette interpellation est adressée aux candidats de la prochaine présidentielle, est-ce à dire que vous pensez que cela est peine perdue sous le gouvernement actuel d'arriver une concertation avec les architectes ?
Jean-François Dalbin: Quand il y a un projet de loi avec un amendement gouvernemental de dernière minute, déposé sans aucune information préalable, que la première réunion de concertation que nous avons pu avoir, ce n'était que quelques jours avant la tenue de la commission mixte paritaire, on ne peut pas parler de concertation du gouvernement ! Aujourd'hui, on nous sort une réunion de concertation où tout le monde n'était pas présent : il y avait le CNOA, le SNAL et nous. Manquaient donc les paysagistes, les urbanistes et les autres acteurs concernés et qualifiés, comme par exemple, la branche des constructeurs de la FFB, la SFU (Société française des urbanistes), et j'en passe...
Nous voulons faire d'autres propositions que la loi CAP, au bout d'un moment il faut tourner la page. Madame Jacquot se sent agressée, mais depuis septembre 2015, que n'avons-nous pas entendu sur nous ! Nous avons été traités de tous les noms, nous aurions fait 'la France Moche' ! Dans l'esprit du public, ce n'est pas forcément ceux qu'on accuse qui en sont responsables. Nous n'avons jamais agressé qui que ce soit, nous interpellons aujourd'hui le Gouvernement qui a pris une décision unilatérale sans "vraie" concertation. Une réunion d'une heure trente, ce n'est pas constructif, surtout quand tout le monde n'est pas là.
BATIACTU : Vous interpellez aujourd'hui les candidats à la présidentielle...
Jean-François Dalbin: Aujourd'hui le texte va être transmis au Conseil d'Etat, il n'y aura pas de changement particulier, donc nous lançons une communication vers les candidats, avec en janvier, notre Livre blanc, qui réunira d'autres propositions pour l'aménagement de la France.
Propos recueillis par P.P.