ANNONCE. Edouard Philippe a précisé le 6 juin 2017 avoir reporté d'un an le prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu, mais assuré que cette mesure, contestée par les professionnels du BTP, entrerait bien en vigueur le 1er janvier 2019. Réactions.
La plupart des principaux candidats à l'élection présidentielle mais aussi les organisations patronales étaient plus ou moins opposés au prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu. Finalement, le Premier ministre Edouard Philippe a précisé le 6 juin 2017 dans un entretien au journal Le Parisien que la réforme de prélèvement à la source, consistant à collecter l'impôt sur le revenu lors du versement du salaire, entrerait bien en vigueur, mais le 1er janvier 2019 et non plus le 1er janvier 2018. Il s'agissait, en effet, de l'une des dernières mesures de l'ex chef de l'Etat, François Hollande, votée dans le cadre de la loi de Finances 2017.
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"Vers des mesures législatives et réglementaires prochainement"
"Les dispositifs relatifs à l'année de transition seront reportés d'un an et les modalités d'imposition pour 2018 resteront inchangées par rapport à celles en vigueur en 2017. La mise en oeuvre du report fera l'objet de mesures législatives et réglementaires prochainement", a précisé Gérald Darmanin, ministre de l'Action et des Comptes publics dans un communiqué publié le lendemain, le 7 juin 2017.
En détails, le dispositif sera d'abord testé entre les mois de juillet et septembre dans plusieurs entreprises volontaires. Ces tests feront l'objet d'un "audit, pour vérifier que ce dispositif fonctionne totalement", précise le Gouvernement.
"Je ne veux pas m'engager dans une réforme qui est par nature extrêmement complexe sans avoir la certitude que tout se passe bien au moment où on bascule, a justifié, le Premier ministre, Edouard Philippe, dans Le Parisien. Si on arrive à trouver des mécanismes un peu plus simples pour les employeurs - je pense notamment aux petites entreprises - on le fera."
Patrick Liébus favorable au prélèvement mensuel
Ce report devrait laisser aux employeurs plus de temps pour acquérir des logiciels et former leurs salariés, etc. Patrick Liébus, président de la Capeb et vice-président de l'U2P, avait coutume d'affirmer ces derniers mois : "Nous n'avons pas vocation à être des agents de l'Etat. Point final." Il affirme aujourd'hui à Batiactu : "C'est une bonne idée du Premier ministre de reporter d'un an l'entrée en vigueur du prélèvement à la source de l'impôt sur le revenu", explique-t-il ce mercredi.
D'après-lui, "ce dispositif impose de la complexité, des coûts supplémentaires, des risques de contentieux et de conflits au sein de l'entreprise, alors que l'urgence consiste au contraire à alléger les charges et les formalités qui pèsent sur les entreprises artisanales, commerciales et libérales." La meilleure solution qui devrait être tranchée par Matignon ces prochains mois serait le prélèvement mensuel, estime Patrick Liébus.
De son côté, l'U2P partage "l'objectif de prélever sur les revenus réels et non sur les ressources de l'année N-1 mais considère que la collecte de l'impôt n'est pas du ressort des entreprises et constitue au contraire une mission régalienne de l'Etat."
La position de Jacques Chanut, président de la Fédération française du bâtiment (FFB) n'a pas changé depuis ses premières interventions en juin 2016, parlant de "vraie mauvaise idée" et dénonçant notamment un manque de confidentialité. "On nous vante la simplicité et l'absence de coût induit par cette réforme, expliquait-il dans une interview accordée à Batiactu le 6 juillet 2016. Or, où est la simplification ? Je me demande s'il ne s'agirait pas plutôt d'une simplification pour l'Etat au détriment d'une complexification pour les entreprises."
La FFB craint un nouveau attentisme sur les travaux qui peut s'étaler sur plusieurs années
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Ce 7 juin 2017 au soir, Jacques Chanut, salue à Batiactu, que "l'annonce de ce décalage", mais il craint "un nouveau attentisme sur les travaux qui peut s'étaler sur plusieurs années, quant au Crédit d'impôt qui y est associé."
"La meilleure des idées resterait de faire en sorte qu'il y ait une mutualisation moderne des impôts directement opérés par l'Etat et que l'on n'essaye plus ce système qui passe par les entreprises, nous confie-t-il. Il nous reste donc un peu plus d'un an pour persuader le Premier ministre et son ministre que ce n'est pas la bonne solution !"
A son tour, François Asselin, président de la CPME estime dans un communiqué, que le "nouveau gouvernement fait là preuve d'un pragmatisme qu'il convient de saluer. On peut simplement regretter le temps perdu pour parvenir à une décision qui relève du bon sens : tester une idée avant de l'appliquer."
Avant d'ajouter : "Nul doute que l'audit fera apparaître la charge administrative pour les entreprises, le coût supplémentaire, les problèmes de confidentialité mais également l'impact sur le climat social à l'intérieur de l'entreprise. Transformer l'entrepreneur en collecteur d'impôt n'est pas neutre." Pour la CPME, il reste ''cependant possible d'instaurer une forme de prélèvement à la source sans passer directement par l'entreprise mais en utilisant les informations qu'elle pourrait transmettre à la Direction générale des Finances publiques (DGFiP) via la Déclaration Sociale Nominative (DSN).''
L'Union nationale des professions libérales (UNAPL) recouvrant les architectes, les notaires, les géomètres-experts souhaite "la mise à l'étude, lors de la phase test qui va prochainement s'ouvrir, d'une modalité de recouvrement direct fondée sur le modèle du prélèvement mensuel."
Quant à l'ancien secrétaire d'Etat au Budget Christian Eckert, artisan de la réforme du prélèvement à la source, a dénoncé ce mercredi le report de son entrée en vigueur, jugeant les arguments avancés pour justifier cette décision "dérisoires" et "contestables".
Enfin, une question se pose : le report peut-il être invalidé ? C'est une possibilité, si certains des "perdants" décident de saisir le Conseil constitutionnel au nom de la "confiance légitime dans la loi votée". "La possibilité d'un report a été annoncée très en amont laissant à chacun le temps de se préparer", assure Bercy. A suivre…