Le coût des travaux nécessaires pour réaliser un ouvrage propre à sa destination est à la charge du maître de l'ouvrage et non des locateurs d'ouvrage. Tel est le principe que le Conseil d'Etat a eu l'occasion de réaffirmer à l'occasion d'un arrêt rendu le 19 septembre 2012. Explications avec Ganaëlle Soussens, avocat au Barreau de Paris.
L'affaire soumise au Conseil d'Etat concernait un bâtiment construit en 1977 sur lequel des travaux de surélévation ont été réalisés en 1988.
En 1994, la réalisation de travaux de restructuration a mis à jour des désordres, dont l'expertise judiciaire a permis de déterminer qu'ils étaient les stigmates de l'insuffisance des fondations d'origine au regard de la charge apportée par la surélévation. Sur la base de ces conclusions, le maitre d'ouvrage a poursuivi la condamnation du maître d'œuvre et du contrôleur technique des travaux de 1988 sur le terrain de la garantie décennale.
Le Tribunal administratif et la Cour administrative d'appel, ont considéré que « les désordres litigieux, qui sont de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage, doivent être regardés comme étant la conséquence des travaux réalisés en 1988 » au motif qu'à l'occasion de la « surélévation du bâtiment, il appartenait aux constructeurs de vérifier si les fondations et les infrastructures du rez-de-chaussée étaient aptes à recevoir les charges de la construction d'un nouvel étage ».
Que doit faire le maître d'ouvrage ?
Le Conseil d'Etat censure cette analyse en indiquant, à juste titre, que l'intégralité des coûts de renforcement des fondations nécessaires pour réaliser les travaux de surélévation du bâtiment doit être supportée par le maître d'ouvrage.
Cette solution est logique dans la mesure où, si les investigations réalisées par les constructeurs de la surélévation en 1988 avaient révélé la nécessité de renforcer les fondations, le maître d'ouvrage aurait supporté le coût de ce renforcement. A moins que, informé du coût du renforcement des fondations nécessaire à la surélévation du bâtiment, le maître d'ouvrage ait renoncé à faire réaliser les travaux de surélévation.
Dans ce dernier cas, il serait logique de considérer que, faute d'avoir entrepris les vérifications préalables nécessaires, les constructeurs de la surélévation ont, en quelque sorte, contraint le maître d'ouvrage à engager la dépense correspondant au coût du renforcement des fondations. Plus précisément, le maître d'ouvrage pourrait alléguer de la perte d'une chance de ne pas entreprendre la surélévation au regard des coûts supplémentaires induits par ces travaux.
Mais, sur ce terrain encore, le préjudice indemnisable n'équivaudrait pas à l'intégralité du coût du renforcement structurel du bâtiment litigieux.