INNOVATION. Le plan de recherche et développement amiante (PRDA) vient de lancer un appel à manifestation d'intérêt pour inciter de jeunes étudiants et chercheurs à innover dans le secteur du désamiantage. Et les pistes sont très nombreuses...
"Le plan de recherche et développement amiante fait des petits !" C'est par cette formule qu'Alain Maugard, président du PRDA, a introduit un colloque qui s'est tenu sur le sujet, le 13 décembre 2017, à la Maison de la chimie (Paris). Vient en effet d'être lancé un appel à manifestation d'intérêt (AMI) à destination des écoles d'ingénieurs et des universités dans le but de "revitaliser la R&D amiante et sensibiliser les générations futures". En l'état actuel des choses, 26 projets sont en cours de validation au PRDA (voir encadré ci-dessous).
"La majorité des candidats qui ont répondu à nos précédents AMI proposaient des projets très matures", justifie Alain Maugard. "Mais nous n'avons pas été submergés par des projets qui en seraient à un stade plus précoce. C'est pourquoi nous lançons cet appel. Nous semons des champs, et espérons qu'ils seront productifs." Des étudiants issus de cinq écoles d'ingénieurs étaient présents pour assister à l'évènement, durant lequel s'est tenu un "speed meeting".
Pour rappel, le PRDA, lancé en 2015, a pour mission de dynamiser l'innovation dans le secteur du désamiantage, dans le but d'améliorer la faisabilité économique des opérations très onéreuses de travaux en sous-section 3 (retrait d'amiante) ou sous-section 4 (travaux en présence de matériaux susceptibles de contenir de l'amiante). Un plan doté de 20 millions d'euros.
Pour être efficaces, les innovations doivent être simples à utiliser
Lors de deux tables rondes, les acteurs du secteur du désamiantage ont eu l'occasion de trouver les mots pour exprimer leurs besoins et interpeller les jeunes présents. Pour les entreprises, aucun doute : les innovations à venir devront être simples à utiliser sur le terrain. "J'ai besoin de jeunes chercheurs pour trouver des solutions à mes problèmes", a ainsi affirmé José Faucheux, couvreur et président de la Capeb Picardie. "Mais pour être efficaces, celles-ci doivent être simples à utiliser. De la même manière que les équipements de protection individuelle doivent l'être, sinon ils ne sont pas utilisés par nos salariés." Pour lui, l'outil rêvé serait celui permettant de savoir rapidement si un matériau contient de l'amiante ou non.
Nadège Larrigaudière, chargée du sujet à la Fédération française du bâtiment (FFB), en appelle également à "favoriser les choix simples". "Pensez à la réalité du chantier, au fait que les compagnons travaillent souvent dans des endroits exigus", a-t-elle affirmé en direction des étudiants présents. Pour elle, le champs d'innovation le plus large et prioritaire est celui de la diminution de l'empoussièrement auquel sont exposés les salariés intervenants. "Tout part de là", estime-t-elle, non sans raison.
"Nous sommes en attente de pouvoir réduire les coûts de désamiantage"
Les maîtres d'ouvrage ne sont pas, eux non plus, en manque de propositions pour simplifier leur gestion de la problématique "amiante". "Ces interventions représentent 10 milliards de travaux sur notre patrimoine existant", pose tout d'abord Alban Charrier, de l'Union sociale pour l'habitat (USH). "Nous sommes en attente de pouvoir réduire les coûts du désamiantage. Car aujourd'hui, nous ne pouvons pas tout retirer, et devons faire des choix. Les coûts de mise en décharge des déchets amiantés, notamment, sont exorbitants."
Mais vient aussi la question cruciale de la localisation de l'amiante dans le parc. "Nous devons intervenir régulièrement en sous-section 4, pour des petits travaux ponctuels de plomberie ou d'électricité. Il s'agit alors de réagir vite, tout en protégeant les salariés et les occupants." Une mission qui serait d'autant mieux remplie si l'on savait à l'avance où était l'amiante dans chaque bâtiment. Car comment rapidement savoir si le salarié qui part sur site va être, ou non, exposé à de l'amiante dans le cadre de son intervention ? Et, si oui, quel mode d'intervention devra-t-il privilégier, et dans quel délai ?
Après l'amiante, les nano-matériaux ?
Au-delà de la diversité et de la multiplicité des enjeux, Alain Maugard a insisté sur le fait que des innovations dans le domaine de l'amiante pourraient être utilisées dans d'autres secteurs. Ainsi, ce n'est pas parce qu'un jour il n'y aura plus d'amiante dans les bâtiments que les avancées technologiques et techniques réalisées dans ce domaine n'auront plus de pertinence.
"La question de la qualité de l'air a de l'avenir. On a commencé par la question de l'amiante, mais il n'y a pas besoin d'être grand clerc pour savoir que d'autres sujets émergeront, je songe notamment aux nano-matériaux", a observé Alain Maugard. Le président de Qualibat a également évoqué les exosquelettes et les robots collaboratifs, sujets sur lesquels le Japon et la Corée travaillent beaucoup. "Nous pouvons imaginer des solutions d'aides mécanisées au travail manuel, qui pourraient être utilisées dans d'autres métiers que le désamiantage. La recherche sur ces solutions représente un enjeu industriel mondial."
"Il ne faut jamais oublier que l'enjeu est sanitaire", J-L. Boulmier
Cette dernière affirmation est confirmée par les résultats d'une étude internationale de benchmarking demandée par le PRDA, qui fait état de l'avancement des travaux de recherche dans le désamiantage dans chaque région du monde. La France, du fait de sa réglementation qui est la plus exigeante du monde, est parmi les pays les plus avancés. "Aujourd'hui, nous comptons un millier d'entreprises de désamiantage, employant entre 30 et 35-000 salariés", a d'ailleurs rappelé Sylvie Lesterpt, responsable du sujet à la Direction générale du travail.
Enfin, pour attirer les jeunes, Jean-Luc Boulmier, expert indépendant, a insisté sur la dimension humaine du métier : "Il ne faut jamais oublier que l'enjeu est sanitaire. Les métiers du désamiantage ont une utilité pour la collectivité."
Deux projets validés par le PRDA
"Le PRDA permet aux innovateurs de trouver des financements puis un marché", résume Alain Maugard. "Les innovations proposées sont vérifiées et éventuellement validées par une commission (CEVALIA), où sont demandées des preuves de leur efficacité." Deux avis favorables viennent de sortir sur deux produits innovants : "Easy gel protect" de la société BCL Invent (percement à base de gel hydrique) et "Polyasim Y" de la société Polyasim (confinement liquide à base de résine naturelle). Douze autres innovations sont encore sur liste d'attente.
Règles de l'art amiante : le dossier avance
Trente processus techniques élémentaires relatifs au désamiantage vont être intégrés aux règles de l'art, en partenariat avec le programme Pacte. Ils concerneront autant la sous-section 3 que la sous-section 4.
- l'Institut Technique des Gaz et de l'Air (ITGA) pour le projet « AUTOMET », automatisation de la mesure par analyse d'images ;
- l'Institut Technique des Gaz et de l'Air (ITGA) pour le projet « PREPANALYS-FOREMP », méthode innovante pour le comptage des fibres en cas de très fort empoussièrement ;
- Le CEA pour le projet SELFI, tête de prélèvement d'air avec dissociation des fibres ;
- Le CNRS pour le projet LOAC-AMIANTE, détection de l'amiante dans les matériaux par laser ;
- Le CSTB développe un outil de détection de l'amiante dans l'air en temps réel utilisant la technologie de spectroscopie Raman ;
- Le CSTB développe un système expert prédictif d'aide au repérage des matériaux amiantés (probabilité de présence d'amiante) ;
- La société GAZE pour le projet GASP, développement de combinaisons ergonomiques et création d'un chronomètre de présence en zone en fonction de la température et de l'hygrométrie ;
- la SARL SECUR'AMIANTE pour le projet « SECUR'AMIANTE : caisson souple », une variante souple adaptée à certaines situations spécifiques de travaux en présence de matériaux amiantés ;
- La société BCL INVENT pour le projet « EGP Carottage », dispositif de carottage de produits en amiante ciment à base de gel hydrique ;
- la Société Occamiante pour le projet « SECA », automatisation du traitement de sols amiantés ;
- la Société As Protek pour le projet « AS PROTEK », système automatique de dépose d'enduit épais amianté ;
- la Société Eco-Amiante pour le projet « Robotic Raboteuse », robot de traitement des surfaces amiantées ;
- la société SOBATEN pour le projet « REPA 1150 », outil mécanisé de retrait de produits plâtreux amiantés ;
- la société ISO-TOP étanchéité pour le projet « RODDE », robot d'automatisation de dévissage et de dépose des plaques d'amiante sur toiture ;
- La société CRITT Informatique pour le projet « EASYDESAMIANT », développement d'une plateforme robotique mobile de télémanipulation pour les opérations de désamiantage ;
- La société Hervé Gagneux pour le projet « ALT'AIR ISO », procédé de protection contre l'amiante des toitures ;
- la Société CEFASC Environnement pour le projet « STERAM », système de traitement et de recyclage des eaux polluées à l'amiante pendant les chantiers ;
- le CNRS pour le projet DRECMA, destruction et recyclage des déchets amiantés ;
- La société COLAS pour le projet DHYVA, destruction hydrothermale de l'amiante et valorisation des nouveaux produits.