EXPERT DS AVOCATS. Quels sont les objectifs de la certification des bâtiments et quels sont les enjeux afférents en matière d'assurance et de responsabilité des locateurs d'ouvrage ? Analyse avec Marie-Pierre Alix, avocat associé et Stéphanie de Laroullière, avocat, chez DS avocats.
Le réchauffement climatique, l'urgence écologique la diminution des ressources non renouvelables, mais également la pression démographique, ont contribué au changement des pratiques dans tous les secteurs économiques, et notamment celles des acteurs du bâtiment.
Aux côtés des normes (sismiques, thermiques, acoustiques, incendie), et réglementations (réglementations thermiques...) adoptées par les autorités administratives, des certifications et labels en matière énergétique et environnementale ont vu le jour depuis une vingtaine d'année.
Ces certifications ont profondément modifié la façon de concevoir et de construire des bâtiments, allant au-delà de ce que prévoient les réglementations et normes en vigueur.
Le Grenelle de l'Environnement en 2007 a accéléré le processus de la certification, lequel est désormais au cœur des attentes des acteurs du secteur immobilier.
Les objectifs de la certification
La certification consiste à attester qu'un produit est conforme à des caractéristiques contenues dans un cahier des charges dit "référentiel".
La mise en œuvre de ces outils de certification n'est pas obligatoire. Cette démarche exclusivement volontaire permet d'afficher la volonté des maîtres d'ouvrage privé, comme public, de construire, rénover ou exploiter des ouvrages de qualité supérieure et contrôlée, en intégrant les enjeux du développement durable.
La certification permet ainsi de valoriser l'investissement immobilier. Elle est une réelle plus-value en termes de valeur patrimoniale et marchande du bien.
Au nombre des certifications reconnue à l'international, se distinguent : la française HQE, l'anglaise Breeam et l'américaine Leed.
Au-delà de ces certifications garantissant la qualité environnementale de l'immeuble au plan constructif, la certification NF HQE Bâtiments Tertiaires en Exploitation permet de s'assurer que les préoccupations environnementales sont également intégrées au processus d'exploitation du bâtiment certifié.
L'objectif de la certification en exploitation est de pérenniser l'actif immobilier, par cycle de cinq ans, autour de trois axes : le bâtiment durable, l'utilisation durable et la gestion durable.
Le coût financier important de la certification d'un bâtiment en cours d'exploitation a tendance à dissuader les propriétaires, de sorte que celle-ci est, pour l'heure, assez peu mise en œuvre ; ce qui pourtant pourrait permettre d'endiguer l'obsolescence programmée d'un immeuble.
Les enjeux assurantiels et la responsabilité des locateurs d'ouvrage
La certification étant purement volontaire, il importe précisément de prévoir aux marchés de travaux l'obligation contractuelle du constructeur de livrer un immeuble certifié.
A défaut de certification, la responsabilité contractuelle de droit commun du locateur d'ouvrage pourra être engagée par le maître de l'ouvrage, exigeant la démonstration d'une faute de sa part.
Contrairement à une idée répandue chez certains constructeurs, l'obtention d'un certificat ne les exonère, en effet, pas de leur responsabilité.
Un immeuble certifié peut être affecté de désordres qui engagent la responsabilité décennale des constructeurs.
Vice versa, la question se pose de savoir s'il est possible d'envisager l'application de la responsabilité décennale des constructeurs lorsqu'un bâtiment a été certifié, mais que, à titre d'exemple, sa performance énergétique, donc économique, s'avère finalement non assurée ?
A cet égard, l'article L111-13-1 du code de la construction et de l'habitation, issu de la loi du 17 août 2015 sur la transition énergétique pour la croissance verte, dispose que :
"En matière de performance énergétique, l'impropriété à la destination, mentionnée à l'article L. 111-13, ne peut être retenue qu'en cas de dommages résultant d'un défaut lié aux produits, à la conception ou à la mise en œuvre de l'ouvrage, de l'un de ses éléments constitutifs ou de l'un de ses éléments d'équipement conduisant, toute condition d'usage et d'entretien prise en compte et jugée appropriée, à une surconsommation énergétique ne permettant l'utilisation de l'ouvrage qu'à un coût exorbitant."
Ce texte, détaché du régime de la responsabilité décennale des articles 1792 et suivants du code civil, tend à créer un régime dérivé spécifique de garantie décennale en cas d'atteinte à la performance énergétique de l'ouvrage.
Mais quid pour des consommations supérieures à celle dite "conventionnelle" et qui seront jugées non exorbitantes ? Quel seuil retenir pour un coût "exorbitant", notion totalement subjective ?
La jurisprudence étant pour l'heure très casuistique, les constructeurs devront se soucier de ces questions avec leurs assureurs.
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