ANALYSE. Dans un référé publié le 21 janvier, la Cour des comptes s'est penchée sur l'efficacité des politiques de logement mises en place par les services déconcentrés de l'État. Les Sages de la rue Cambon dressent les failles de ces institutions, et préconisent leur unification, et un dialogue plus grand avec les autres administrations en charge de la politique du logement.
L'enquête de la Cour des comptes s'est concentrée sur deux des trois directions représentant l'État dans la politique du logement : les directions départementales interministérielles des territoires et de la mer (DDTM) et celles de la cohésion sociale (DDCS). La première est chargée de suivre la production de logements selon une programmation régionale, la seconde est consacré à la demande et l'attribution de logements sociaux.
La juridiction administrative évoque sans ambages "les fragilités" constatées au sein de ces deux services déconcentrés, appelant à leur unification. L'enquête met le doigt sur la "comitologie pesante", qui alourdit la charge de travail des directions, au détriment de certaines missions.
Sont notamment visées les missions sur la lutte contre l'habitat indigne qui "pourraient être simplifiées" ou la mobilisation de la direction départementale de la cohésion sociale (DDCS) sur le front de l'hébergement d'urgence, "dans le contexte de crise migratoire". Ces deux dossiers contribuent, selon la Cour des comptes, à reléguer au second plan des missions d'ordre "budgétaire, administratif ou de contrôle". L'enquête ajoute à la charge de travail ces services, les relectures systématiques de documents stratégiques tels que les contrats d'utilité sociale avec les bailleurs.
Les instructions des dossiers Dalo déléguées au privé
Une saturation qui provoque des retards, dans le Rhône où "la commission d'instruction du droit au logement opposable (Dalo) affichait un retard de traitement tel qu'un requérant sur deux attendait encore la décision de la commission à l'expiration du délai prévu par la loi". Mais parfois, certaines DDCS ont fait le choix de la sous-traitance, notamment l'Ile-de-France qui a délégué l'instruction des demandes de Dalo à une société privée, Docapost, filiale du groupe La Poste, comme le révèle notre consœur du Monde.
En première préconisation, la Cour des comptes appelle tout naturellement à "réunir le soutien de l'offre et la gestion de la demande de logements", permettant ainsi d'avoir "un interlocuteur unique" auprès des acteurs locaux. Cette mutualisation des politiques du logement peut prendre diverses formes, et a déjà été instaurée dans les métropoles de Lyon ou de Nice-Côte-d'Azur qui sont désormais dotées de services ad hoc. En Ile-de-France, la préfecture a quant à elle fusionné les compétences de la DDTM et DDCS en une seule administration, la Drihl (Direction régionale et interdépartementale de l'hébergement et du logement).
Partage "lacunaire" des informations
En second lieu, la Cour des comptes appelle à un plus grand échange d'informations entre services pour une politique du logement au diapason des besoins réels. Regrettant un partage de données "lacunaire" avec les services fiscaux, la juridiction de la rue Cambon estime que les services déconcentrés de l'Etat devraient avoir un accès aux "aides fiscales à l'investissement locatif qui ne font l'objet d'aucune instruction". Le réseau des CAF pourrait également être intégré à ce circuit d'échanges, permettant ainsi une stratégie plus fine de déploiement des actions d'aide et de soutien au logement.
Mais la Cour des comptes espère surtout une plus grande complémentarité entre les services de l'Etat et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) qui se sont vus attribuer un chapelet de compétences en matière de logement. Car pour l'heure, les EPCI témoigneraient "d'une ambition très variable selon les territoires, certains d'entre eux étant peu prescriptifs ou se limitant à des diagnostics", au regard de leur "compétence accrue sur les enjeux de peuplement et de mixité sociale".
En réponse, le Premier ministre Édouard Philippe a souligné "l'intérêt du rapprochement des services en charge de l'accès au logement et des services en charge de l'hébergement", admettant par ailleurs que la question d'un rapprochement des compétences "en matière de solidarité et de fonctions sociales du logement avec les compétences d'insertion vers l'emploi est à l'étude actuellement".