Alors que le stress et les risques psychosociaux gagnent du terrain chez les entreprises du bâtiment, comme le démontrait la Capeb dernièrement, une nouvelle étude de l'Observatoire Alptis dévoilée ce mercredi nuance l'ampleur du phénomène dans les TPE. Elle signale que 68% des salariés d'entre eux se déclarent peu ou pas stressés et 80% se disent même heureux au travail. Décryptage de Marc Loriol, sociologue au CNRS et Dominique Servant, psychiatre.
Le bonheur serait-il dans les petites entreprises ? A en croire l'étude dévoilée ce mercredi 15 octobre par l'Observatoire Alptis de la protection sociale, les salariés de TPE se plaignent moins du stress que ceux des autres entreprises, alors qu'ils ont en moyenne une durée hebdomadaire de travail plus longue, supérieure à 39 heures pour 27 % des salariés à temps plein, contre 6,4% dans les autres entreprises, et un salaire moyen plus bas en moyenne de 19 %.
D'ailleurs, leur taux d'absentéisme est plus faible (4,3% en 2013) que celui de leurs confrères des grands groupes (4,7%), ajoute l'étude. "La situation des salariés de TPE est paradoxale, car ils bénéficient de conditions de travail moins favorables que leurs confrères travaillant dans des entreprises plus grandes, mais se plaignent moins du stress", signale Marc Loriol, sociologue et chercheur au CNRS (Université Paris I).
Un patron plus accessible dans les TPE ?
D'après cette étude pilotée par Marc Loriol, les salariés de TPE ne sont pas moins exposés au stress, mais plusieurs facteurs propres aux structures des TPE concourent à en diminuer l'impact négatif sur leur santé :la proximité entre salariés et dirigeants, tant relationnelle que par leur affinité de milieux ; la possibilité de régler les conflits de façon informelle ; le partage de valeurs communes sur la qualité du travail ; l'engagement dans l'entreprise ; une plus grande latitude pour organiser son travail. Et comme l'explique Marc Loriol : "Les TPE ont un côté plus humain, qui permet de désamorcer des conflits entre les individus."Le témoignage d'un spécialiste en mobilier et agencement, Fabrice Poncet, dirigeant d'une entreprise de 14 salariés, "La Fabrique", basée à Francheville (Rhône), va dans ce sens. "Chez nous, les salariés, qu'ils soient ébénistes, menuisiers, architectes d'intérieur, évoquent le 'bon stress' qui est dû à leur exigence dans le travail. Et je parle toute de suite avec eux lorsqu'une difficulté se présente sans me montrer trop paternaliste.D'ailleurs, ce dirigeant a mis en place un conseil d'entreprise qui permet aux salariés de voter les décisions pour la TPE.
En revanche, les TPE du bâtiment ne sont pas exemptes de situations de stress, avec des conséquences qui peuvent être très fortes, reconnaît Marc Loriol. Qui ajoute : "Bien sûr que le secteur du BTP fait partie des activités en France les plus concernées par le stress en entreprise. Les causes du stress sur un chantier sont d'ailleurs connues : carnets de commandes à la baisse, grosses charges de travail, trésoreries dans le rouge, recherches de financement, craintes d'impayés et pour la sécurité de l'employeur ou de l'établissement. Sans oublier le phénomène de sous-traitance récurrent dans le bâtiment qui accélère le stress des entrepreneurs."
L'absence aussi d'instance représentative du personnel dans ces petites structures peut, dans ces cas-là, être très préjudiciable, "le salarié ayant l'impression de ne pas pouvoir se défendre et se retrouvant totalement isolé", indique Marc Loriol.
Comment lutter contre le stress ?
Les patrons de TPE ou PME peuvent donc faire appel aux Caisses d'assurances retraites et de santé au travail (CARSAT), aux Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT) et aux Directions régionales des entreprises de la concurrence, de la consommation du travail et de l'emploi (DIRECTTE) qui font intervenir un expert en prévention proposant des améliorations des conditions de travail. L'ANACT propose aussi des aides à la prévention du stress. "Dans la branche du bâtiment, l'OPPBTP, par exemple, propose aux entreprises des formations sur les différents risques, des accompagnements pour des actions de prévention ou d'évaluation des risques et des pénibilité", indique le sociologue dans l'étude Alptis.Pour Dominique Servant, psychiatre et responsable de l'unité spécialisée sur le stress et l'anxiété au Centre hospitalier régional universitaire de Lille, les consultations liées au stress professionnel sont en hausse. "Je ne remarque pas une profession plus exposée qu'une autre", nous précise-t-il. Le psychiatre propose que soient développées des méthodes de prévention du stress et la prise en compte du bien-être au travail. "C'est vraiment accessible à tous, il suffit de prendre un temps régulier pour voir évoluer son comportement au travail mais aussi son bien-être physique et psychologique. Cette prise en main individuelle n'exclut pas le rôle de l'entreprise."
Stress, mise sous pression, baisse de moral, surmenage… le burn-out ou "syndrome d'épuisement professionnel" est aussi une réalité qui touche les chefs d'entreprise et les artisans dans les PME du bâtiment.
Face à ce constat et à ses conséquences sur l'entreprise et la sphère familiale, après la Capeb et ses travaux avec Iris ST et le CNATP, c'est la FFB qui a décidé de participer aux travaux de l'observatoire Amarok, qui mène une expérimentation concernant la santé des chefs d'entreprise.