DÉCEPTION. Le plan de rénovation énergétique des bâtiments a été présenté il y a tout juste un an. Depuis, où en sommes-nous ? Pour plusieurs acteurs du bâtiment et de la transition énergétique, rien, ou presque, n'a été fait pour lancer l'éradication des 7 millions de passoires énergétiques.
"Triste premier anniversaire." C'est l'expression qu'emploie le Cler, réseau pour la transition énergétique, venant de publier un dossier concernant le plan de rénovation énergétique des bâtiments, lancé il y a tout juste un an. En effet, pour l'organisation, rien n'a vraiment avancé sur ce plan, malgré les preuves de bonne volonté des ministres concernés. "Le retard continue de s'accumuler : de nombreuses mesures prévues (transformation du Crédit d'impôt en 'prime travaux', introduction d'un diagnostic de performance énergétique opposable, critère de performance énergétique minimum pour les locataires, ré-écriture du cadre pour les bâtiments tertiaires, et mise en place d'un service public de la performance énergétique de l'habitat...) sont soit retardées, soit mises en œuvre de manière très insuffisante", regrette le Cler. L'accent serait mis par l'État sur la lutte contre le carbone, plus que sur la précarité énergétique.
Dernièrement, le projet de décret tertiaire présenté par l'administration n'a pas fait que des heureux, loin de là.
"Retours mitigés sur les 'travaux à 1 euro"
Depuis un an, l'un des gestes fort du Gouvernement a été celui des chaudières et PAC à un euro. Mais le Cler reste sceptique même à ce sujet. Pourquoi ? "Le chauffage au fioul est souvent choisi pour les maisons individuelles dans les zones rurales sans accès au réseau de gaz", analyse le Cler. "Au cours actuel du pétrole, il reste relativement abordable, mais sera fortement pénalisé par l'augmentation des prix à venir et les émissions de gaz à effet de serre qu'il génère." Quant aux pompes à chaleur, le réseau préfèrerait voir des efforts effectués sur l'isolation du bâti. Enfin, "les nombreux retours d'expérience mitigés sur les 'travaux à 1 euro' (qui ne sont pas systématiques mais vont du défaut de mise en œuvre à l'arnaque pure et simple) incitent aussi à la prudence".
Baisse de la rénovation énergétique des logements au quatrième trimestre 2018
D'après la dernière note de conjoncture de la Fédération française du bâtiment (FFB), le segment de la rénovation énergétique des logements a chuté de -2,7% au quatrième trimestre 2018. Une diminution attribuée par l'organisation aux "effets de la suppression de l'éligibilité des fenêtres au CITE à la fin juin 2018 et des atermoiements autour de l'avenir du même CITE lors des débats de la Loi de finances pour 2019".
D'après la dernière note de conjoncture de la Fédération française du bâtiment (FFB), le segment de la rénovation énergétique des logements a chuté de -2,7% au quatrième trimestre 2018. Une diminution attribuée par l'organisation aux "effets de la suppression de l'éligibilité des fenêtres au CITE à la fin juin 2018 et des atermoiements autour de l'avenir du même CITE lors des débats de la Loi de finances pour 2019".
Interviewé récemment sur France info, le président de la FFB, Jacques Chanut, a assuré que le marché ne démarrait toujours pas. "Il y a de grands discours, une politique de communication lourde, mais le marché n'est toujours pas autonome financièrement parlant", a-t-il argumenté. "Il faut trouver un modèle économique. Aujourd'hui, lorsque vous lancez des travaux, si vous ne touchez pas d'aides, vous faites un retour sur investissement sur 20 ans. Comment voulez-vous qu'un ménage investisse dans ces conditions ?" Le président de l'organisation en appelle donc à un renforcement des aides. "Vous rabotez les aides, eh bien vous aurez une baisse de marché équivalente ! Nous manquons aujourd'hui de visibilité, de lisibilité, de constance. Il y a un décalage entre des discours très volontaristes sur les enjeux énergétiques, et les décisions sur la diminution des aides."
"La logique du moins-disant s'impose partout"
Pour Jean-Baptiste Lebrun, directeur du Cler, "malgré les ambitions affichées, un an après la publication du Plan de rénovation énergétique des bâtiments et un peu plus de six mois après la démission de Nicolas Hulot, la politique d'efficacité énergétique française est en recul". "Sous couvert de 'simplification' et de 'massification', c'est la logique du moins-disant qui s'impose partout, des financements aux réglementations, et jusqu'au pilotage de la politique elle-même puisque ce triste anniversaire marque aussi l'absence de suivi du plan par le gouvernement."
Tous les acteurs ne sont pas aussi négatifs, toutefois, sur ce plan de rénovation énergétique. C'est par exemple le cas de Géo-PLC, délégataire dans les certificats d'économie d'énergie (CEE). "Il est compréhensible que les ONG trouvent que le plan est peut-être au point mort, mais c'est à mon sens à relativiser", explique à Batiactu Marina Offel de Villaucourt, des affaires publiques et juridiques. "Une partie du plan est bel et bien exécutée. La charte Faire est signée, et toute la partie CEE est enclenchée : financement de programmes appliqué, Fonds de garantie de la rénovation financé par EDF comme prévu...." Elle évoque également les objectifs "ambitieux" de la quatrième période des CEE, notant d'ailleurs que la production d'actions d'économies d'énergie via ce dispositif s'accélérait. Enfin, "la 'guerre au fioul', et ses dizaines d'offres de chauffage gratuit partout en France, avec un objectif de suppression d'un million de chaudières d'ici 2023, motive l'ensemble des acteurs privés dans la massification".
"Nous manquons toujours de visibilité sur le Crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE)", a déploré Patrick Liébus, président de la Capeb, lors d'une conférence de presse qui s'est tenue le mercredi 17 avril 2019. "Je vois que l'on veut retoucher les niches fiscales : j'espère que l'on fera attention, car nos objectifs sont ambitieux en matière de rénovation énergétique. Le CITE devrait être transformé en prime : mais quelle sera la hauteur de la prime ? Qui sera concerné ? Si ce sont uniquement les ménages précaires et très précaires, les ménages plus aisés seront exclus. Or, même les gens qui ont des moyens peuvent être intéressés par une prime."