ANNONCES. Le secteur de la construction est en première ligne pour bénéficier du plan de relance que vient de présenter le Gouvernement (rénovation, logement, énergie...). Les acteurs ont salué l'effort, même s'ils pointent quelques incertitudes ici ou là. Explications.
Après plusieurs semaines de préparation, le plan de relance, baptisé "France relance", a été dévoilé, ce 3 septembre, par le Premier ministre Jean Castex, lors d'une conférence de presse qui s'est tenue à Paris. D'une dimension totale de 100 milliards d'euros, dont 40% de fonds européens, il se destine à "préparer la France de 2030". Le secteur de la construction est largement concerné par les mesures qui y sont contenues, et les acteurs n'ont pas tardé à réagir pour exprimer une certaine satisfaction, qui ne va pas sans quelques interrogations. Tour d'horizon.
Un "pas de géant" pour la transition écologique
Pour Barbara Pompili, ministre de la Transition écologique et solidaire, ce plan va permettre à la France d'effectuer un "pas de géant" en matière d'environnement. En mobilisant 30 milliards d'euros à elle seule, soit un tiers de l'enveloppe globale, la transition écologique se présente en effet comme l'élément central du plan de relance gouvernemental présenté ce jour par Jean Castex. Une batterie de mesures large et ambitieuse qui doit permettre à la transition écologique de "faire basculer la France dans une économie plus verte, plus décarbonée", assure le ministère. La ministre de la Transition écologique, assure que ce virage permettra de "développer des filières qui vont faire de l'innovation et de la rénovation avec du chanvre, du lin, ou des filières de matériaux locaux".
Bâtiment et logement vont donc concentrer 7,5 milliards d'euros, répartis en plusieurs dispositifs
Premièrement, le budget de MaPrimeRénov va être abondé de 2 milliards d'euros supplémentaires sur les années 2021-2022. Le cabinet de la ministre chargée du Logement l'assure : ce sont bien 2 milliards supplémentaires en deux ans qui seront alloués, qui s'ajouteront non seulement aux 390 millions d'euros de MaPrimeRénov prévus en 2020, auquel ont été ajoutés 185 millions d'euros dans le courant du printemps pour faire face au "succès" du dispositif (qui s'adresse, pour rappel, aux ménages modestes) ; mais aussi aux 350 millions d'euros versés, en 2020, aux ménages aisés qui ont continué de bénéficier du CITE, qui disparaît à la fin de l'année dans le cadre de l'élargissement de MaPrimeRénov à tous les ménages. En outre, "il n'y aura pas de tour de passe-passe, avec par exemple des CEE cachés dans les milliards du plan", affirment les collaborateurs d'Emmanuelle Wargon.
Cette hausse est toutefois à relativiser, car le crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE), que la prime est venue remplacer en 2020, se situait à 1,7 milliard d'euros en 2018. Quoi qu'il en soit, il a été confirmé une nouvelle fois que l'aide serait élargie aux propriétaires bailleurs et aux copropriétés. Dans ce dernier cas il s'agira bien d'une aide directe, que les autorités veulent "simple et lisible", et qui sera versée directement à la copropriété, sans lien avec les revenus ou le statut de chacun des copropriétaires. Les nouveaux barèmes de ces différents dispositifs ne seront connus qu'à la fin du mois de septembre. On sait néanmoins qu'un bonus sera appliqué si les travaux permettent à une maison individuelle de sortir du statut de passoire thermique, et que l'aide aux ménages intermédiaires et supérieurs (à qui s'ouvrira MaPrimeRénov) sera conditionnée à un bouquet de travaux (dits "rénovation globale").
"Le logement social fait partie de notre protection sociale et il doit être, en conséquence, pourvu des moyens lui permettant de mener à bien cette grande politique publique", Jean-Louis Dumont (USH)
Un effort de 500 millions d'euros va par ailleurs être fait pour la rénovation thermique du parc social, permettant d'équilibrer les opérations les plus lourdes pour sauter plusieurs classes énergétiques. A cela s'ajoutera le plan de relance de la Caisse des dépôts, qui prévoit 3 milliards d'euros pour le logement social, et dont le détail sera connu la semaine prochaine. L'Union sociale pour l'habitat (USH) a réagi en appelant l'État d'accompagner ces mesures par la généralisation du taux de TVA réduit à 5,5% pour le logement social et une pérennisation satisfaisante du prêt à taux zéro (PTZ). L'USH souhaite également voir le NPNRU musclé de 2 milliards d'euros supplémentaires. "Je le rappelle, le logement social fait partie de notre protection sociale et il doit être, en conséquence, pourvu des moyens lui permettant de mener à bien cette grande politique publique", commente Jean-Louis Dumont, président de l'organisme. "Or, depuis 2017, les moyens financiers et donc la capacité à produire de nouveaux logements et à rénover les logements existants ont été rognés, malgré nos alertes répétées."
Quatre milliards permettront par ailleurs de rénover les bâtiments publics, comme les sites des collectivités, les écoles, les lycées (300 millions pour les Régions), les universités, les logements étudiants, le parc administratif de l'État ou encore les commissariats et les tribunaux. Le Gouvernement ajoute que deux milliards seront affectés, dans le cadre du Ségur de la santé, pour rénover Ehpad et hôpitaux.
200 millions d'euros sont également prévus pour aider à l'amélioration du parc tertiaire des TPE-PME. Là, le dispositif est calé, et le ministère du Logement a indiqué qu'il s'agirait d'un crédit d'impôt de 30% des travaux, plafonné à 20.000 euros.
Enfin, deux dispositifs discutés depuis plusieurs mois voire déjà annoncés sont inclus dans ce plan de relance. Il s'agit, d'une part, d'une aide directe aux collectivités délivrant des permis de construire "au-delà d'un certain seuil de densité", qui sera fixé par grande typologie de collectivités. 350 millions d'euros y seront affectés, et l'objectif est de favoriser la construction de 50.000 logements en zone dense plutôt qu'en étalement urbain. L'autre dispositif est le fonds friches, de 300 millions d'euros, qui, en subventionnant les opérations de dépollution de friches doit permettre l'équilibrage d'opérations complexes. 500 à 1.000 hectares de friches réhabilitées sont visés.
Les acteurs se félicitent pour la rénovation, mais s'inquiètent pour la construction neuve
Si la Fédération française du bâtiment se félicite des 7 milliards d'euros mis sur la table pour rénover les bâtiments existants, elle regrette l'absence de dispositif pour relancer la construction neuve, à la peine actuellement. "Sur ce segment, le décrochage, amorcé dès le début 2020 sous l'effet des recommandations du Haut Conseil de stabilité financière, ne cesse de s'accélérer", peut-on lire dans un communiqué de presse de l'organisation. "L'accompagnement à la réhabilitation des friches, pour important qu'il soit, ne permettra pas la relance à court terme de l'accession sociale et de l'investissement locatif. Il y a là de nombreux emplois en jeu." La profession demande ainsi un retour au PTZ à 40% pour toutes les zones et une prolongation du Pinel au-delà de 2021.
Même son de cloche, sans surprise, du côté de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), pour qui les deux aides pour le neuf (une aide aux maires 'densificateurs' de 350 millions d'euros sur deux ans et un fonds 'friches' de 300 millions d'euros) ne sont pas suffisantes. "Soutiens de la production, elles vont dans le bon sens, mais elles ont trois défauts : une portée limitée au regard des enjeux, une grande complexité de mise en œuvre et un effet différé", estime la fédération. "Si rien ne les complète, le risque est fort de voir la production durablement affaiblie, avec deux conséquences majeures à court terme : une contraction de l'activité et une pénurie de logements abordables. [...] Nous avons donc toujours besoin de produire du logement neuf. Pour cela, il faut faciliter la production par la simplification administrative et la digitalisation."
"Si rien n'est fait, si aucune mesure ne vient rapidement stimuler la demande, soutenir l'offre et booster la reprise du secteur, le scénario du pire est à craindre", estime pour sa part Grégory Monod, président des Constructeurs aménageurs de la FFB (LCA-FFB).
Un soutien de 470 millions d'euros à la filière nucléaire
Dans "France relance", l'accent sera aussi mis sur les innovations dans le domaine de l'énergie, ce qui se traduira par un soutien de 470 millions d'euros à la filière nucléaire. Une somme qui se compose entre autres de 200 millions de crédits budgétaires pour financer la montée en compétences et la Recherche & développement du secteur, la numérisation des équipements, le recyclage et l'installation d'équipements de sécurité ; le Programme d'investissements d'avenir débloquera quant à lui 170 millions pour développer des prototypes de SMR, des petits réacteurs nucléaires modulaires.
La filière hydrogène touchera pour sa part une enveloppe de 2 milliards. L'occasion pour le ministère de la Transition écologique d'annoncer qu'un plan global sur cette énergie d'un montant de 7,2 milliards d'euros et portant sur la prochaine décennie sera dévoilé la semaine prochaine par Barbara Pompili et Bruno Le Maire ; plan qui cherchera à dynamiser l'offre - via des démonstrateurs et une pré-industrialisation - et à soutenir la demande.
Pour les professionnels du photovoltaïque, "l'annonce de ce jour est cruciale"
Le syndicat Enerplan espère que l'effort en matière de rénovation énergétique intègrera l'autoconsommation au sein des bâtiments, peut-on lire dans un communiqué de presse diffusé par l'organisation. "Qu'il s'agisse de chaleur ou d'électricité, les installations solaires thermiques et photovoltaïques apportent une économie directe de carbone et de charges pour les occupants des bâtiments rendus plus efficaces grâce à l'isolation." La profession voit d'un bon œil l'investissement pour développer la filière hydrogène, solution qui "couplée aux parcs solaires" serait "particulièrement adaptée".
"L'annonce de ce jour est cruciale pour la relance économique de milliers d'artisans, de PME ou de plus grandes entreprises", commente son président Daniel Bour. "Les acteurs du secteur solaire sont en capacité de se mobiliser pour la relance et de créer très rapidement des emplois pérennes sur tout le territoire."
Vie des entreprises : les dispositifs de soutien prolongés
Pour continuer de sauvegarder l'emploi, le Premier ministre a confirmé la baisse de 10 milliards d'euros d'impôts de production au 1er janvier 2021. 7,6 milliards seront, eux, consacrés au chômage partiel de longue durée, que la ministre du Travail Élisabeth Borne a qualifié de "bouclier anti-licenciements". Un dispositif pensé pour "les entreprises qui subiront une baisse d'activité dans les prochains mois".
Pour renforcer les fonds propres des TPE et PME, 3 milliards d'euros seront mis à disposition, sous la forme d'une garantie publique à des fonds d'investissement responsables labellisés "France relance", et de prêts participatifs de long terme. Le ministre de l'Économie Bruno Le Maire a commenté : "Les TPE-PME ont connu des problèmes de trésorerie majeurs, les prêts garantis par l'État leur ont permis de voir venir, mais elles s'interrogent aujourd'hui sur le remboursement de ces prêts", a-t-il rappelé. "Je veux dire aux TPE que nous continuons à échanger avec la fédération bancaire française pour négocier le taux le plus attractif possible, et qu'elles n'ont pas d'inquiétudes à avoir à ce sujet."
Une aide à l'embauche des jeunes de moins de 26 ans et des personnes handicapées sera par ailleurs dotée d'un ligne de 3,2 milliards d'euros. Elle prendra la forme d'une prime de 4.000 euros pour les contrats conclus entre le 1er août 2020 et le 31 janvier 2021 (sont concernées les entreprises de toutes tailles, embauchant un salarié de moins de 26 ans en CDI, CDD de 3 mois et plus, pour un salaire allant jusqu'à 2 fois le Smic). Deux aides seront lancées pour les contrats d'apprentissage et de professionnalisation. Embaucher un apprenti mineur sera ainsi assorti d'une aide de 5.000 euros pour la première année du contrat (8.000 euros pour les apprentis majeurs), si l'accord est conclu entre le 1er juillet 2020 et le 28 février 2021. Dans le même ordre d'idées, 300.000 parcours d'accompagnement vers l'emploi seront lancés.
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Pour le reste, le secteur des transports bénéficiera d'une enveloppe de 11 milliards d'euros, dont une petite moitié sera dédiée à la relance du ferroviaire. Les projets de développement de métropolitains, tramways et autres transports en commun en site propre devraient en outre être accélérés. On notera enfin que 2 milliards seront consacrés à des mesures de soutien à la biodiversité - qui engloberont l'économie circulaire, les réseaux d'eau et d'assainissement ainsi que la lutte contre l'artificialisation des sols -, et que la forêt française pourra compter sur 200 millions dans le cadre de son adaptation au changement climatique et la lutte contre les sécheresses.
Un autre axe du plan consiste en l'affectation de 1,2 milliard d'euros pour décarboner les industries les plus 'polluantes'. Un industriel pourra ainsi être aidé pour investir dans des procédés moins émetteurs de gaz à effet de serre, ou bien pourra bénéficier d'une aide de l'État qui viendra compenser le surcoût causé par l'emploi d'une énergie décarbonée par rapport aux énergies fossiles.