ÉCONOMIE. Les sociétés privées ont été les principales bénéficiares du plan de relance post-Covid, d'après un bilan publié par l'Observatoire des multinationales. Elles ont perçu jusqu'aux deux tiers des 73 milliards d'euros décaissés pour l'occasion, mais une certaine opacité persiste malgré tout.

Le secteur privé a visiblement été le grand gagnant du plan d'investissement France Relance. D'après un bilan publié début mai par l'Observatoire des multinationales et relayé par l'Agence France Presse, les entreprises privées ont été les principales bénéficiaires de ce plan de relance post-Covid. Elles ont ainsi perçu jusqu'aux deux tiers des 73 milliards d'euros décaissés pour l'occasion.

 

 

Le problème étant que les sommes initialement débloquées étaient censées financer d'autres chantiers. Comme le rappelle l'observatoire, qui est en réalité une association enquêtant régulièrement sur les dividendes versés par les groupes du Cac 40 et leurs stratégies d'influence, les 100 milliards d'euros du plan devaient être fléchées vers la transition écologique (30 milliards), la compétitivité des entreprises (34 milliards) et, en premier lieu, la cohésion sociale (36 milliards).

 

Aides à l'embauche d'apprentis

 

Presque quatre ans après le lancement de France Relance, ce bilan assure cependant qu'"au moins 29,5 milliards d'euros ont bénéficié directement aux entreprises", principalement via la baisse des impôts de production. S'y ajoutent "17,7 milliards d'aides à l'emploi, comme les subventions pour l'embauche de jeunes et d'apprentis", "et sans doute aussi les aides" à la rénovation énergétique ou à l'achat de véhicules électriques, qui ont certes profité aux particuliers mais également "aux fournisseurs des produits et services concernés".

 

Avec ces calculs dont le périmètre est certes assez large, "la proportion des dépenses de relance qui ont bénéficié exclusivement ou en grande partie aux entreprises dépasse dès lors les deux tiers des sommes décaissées", avance encore l'Observatoire des multinationales. Les acteurs publics - État, collectivités, SNCF... - ont pour leur part capté 19% des montants déjà dépensés, tandis que 11% des fonds sont déclarés "inclassables" par l'étude.

 

Nadine Levratto, chercheuse au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) citée dans la publication de l'association, estime que France Relance "s'inscrit dans le schéma classique de transformation de la société via le tissu productif et les aides individuelles aux entreprises", au détriment néanmoins de l'investissement dans les services publics. "Or, quand on regarde les déterminants de la croissance et de la localisation des entreprises, la qualité des services publics joue beaucoup", ajoute-t-elle.

 

Résultats insuffisants dans la rénovation

 

Le comité d'évaluation du plan, piloté par France Stratégie et placé sous l'autorité de Matignon, avait déjà jugé en janvier que l'exercice était "particulièrement complexe". L'Observatoire des multinationales partage donc ce constat, déplorant au passage la difficulté à identifier les bénéficiaires finaux de l'enveloppe. "La France (...) ne donne pas les bénéficiaires finaux de son plan de relance, mais liste essentiellement des opérateurs de l'État, soit différentes instances intermédiaires qui redistribuent les financements par la suite", peut-on lire dans son rapport.

 

 

Certaines divergences sont par ailleurs notables. Là où le comité d'évaluation chiffrait à 21 milliards d'euros les dépenses du plan en faveur de la transition écologique, l'association n'a pu en flécher que "15,24 milliards d'euros". De fait, "les grands perdants de l'austérité risquent bien d'être les services publics et l'écologie : ce sont les domaines qui ont le moins bénéficié du plan de relance et dont les budgets sont les plus diminués" dans le décret de février 2024 qui a acté 10 milliards d'économies dans le budget étatique.

 

De son côté, le comité d'évaluation de France Relance a toutefois dressé un bilan plus positif, considérant que le plan a contribué à renforcer la croissance, l'emploi et la baisse des émissions de CO2. Mais il a aussi pointé des résultats insuffisants dans le domaine des dispositifs d'aide à la rénovation énergétique : ainsi, Ma prime rénov' ne génèrerait pas assez de réhabilitations globales et aurait du mal à trouver sa place dans le logement collectif.

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