Alors que l'actualité bat son plein avec relance des discussions autour de la réforme de la loi sur l'architecture et du développement des contrats de conception-construction, les architectes de l'UNSFA tiendront leur congrès annuel du 17 au 19 octobre, à Dijon. Avant goût des débats en compagnie de François Pelegrin, président de l'Union des Architectes et fervent défenseur d'une architecture citoyenne.
Le gouvernement a dévoilé les orientations de sa politique en présentant son budget. On y trouve quelques surprises, notamment à la Culture, votre ministère de tutelle, qu'en pensez-vous ?
Il y a quelques signes alarmants dans le budget 2003 du gouvernement, et pas seulement dans celui de la Culture. On constate que lorsqu'il y a des économies à faire, on pense tout de suite aux professions de l'intellect.
C'est en tout cas notre première impression, qui se vérifie avec la baisse historique du budget de la Culture. Or, une société qui n'investit plus dans la culture, la recherche, l'éducation est une société qui se saborde.
Il semblerait toutefois que le gouvernement veuille faire une meilleure utilisation des crédits. Et pourquoi pas, après tout, c'est ce que l'on fait tous les jours dans nos agences !
Ce qui nous inquiète davantage, c'est que face à des besoins urgents dans les domaines de la justice et la sécurité intérieure, le gouvernement ait proposé, dans deux projets de loi en discussion au Parlement, de déroger à plusieurs dispositions inscrites dans la loi MOP ou dans le code des marchés publics.
Pourquoi pas : on peut considérer qu'en raison d'une certaine urgence, cette procédure exceptionnelle peut s'appliquer. Mais que l'on ne nous fasse pas le coup de l'urgence chaque fois ! Car ces procédures réduisent sensiblement le rôle des tiers indépendants, la maîtrise d'oeuvre, avec tous les risques et les dérives que cela comporte. Nous avons d'ailleurs écrit aux ministres concernés pour que la loi limite à deux ans le droit de recourir à ces procédures dérogatoires et que l'on inscrive l'obligation d'engager tout de suite la programmation des prochaines années afin de que leur réalisation se fasse dans les procédures de droit commun.
Il se peut toutefois que ce soit un choix de société. Mais dans ce cas, que les choses soient dites clairement car ces premiers signes du gouvernement nous semblent à l'antithèse du concept de développement durable prôné par Jacques Chirac.
Or l'architecture est un élément central dans le développement durable. Et en matière d'architecture, que veut faire la France ? C'est un vrai choix de société. Nous attendons donc du gouvernement une déclaration de politique générale sur sa vision en la matière ou ses projets pour arriver à cette qualité dans la fabrication de la ville.
Une déclaration qui pourrait éventuellement déboucher sur réforme de la loi sur l'architecture ?
Entre autres, mais pour revenir à cette réforme, je pense qu'il faut prendre le problème à la base en se posant la question suivante : pourquoi faut-il avoir recours à un architecte ?
Car je rappelle que l'architecte ayant - de part la loi de 77- la charge de défendre l'intérêt public, nous sommes là pour conjuguer des intérêts qui peuvent être forts différents.
En Allemagne, on compte quelque 90.000 architectes, mais on ne se pose pas la question de savoir s'ils sont trop nombreux. En France, force est de constater que les architectes n'ont pas réussi à s'imposer et nous y sommes sans doute pour quelque chose.
Ainsi, lorsque l'on a un problème avec sa voiture, on va voir un garagiste. Lorsque que l'on a un problème de santé, on va voir un médecin. Lorsque l'on a un problème avec sa maison, on va voir tout le monde et éventuellement l'architecte. Pourquoi ? Essentiellement parce que l'on continue de parler de "surcoût architectural".
Il est assez extraordinaire, qu'en France, l'architecte soit tout de suite associé à un surcoût, alors qu'ailleurs, il est plutôt synonyme de qualité du cadre de vie. L'éducation, qui ne fait aucune place à l'architecture, y est certainement pour quelque chose. Il faut, dès le plus jeune âge, mettre les Français en appétit d'architecture pour élever leur niveau d'exigence pour un meilleur cadre de vie, facteur de paix sociale.
Il faut également apprendre à raisonner et à pratiquer le "vrai" coût global, qui doit inclure l'exploitation, la maintenance, la destruction mais aussi des coûts humains et sociaux comme le mal de vivre. Si cette notion est acceptée par la profession et les clients, nous pourrons mettre en place un système vertueux et tous les acteurs de l'acte de construire seront rémunérés comme il se doit.
Pensez-vous que l'abaissement du seuil du SHON - qui était l'un des principaux points du projet de réforme de Catherine Tasca - soit une bonne solution ?
C'est en tout cas une des solutions, mais certainement pas la solution unique.
Il y a des choses bien plus graves que l'abaissement du seuil : ainsi, certaines directives européennes pourraient autoriser, seuil ou pas seuil des "techniciens" sans aucune formation architecturale à pratiquer l'architecture
Mais pour en revenir à votre question, il y a d'autres moyens : par exemple le renforcement du rôle des CAUE ou le fait, pourquoi pas, qu'un élu décide, après débat public, de faire intervenir l'architecte dès le 1er mètre carré.
Le problème est que la loi de 1977 - qui est un bon texte sur le fond - n'est pas respectée. Le législateur a placé un seuil à 170 m2 en prévoyant qu'en deçà, les CAUE font office de conseil. Or, aujourd'hui, les CAUE ne jouent plus leur rôle et nous ne pouvons que constater, qu'en matière de construction, il existe une France à deux vitesses, ceux qui font construire des maisons "sur mesure" et qui, du coup, bénéficient du conseil et du savoir-faire des architectes, et les autres qui se rabattent sur des pavillons standard livrés clé en mains, qui ne sont forcément adaptés à leurs besoins.
Malheureusement, le projet d'abaissement du seuil nous a fait passer pour d'affreux corporatistes. Nous avons été l'objet de déclarations guerrières de la part des représentants des professionnels que nous côtoyons tous les jours. Sur le terrain d'ailleurs, les discours sont loin d'être aussi vindicatifs que derrière des tribunes ou les micros.
Les opposants à cette réforme rétorquent souvent que les architectes ne sont pas intéressés par le marché de la maison individuelle.
Nous entendons bien leur démontrer le contraire en révélant un architecte de proximité, accessible économiquement.
Car nous voulons être au coeur des préoccupations citoyennes de notre pays. Ce n'est pas un hasard si le thème de notre prochain congrès s'intitule "Des bonheurs d'architecture pour tous" et si le projet lauréat de la 2e édition du Prix Citoyen lancé par l'UNSFA a fait l'unanimité du jury avec un projet particulièrement humble. Le prix sera décerné ce vendredi 18 octobre lors du congrès.
Il y a quelques signes alarmants dans le budget 2003 du gouvernement, et pas seulement dans celui de la Culture. On constate que lorsqu'il y a des économies à faire, on pense tout de suite aux professions de l'intellect.
C'est en tout cas notre première impression, qui se vérifie avec la baisse historique du budget de la Culture. Or, une société qui n'investit plus dans la culture, la recherche, l'éducation est une société qui se saborde.
Il semblerait toutefois que le gouvernement veuille faire une meilleure utilisation des crédits. Et pourquoi pas, après tout, c'est ce que l'on fait tous les jours dans nos agences !
Ce qui nous inquiète davantage, c'est que face à des besoins urgents dans les domaines de la justice et la sécurité intérieure, le gouvernement ait proposé, dans deux projets de loi en discussion au Parlement, de déroger à plusieurs dispositions inscrites dans la loi MOP ou dans le code des marchés publics.
Pourquoi pas : on peut considérer qu'en raison d'une certaine urgence, cette procédure exceptionnelle peut s'appliquer. Mais que l'on ne nous fasse pas le coup de l'urgence chaque fois ! Car ces procédures réduisent sensiblement le rôle des tiers indépendants, la maîtrise d'oeuvre, avec tous les risques et les dérives que cela comporte. Nous avons d'ailleurs écrit aux ministres concernés pour que la loi limite à deux ans le droit de recourir à ces procédures dérogatoires et que l'on inscrive l'obligation d'engager tout de suite la programmation des prochaines années afin de que leur réalisation se fasse dans les procédures de droit commun.
Il se peut toutefois que ce soit un choix de société. Mais dans ce cas, que les choses soient dites clairement car ces premiers signes du gouvernement nous semblent à l'antithèse du concept de développement durable prôné par Jacques Chirac.
Or l'architecture est un élément central dans le développement durable. Et en matière d'architecture, que veut faire la France ? C'est un vrai choix de société. Nous attendons donc du gouvernement une déclaration de politique générale sur sa vision en la matière ou ses projets pour arriver à cette qualité dans la fabrication de la ville.
Une déclaration qui pourrait éventuellement déboucher sur réforme de la loi sur l'architecture ?
Entre autres, mais pour revenir à cette réforme, je pense qu'il faut prendre le problème à la base en se posant la question suivante : pourquoi faut-il avoir recours à un architecte ?
Car je rappelle que l'architecte ayant - de part la loi de 77- la charge de défendre l'intérêt public, nous sommes là pour conjuguer des intérêts qui peuvent être forts différents.
En Allemagne, on compte quelque 90.000 architectes, mais on ne se pose pas la question de savoir s'ils sont trop nombreux. En France, force est de constater que les architectes n'ont pas réussi à s'imposer et nous y sommes sans doute pour quelque chose.
Ainsi, lorsque l'on a un problème avec sa voiture, on va voir un garagiste. Lorsque que l'on a un problème de santé, on va voir un médecin. Lorsque l'on a un problème avec sa maison, on va voir tout le monde et éventuellement l'architecte. Pourquoi ? Essentiellement parce que l'on continue de parler de "surcoût architectural".
Il est assez extraordinaire, qu'en France, l'architecte soit tout de suite associé à un surcoût, alors qu'ailleurs, il est plutôt synonyme de qualité du cadre de vie. L'éducation, qui ne fait aucune place à l'architecture, y est certainement pour quelque chose. Il faut, dès le plus jeune âge, mettre les Français en appétit d'architecture pour élever leur niveau d'exigence pour un meilleur cadre de vie, facteur de paix sociale.
Il faut également apprendre à raisonner et à pratiquer le "vrai" coût global, qui doit inclure l'exploitation, la maintenance, la destruction mais aussi des coûts humains et sociaux comme le mal de vivre. Si cette notion est acceptée par la profession et les clients, nous pourrons mettre en place un système vertueux et tous les acteurs de l'acte de construire seront rémunérés comme il se doit.
Pensez-vous que l'abaissement du seuil du SHON - qui était l'un des principaux points du projet de réforme de Catherine Tasca - soit une bonne solution ?
C'est en tout cas une des solutions, mais certainement pas la solution unique.
Il y a des choses bien plus graves que l'abaissement du seuil : ainsi, certaines directives européennes pourraient autoriser, seuil ou pas seuil des "techniciens" sans aucune formation architecturale à pratiquer l'architecture
Mais pour en revenir à votre question, il y a d'autres moyens : par exemple le renforcement du rôle des CAUE ou le fait, pourquoi pas, qu'un élu décide, après débat public, de faire intervenir l'architecte dès le 1er mètre carré.
Le problème est que la loi de 1977 - qui est un bon texte sur le fond - n'est pas respectée. Le législateur a placé un seuil à 170 m2 en prévoyant qu'en deçà, les CAUE font office de conseil. Or, aujourd'hui, les CAUE ne jouent plus leur rôle et nous ne pouvons que constater, qu'en matière de construction, il existe une France à deux vitesses, ceux qui font construire des maisons "sur mesure" et qui, du coup, bénéficient du conseil et du savoir-faire des architectes, et les autres qui se rabattent sur des pavillons standard livrés clé en mains, qui ne sont forcément adaptés à leurs besoins.
Malheureusement, le projet d'abaissement du seuil nous a fait passer pour d'affreux corporatistes. Nous avons été l'objet de déclarations guerrières de la part des représentants des professionnels que nous côtoyons tous les jours. Sur le terrain d'ailleurs, les discours sont loin d'être aussi vindicatifs que derrière des tribunes ou les micros.
Les opposants à cette réforme rétorquent souvent que les architectes ne sont pas intéressés par le marché de la maison individuelle.
Nous entendons bien leur démontrer le contraire en révélant un architecte de proximité, accessible économiquement.
Car nous voulons être au coeur des préoccupations citoyennes de notre pays. Ce n'est pas un hasard si le thème de notre prochain congrès s'intitule "Des bonheurs d'architecture pour tous" et si le projet lauréat de la 2e édition du Prix Citoyen lancé par l'UNSFA a fait l'unanimité du jury avec un projet particulièrement humble. Le prix sera décerné ce vendredi 18 octobre lors du congrès.