La floraison actuelle des gratte-ciels dans le centre de Tokyo est trompeuse: l'industrie japonaise du BTP, ployant sur les dettes, massivement surcapacitaire, devrait connaître en 2003 une année terrible.
Sur les sites de Shiodome, Shinagawa, Roppongi, Marunouchi, les tours sortent de terre comme pousses de bambou au printemps et seront mises sur le marché l'an prochain.
"Le taux d'inoccupation des bureaux devrait monter à plus de 7% en 2003 et inévitablement, les loyers vont baisser", prédit Toshihiko Okino, analyste senior chez UBS Warburg.
"Cela va affaiblir l'équation offre/demande et décourager les entreprises de passer de nouvelles commandes dans les années à venir", explique son homologue de ING Barings, Mark Brown.
S'agissant des condominiums, immeubles d'habitation où logent une proportion croissante de Tokyoïtes, la situation n'est pas meilleure. Il y actuellement 10.000 unités invendues sur la région du grand Tokyo, et en banlieue "la commercialisation va de mal en pis", ajoute M. Okino.
En outre, la politique de limitation des dépenses publiques du gouvernement Koizumi annonce une disette pour les travaux d'infrastructure. Au total, estime M. Okino, "la demande devrait chuter de 4 à 5 % par an au cours des 4 ou 5 prochaines années".
En bonne logique capitaliste, de telles perspectives conduiraient à une réduction drastique des capacités et un fort mouvement de concentration. Mais pas au Japon, où le secteur du BTP pèse plus lourd dans le PIB, emploie plus de salariés et jouit d'une plus grande influence politique que dans aucun autre pays industrialisé.
Ce n'est pas que l'industrie japonaise manque de 'canards boiteux'. Toshihiko Okino souligne que "19 sociétés de BTP ont vu le cours de leur action chuter en dessous de 100 yens", zone souvent qualifiée de "couloir de la mort" des sociétés cotées nipponnes.
"La disparition simultanée de ces entreprises réduirait de 36% les surcapacités de l'industrie", estime-t-il. Mais elle provoquerait une hausse de 0,6% du taux de chômage, déjà sur des sommets historiques.
En outre, la dette bancaire cumulée de ces "morts-vivants" représente 4.300 milliards de yens (38 mds d'euros). "Je doute de la capacité des banques à provisionner en une seule fois un tel montant", commente l'analyste d'UBS Warburg.
Conclusion: "Ce serait commettre un suicide politique pour le Parti Libéral Démocratique de laisser tomber en faillite un grand nombre d'entreprises du BTP", dit-il. Les 550.000 entreprises du secteur ont la réputation de fournir électeurs et soutien financier aux conservateurs au pouvoir.
Faillite ne signifie pas élimination. La société Muramoto avait été déclarée insolvable en 1993, avec un passif de 590 mds de yen. "En fait, elle est toujours en activité", relève Mark Brown.
Compte-tenu du bilan financier sinistré du secteur, les défaillances sont remarquablement peu fréquentes. Mark Brown a analysé en détail les comptes des onze principaux "canards boiteux" cotés en bourse, dont deux seulement, Aoki et Sato Kogyo, ont recherché récemment la protection de la législation sur les faillites.
Leurs dettes cumulées, 3.988 mds de yen, excédent largement le montant annuel des commandes reçues, 3.433 mds. Elles doivent leur survie à une raison essentielle: la volonté des banques créancières, encouragées par les pouvoirs publics, de leur accorder des annulations de créances, pour la bagatelle de 2.293 mds!
Ces dettes sont pour l'essentiel liées à des terrains vacants que les entreprises ont acheté au plus fort de la spéculation des années 80 en comptant ensuite les revendre construits. Mais, explique M. Okino, "les terrains détenus par ces entreprises ont une valeur de reprise voisine de zéro". De ce fait, "une annulation de créance de 40% n'a aucun sens, j'ai toujours le sentiment que les mesures sont insuffisantes", dit-il.
Les banques ont tout juste permis à ces débiteurs de garder la tête hors de l'eau. Comme les fonds propres de l'industrie ont aussi baissé, le ratio d'endettement des principales entreprises du BTP s'est envolé, aujourd'hui voisin de 300%, selon les chiffres d'ING Barings.
Le défaut majeur de ce refus de la "destruction créatrice" qui se manifeste dans tous les secteurs protégés de l'économie nipponne est d'empêcher les entreprises bien portantes de restructurer radicalement l'industrie du BTP.
Sur le total des commandes passées aux 50 premières entreprises, la part obtenue par celles qui sont jugées en bonne santé (Taisei, Obayashi, Shimizu, Kajima, Nishimatsu, Maeda, Okumura, Toda et Penta Ocean) n'a retrouvé qu'en 2001 (avec 46%) le niveau de 1992, après être tombée à 38% en 1994. Là aussi, une "décennie perdue".
Pourtant, le BTP est une activité flexible, souligne Mark Brown. "Si la volonté existe, le moyen de réduire les capacités est là. Mais on peut se demander si cette volonté existe".
"Le taux d'inoccupation des bureaux devrait monter à plus de 7% en 2003 et inévitablement, les loyers vont baisser", prédit Toshihiko Okino, analyste senior chez UBS Warburg.
"Cela va affaiblir l'équation offre/demande et décourager les entreprises de passer de nouvelles commandes dans les années à venir", explique son homologue de ING Barings, Mark Brown.
S'agissant des condominiums, immeubles d'habitation où logent une proportion croissante de Tokyoïtes, la situation n'est pas meilleure. Il y actuellement 10.000 unités invendues sur la région du grand Tokyo, et en banlieue "la commercialisation va de mal en pis", ajoute M. Okino.
En outre, la politique de limitation des dépenses publiques du gouvernement Koizumi annonce une disette pour les travaux d'infrastructure. Au total, estime M. Okino, "la demande devrait chuter de 4 à 5 % par an au cours des 4 ou 5 prochaines années".
En bonne logique capitaliste, de telles perspectives conduiraient à une réduction drastique des capacités et un fort mouvement de concentration. Mais pas au Japon, où le secteur du BTP pèse plus lourd dans le PIB, emploie plus de salariés et jouit d'une plus grande influence politique que dans aucun autre pays industrialisé.
Ce n'est pas que l'industrie japonaise manque de 'canards boiteux'. Toshihiko Okino souligne que "19 sociétés de BTP ont vu le cours de leur action chuter en dessous de 100 yens", zone souvent qualifiée de "couloir de la mort" des sociétés cotées nipponnes.
"La disparition simultanée de ces entreprises réduirait de 36% les surcapacités de l'industrie", estime-t-il. Mais elle provoquerait une hausse de 0,6% du taux de chômage, déjà sur des sommets historiques.
En outre, la dette bancaire cumulée de ces "morts-vivants" représente 4.300 milliards de yens (38 mds d'euros). "Je doute de la capacité des banques à provisionner en une seule fois un tel montant", commente l'analyste d'UBS Warburg.
Conclusion: "Ce serait commettre un suicide politique pour le Parti Libéral Démocratique de laisser tomber en faillite un grand nombre d'entreprises du BTP", dit-il. Les 550.000 entreprises du secteur ont la réputation de fournir électeurs et soutien financier aux conservateurs au pouvoir.
Faillite ne signifie pas élimination. La société Muramoto avait été déclarée insolvable en 1993, avec un passif de 590 mds de yen. "En fait, elle est toujours en activité", relève Mark Brown.
Compte-tenu du bilan financier sinistré du secteur, les défaillances sont remarquablement peu fréquentes. Mark Brown a analysé en détail les comptes des onze principaux "canards boiteux" cotés en bourse, dont deux seulement, Aoki et Sato Kogyo, ont recherché récemment la protection de la législation sur les faillites.
Leurs dettes cumulées, 3.988 mds de yen, excédent largement le montant annuel des commandes reçues, 3.433 mds. Elles doivent leur survie à une raison essentielle: la volonté des banques créancières, encouragées par les pouvoirs publics, de leur accorder des annulations de créances, pour la bagatelle de 2.293 mds!
Ces dettes sont pour l'essentiel liées à des terrains vacants que les entreprises ont acheté au plus fort de la spéculation des années 80 en comptant ensuite les revendre construits. Mais, explique M. Okino, "les terrains détenus par ces entreprises ont une valeur de reprise voisine de zéro". De ce fait, "une annulation de créance de 40% n'a aucun sens, j'ai toujours le sentiment que les mesures sont insuffisantes", dit-il.
Les banques ont tout juste permis à ces débiteurs de garder la tête hors de l'eau. Comme les fonds propres de l'industrie ont aussi baissé, le ratio d'endettement des principales entreprises du BTP s'est envolé, aujourd'hui voisin de 300%, selon les chiffres d'ING Barings.
Le défaut majeur de ce refus de la "destruction créatrice" qui se manifeste dans tous les secteurs protégés de l'économie nipponne est d'empêcher les entreprises bien portantes de restructurer radicalement l'industrie du BTP.
Sur le total des commandes passées aux 50 premières entreprises, la part obtenue par celles qui sont jugées en bonne santé (Taisei, Obayashi, Shimizu, Kajima, Nishimatsu, Maeda, Okumura, Toda et Penta Ocean) n'a retrouvé qu'en 2001 (avec 46%) le niveau de 1992, après être tombée à 38% en 1994. Là aussi, une "décennie perdue".
Pourtant, le BTP est une activité flexible, souligne Mark Brown. "Si la volonté existe, le moyen de réduire les capacités est là. Mais on peut se demander si cette volonté existe".