ENTRETIEN. Les professionnels de la filière photovoltaïque, réunis au sein du syndicat Enerplan, se félicitent de la version mise en consultation de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE). Pour autant, ils attendent à présent des actes de la part des pouvoirs publics, pour s'assurer de l'atteinte de ces objectifs.
Alors que le projet définitif de Programmation pluriannuelle de l'énergie est en consultation publique jusqu'au 19 février 2020, de quelle manière les professionnels de la filière solaire le jugent-ils ? "La PPE préliminaire publiée début 2019 correspondait, à peu de choses près, à ce que nous avions proposé", explique à Batiactu Daniel Bour, président d'Enerplan, le syndicat des professionnels de l'énergie solaire. Il espère toutefois que ces objectifs ambitieux seront accompagnés des mesures réglementaires nécessaires à leur atteinte, ainsi que du lancement d'appels d'offres à la mesure du défi. "Le démarrage est bon, mais nous risquons de manquer de volume après 2023", justifie Daniel Bour.
La durée d'instruction des permis de construire
Quelles évolutions réglementaires devraient voir le jour pour libérer encore plus le marché ? "Nous demandons de la cohérence à court terme. Si nous donnons autant d'importance aux centrales au sol, il faudrait que la délivrance des permis de construire suive." Ce n'est pas forcément à cause de trop nombreux recours que les permis ne viennent pas : mais surtout à cause de la durée d'instruction, qui passe par la tenue de multiples commissions.
Un deuxième point réglementaire devrait être levé, selon Enerplan : les critères d'éligibilité des terrains, définis par la commission de régulation de l'énergie, seraient "trop limitatifs", assure Daniel Bour. L'objectif fixé par la PPE est ainsi de 2GW par an pour les centrales au sol. "Cela représente 2.500 hectares par an. Pour ces 2.500, nous souhaitons élargir la base d'éligibilité, tout en gardant les terrains remarquables, agricoles", explique Daniel Bour, qui en appelle à avoir une discussion "franche" sur la question des terrains. "Nous sommes par exemple exclus des zones où il n'y a pas de PLU", regrette Daniel Bour. "De nombreuses communes rurales n'en disposent pas, il est donc impossible d'y installer du photovoltaïque."
Augmenter le seuil d'appels d'offres pour libérer le marché
En matière de panneaux sur toiture, Enerplan souhaite faire monter le seuil de 100 à 500kW. "Les appels d'offres tels qu'ils existent aujourd'hui, sur ce segment, sont peu souscrits", déplore-t-il. La faute notamment aux contraintes réglementaires.
"Nous ne voulons pas être pris dans la nasse du plan 'zéro artificialisation nette'"
Enerplan ne souhaite d'ailleurs pas que l'utilisation de terrain pour installer des centrales au sol soit confondue avec l'artificialisation des sols : "On ne bétonne pas, la diversité persiste, la faune et la flore demeurent en grande partie." L'organisation syndicale précise également que contrairement à certaines idées reçues la reconversion de friches industrielle et militaire ne suffira pas à atteindre les objectifs. "Nous ne voulons pas être pris dans la nasse du plan 'zéro artificialisation nette'", résume Daniel Bour.
Au contraire, le photovoltaïque pourrait être un moyen d'amener des revenus aux agriculteurs. "Pourquoi ne pas louer des zones peu favorisées, des terrains agricoles abandonnés, pour y installer des panneaux ?", demande Daniel Bour.
Autant de sujets à aborder rapidement avec les pouvoirs publics, dans la mesure où un projet photovoltaïque met en moyenne "quatre ans" pour devenir réalité.
Le syndicat Enerplan avait signé la lettre ouverte au Premier ministre contestant certains arbitrages étatiques pris en amont de la réglementation environnementale 2020 (RE2020). L'État a ainsi décidé d'abaisser le coefficient d'énrgie primaire (Cep) de l'électricité de 2,58 à 2,3. "Or, l'électricité réinjectée dans le réseau, dans le moteur de calcul, a un Cep de seulement 1 ; nous souhaitons que celui-ci soit également placé à 2,3", nous explique Richard Loyen, délégué général d'Enerplan. "En adoptant un coefficient inférieur, on dévalorise le photovoltaïque in situ", assure-t-il.