Dans un rapport publié ce vendredi, la Chambre régionale des comptes (CRC), a pointé du doigt l'engrenage qui a conduit à une multiplication par trois du budget initial de la Philharmonie de Paris, imaginée par Jean Nouvel. Un ouvrage finalement estimé à 534,7 millions d'euros (valeur 2015).
Encore une mauvaise note pour la Philharmonie de Paris, imaginée par Jean Nouvel, prix Pritzker 2008. Ce bâtiment, vaisseau amiral de la culture, situé dans le 19ème arrondissement de Paris, a finalement coûté trois fois plus cher que l'enveloppe initiale du projet, et surtout à la Ville de Paris, signale un rapport publié, vendredi 23 septembre, par la Chambre régionale des comptes (CRC) d'Ile-de-France.
Cette grande salle symphonique, dotée d'un auditorium de 2.400 places, ouverte à toutes les musiques, est née de la volonté commune de la Ville et de l'État. Son coût est cependant passé de 173,1 millions d'euros pour son "préprogramme" en 2006 à 534,7 millions (valeur 2015), d'après le calcul de la Chambre.
Cette dernière estime que le déroulement de toute l'opération et les choix de gestion l'ayant accompagnée ont été "générateurs de coûts importants", notamment pour la Ville de Paris et l'État.
Une "dérive des coûts et des délais" des travaux
La Région Île-de-France s'est pour sa part "tenue à l'enveloppe" de 20 millions dédiée au projet, écrit le rapport. Sans compter que les experts de la Chambre pointe une "dérive des coûts et des délais" des travaux, notant ses réévaluations successives.
Par ailleurs, la CRC, estime que la Ville de Paris "a retenu un mode de financement de cette opération peu adapté" à ce type d'investissement, une décision qui lui a coûté entre 20 et 25 millions d'euros. Il s'agissait de garantir un emprunt obligataire souscrit par une association montée pour porter le projet, à qui la Ville remboursait les échéances sous forme de subventions. En empruntant directement, comme a fait l'État pour payer sa part, la Ville aurait obtenu de meilleurs taux, ajoute la Chambre.
Au final, le coût aura été, pour la Ville de Paris, de 234,5 millions d'euros, contre 158 millions d'euros initialement prévus, ajoute le rapport. La Chambre note par ailleurs que le premier véritable débat au sujet de cette opération n'a eu lieu, en Conseil de Paris, qu'en mars 2011 "alors même que l'adhésion de la Ville était actée depuis 2006".
Vers un réaménagement des taux voté au Conseil de Paris cette semaine
Parallèlement à la publication de ce rapport, la Ville a fait savoir qu'un vote aurait lieu ces jours-ci en Conseil de Paris pour acter un "réaménagement des taux" avec la banque la Société générale, qui ferait économiser 4,350 millions d'euros à la Ville.
Bataille de chiffres ?
Rappelons que la construction de ce complexe musical et de sa salle de concert à l'acoustique inédite, était estimée au moment du concours en avril 2007, à 118 millions d'euros; 208 millions d'euros en études d'avant-projet sommaire (APS) en décembre 2007. "En parallèle le maître d'ouvrage la Philharmonie de Paris transmet à ses tutelles, notamment à Bercy, une estimation à 138 millions d'euros", nous avait signalé, en juin dernier, une source proche du dossier. L'équipement aura alors coûté, officiellement, 386,5 millions d'euros en 2015.
De son côté, la Philharmonie avançait la décomposition suivante en juin 2015 : "130 millions d'euros de coût de construction de base (en 2007) ; 74 millions d'euros d'honoraires (dont environ 20 millions d'euros pour la maîtrise d'œuvre) ; 30 millions d'euros de premier équipement ; 62 millions d'euros liés à l'inflation et au calendrier réclamés en 2009 ; 40 millions d'euros liés à des choix stratégiques (réclamés en 2009) ; 35 millions d'euros liés à des révisions de prix (réclamés en 2012) et enfin 10 millions d'euros liés à des aléas (réclamés en 2012)."
"Une fausse estimation du prix"
En juin 2015, la maîtrise d'œuvre, les Ateliers Jean Nouvel et l'agence Métra & Associés, chargée elle de la création et de l'exécution de la salle de concert, se défendaient en nous expliquant qu'"il y a eu dès le départ, lors du concours, une fausse estimation du prix, dont le but était de faire passer le projet à Bercy."