La petite musique de la semaine : vous avez dit "il y a le feu" ?

 

 

Le nouveau ministre chargé du Logement, Guillaume Kasbarian, nommé il y a seulement cinq semaines, entend la comptine "Au feu les pompiers, la maison qui brûle" se répéter en boucle tout autour de lui, depuis les promoteurs aux constructeurs, en passant par les bailleurs sociaux, les associations combattant le mal-logement et les acteurs de l'immobilier... Il y a urgence ! Montrer sa détermination - et personne ne la remet en cause - ne suffit pas : peut-il arriver à s'imposer, qui plus est en période de restriction budgétaire ? Espérons qu'il ne soit pas un énième héritier de la valse des ministres précédents, dans une mandature où le mot Logement a dû mal à s'imposer au plus haut sommet de l'État.

 

Imagine... une nouvelle politique du logement

 

Après le lancement des 22 "Territoires engagés pour le logement", la priorité est donnée cette semaine au logement intermédiaire pour les classes moyennes : appel aux financements privés et pacte spécifique pour en construire 75.000 sur trois ans. Tout en croisant les doigts pour que le contexte économique puisse quand même apporter certaines respirations sur le front immobilier, comme l'assouplissement des règles de l'HCSF... N'oublions pas les passages au Parlement du projet de loi sur l'habitat dégradé et de la proposition de loi sur la transformation de bureaux en logements, tandis que de nouvelles mesures de simplification sont mises sur la table ou sont censées être détaillées plus concrètement... Une politique tous azimuts, résumée en une phrase par Bruno Le Maire, le ministre de l'économie, lors d'une conférence de presse commune : "nous inventons une nouvelle politique du logement."

 

Mais inventer prend du temps et le compte n'y est pas. Ce fameux "choc d'offres" énoncé - rappelant le programme présidentiel de 2017 - ne doit pas faire oublier un "choc de la demande" également à rechercher, rappellent en cœur les acteurs de terrain : il faudrait construire pas moins de 500.000 logements par an tandis que 2,6 millions de personnes attendent encore un logement social... Et intermédiaire n'est pas social, ce qui explique pourquoi un organisme comme la fédération des OPH a refusé de signer le pacte LLI et surtout, que l'USH lance un appel à ne pas déshabiller la loi SRU en y incluant ces fameux logements intermédiaires. "Don't stop me now" pourrait être le refrain entonné par ces acteurs remontés : il faut agir sur tous les fronts, dans un "en même temps" salutaire, en construisant et rénovant pour tous.

 

"La crise que le logement traverse aujourd'hui dans notre pays appelle d'autres réponses, d'autres combats que la remise en cause de ce qui fonctionne. Les quelques maires qui, sciemment, se situent en dehors de la loi en n'assumant pas leurs responsabilités vis-à-vis de la cohésion nationale, ne méritent certainement pas un tel cadeau", Emmanuelle Cosse sur la loi SRU, 20 mars 2024.

 

Pour l'instant pourtant, la politique du gouvernement s'apparente à aller chercher des solutions encore bancales pour certains ("avec les dents" pour reprendre les mots de Gabriel Attal ?) du côté de la dérogation ou de l'exception aux règles. Et de revenir sur des mesures prises pour simplifier l'empilement administratif et normatif (DPE, MPR, RGE, ZAN, etc.)... qui finalement nous inflige un "ça s'en va et ça revient" perturbant et finalement assez complexe à suivre.

 

Claude, Clara et Max

 

En attendant, d'ici quatre ans, les conséquences de la hausse du niveau de la mer sur les littoraux français pourraient être colossales, nous apprend le Cerema. "Que se passe-t-il ? J'y comprends rien / Y avait une ville / Et y a plus rien" s'inquiétait Claude Nougaro : pour l'organisme, les impacts économiques, sociaux et environnementaux atteindraient leur paroxysme aux échéances 2050 et 2100. Urgence, vous avez dit urgence ?

 

Heureusement, nous rassurent la Fondation Abbé Pierre et la Fondation pour la Nature et l'Homme, l'objectif Zéro artificialisation nette (ZAN) ne doit pas être vue comme un frein, mais une possible opportunité face à la crise du logement. Après avoir interrogé de nombreux experts et 16 collectivités territoriales, les deux ONG estiment en effet qu'il est possible de réduire à la fois l'artificialisation des sols et les inégalités sociales. Tout est question de méthodes.

 

C'est le Printemps

 

Ne pas opposer les politiques. Continuer à développer un logement sain et de qualité, dans le respect de la nature et de l'environnement, pour répondre à toutes les urgences économiques, sociales et environnementales... Vous avez dit "en même temps" ? C'est possible. Le feu peut aussi, être le signe du renouveau comme nous le dit Clara Ysé dans sa chanson Pyromanes. Et vous savez quoi ? C'est le printemps ! Gardons donc espoir et finissons sur Spring de Max Richter.

 

 

*Débat lors de l'émission France Grand Format, "Immobilier, Logement, la loi de la jungle ?", France 2, 19 mars 2024.