Une "petite maison de famille" signée Wogenscky (diaporama)

 

André Wogenscky l'ayant entièrement conçue lui-même, juste après s'être séparé de Le Corbusier dont il avait successivement été l'élève, l'assistant, le chef d'atelier et l'adjoint, elle fait figure de manifeste. S'il a tenu à ce qu'elle respecte l'esthétique du mouvement moderne, il a aussi souhaité qu'elle véhicule ses convictions personnelles.

"Que la maison soit vécue physiquement"

"Pour lui, raconte Pierre Lagard, architecte qui fut son bras droit, l'acte d'habiter devait, avant tout et surtout, être vécu comme un acte physique. Dans toutes ses réalisations, poursuit-il, il s'est ainsi toujours évertué à placer l'homme au cœur du processus de conception". Une préoccupation matérialisée dans la maison puisqu'au lieu d'avoir à franchir une porte pour entrer dans le bâtiment ou en sortir, l'occupant doit emprunter un étroit passage qui l'oblige à se mettre de profil et, par conséquent, à frôler les murs. De même, grâce à la présence d'ouvertures secrètes habilement dissimulées dans les murs, il peut rester en contact permanent avec les autres pièces. De petits détails certes, mais qui font qu'au final, l'occupant arrive à entretenir une relation presque charnelle avec le bâtiment, tout en imposant sa présence partout.

 

Il n'en reste pas moins que, lorsque l'on regarde la maison, la filiation avec Le Corbusier est évidente. Les pilotis, les façades rythmées par de la couleur et de larges bandes vitrées, la double hauteur, les volumes imbriquées les uns dans les autres, le toit terrasse... Les points communs sont nombreux avec les bâtiments conçus par l'instigateur du mouvement moderne. "Les idées de Wogenscky étaient très proches de celle de Le Corbusier, cela lui a d'ailleurs valu d'être souvent présenté comme son fils spirituel mais, en même temps, il a toujours évité de faire des rappels formels à son architecture", confirme Pierre Lagard avant d'inviter à découvrir la maison.

Une esthétique radicale

Cette dernière se dresse sur la partie haute d'un vaste terrain boisé où trônent, éparpillées, quelques sculptures de Marta Pan. Du fait de sa position dominante, elle n'est pas visible immédiatement depuis le portail, mais se laisse découvrir au fur et à mesure de la montée.

 

L'entrée se fait par l'arrière. Etant située sous une partie sur pilotis, elle se retrouve ainsi protégée en cas d'intempéries. A l'intérieur, le temps semble s'être arrêté : le mobilier et les accessoires de décoration sont encore là mais, plus surprenant, ils sont encore tous en parfait état de conservation. Le couloir débouche sur un volume en double hauteur, presque entièrement vitré permettant à la fois d'optimiser la vue et la luminosité. L'espace est occupé à droite, par une cuisine ouverte et un salon aménagé au raz du sol et, à gauche, par un atelier spécialement installé pour Marta Pan. André Wogenscky, lui, s'était aménagé un bureau à l'étage. Le niveau supérieur abrite également deux chambres, chacune disposant de sa propre salle de bains, une pièce conçue comme des boîtes ouvertes.

 

L'ensemble présente une esthétique radicale, puisque la plupart des murs ont été laissés à l'état brut et que d'autres ont été peints en noir. Dans cet univers aux accents ternes, seules quelques pointes de rouge ressortent, une couleur qui sert de fil conducteur aux visiteurs.

 

André Wogenscky et Marta Pan vécurent dans cette maison jusqu'à leur mort. Déjà inscrite en 1997 à l'inventaire des monuments historiques, elle devrait bientôt devenir le siège d'une Fondation créée en leur hommage. Une manière d'assurer la pérennité de l'édifice, qui reste l'une des œuvres majeures de l'architecte.

 

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