RÉINVENTER PARIS. Le tribunal administratif de Paris a annulé, le 2 juillet les permis de construire de deux projets issus de l'appel à projet Réinventer Paris. Situés de part et d'autre de l'avenue de la Porte des Ternes, dans le 17ème arrondissement, ils prévoyaient des bâtiments iconiques enjambant le périphérique.

Désignés lauréats de l'appel à projets Réinventer Paris en décembre 2016, les projets Mille arbres et Ville multi-strates prévoient la construction de bâtiments mixtes d'habitation, de bureaux, de commerces et de services, dont une crèche, sur des dalles recouvrant le boulevard périphérique, à proximité de la porte Maillot. Ils sont portés, pour le premier, par la Compagnie de Phalsbourg et, pour le second, par BNP Paribas Real Estate, qui ont déposé et obtenu chacun leur permis de construire courant 2019. Saisi notamment par les associations Les amis de la Terre et France Nature Environnement, le tribunal a estimé, dans deux jugements, que ces projets étaient "de nature à porter atteinte à la salubrité publique" et a annulé les permis de construire accordés par la maire de Paris.

 

Le tribunal a d'abord observé, sur la base des données des études d'impact, que le site de construction était déjà surexposé à la pollution atmosphérique liée à la circulation automobile sur le boulevard périphérique, où les taux de dioxyde d'azote et de particules fines sont supérieurs aux seuils règlementaires et aux recommandations de l'Organisation mondiale de la santé. D'autant que "le recouvrement de cet axe de circulation, afin de permettre l'édification des futurs bâtiments, aurait pour effet d'accroître les concentrations de polluants aux entrées et sorties du futur tunnel, où se situent plusieurs zones d'habitation dans les rues adjacentes".

 

Mille arbres, un projet titanesque
Le projet Mille arbres est né de l'association des architectes Sou Fujimoto et Manal Rachdi/Oxo Architectes, et des promoteurs Ogic et la Compagnie de Phalsbourg. Présenté au concours Réinventer Paris, il s'est notamment distingué par son gigantisme et son originalité. A une époque où les villes se dotent de tours plus hautes les unes que les autres, il fallait "oser un autre modèle de développement urbain [en] plantant 1.000 arbres ici, au-dessus du périphérique", note Philippe Journo, président de la Compagnie de Phalsbourg.

 

Les concepteurs ont imaginé un immeuble-ville ou immeuble-pont, un projet hybride dont les programmes se superposent, grâce aussi à la forme inédite de l'édifice en pyramide inversée. Ici, l'on trouve pêle-mêle, un parc, des logements, des bureaux, un hôtel, des espaces partagés, une gare routière, un pôle dédié aux enfants et même une "rue gourmande", le tout enveloppé de nature. Ce projet de "village flottant", selon les termes de Sou Fujimoto, comprend donc un parc, au rez-de-chaussée - qui accueillera une Maison de la biodiversité (gérée par la Ligue de protection des oiseaux) et une Maison du jardinier. Ce parc sera en accès public et symbole d'un écosystème préservé. Autour, les bâtiments abriteront des logements mixtes, au nombre de 127 (en accession, sociaux et intermédiaires), petites et grandes surfaces s'adossant judicieusement afin de pouvoir moduler les espaces, soit en regroupant, soit en les séparant.

 

Mesures compensatoires incertaines et insuffisantes

 

Si les deux projets prévoient des mesures compensatoires, a rappelé le tribunal, en particulier l'installation de murs anti-bruit et d'écrans végétaux, il a constaté que "ces mesures, conditionnées à la réalisation des deux projets, étaient de ce fait incertaines et s'avéraient, en tout cas, insuffisantes pour compenser les effets sur la santé humaine". En outre, le tribunal a estimé que les prescriptions dont la maire de Paris a assorti le permis de construire du projet Mille arbres, pour limiter les risques pour la salubrité publique et garantir une absence de dépassement des seuils règlementaires des polluants, "revêtaient un caractère général et hypothétique".

 

A cet égard, si le promoteur a produit de nouvelles études qui reposent sur des hypothèses favorables d'évolution de la qualité de l'air et présentent de nouvelles solutions de dépollution, ces éléments "n'ont pas été portés à la connaissance du public dans le cadre de l'enquête publique, ni à celle des services de la Ville de Paris dans le cadre de l'instruction de la demande de permis" et n'ont donc pas été examinés.

 

"Aucune régularisation possible" vu les éléments

 

Le tribunal a donc annulé les deux permis de construire, après avoir estimé qu'"aucune mesure de régularisation n'était possible au regard des caractéristiques des projets, de leur localisation et du niveau de pollution atmosphérique constaté à la date de délivrance des permis".

 

Les porteurs de projets devront donc déposer de nouvelles demandes de permis tenant compte de ces points, à moins qu'eux ou la Ville de Paris ne souhaitent y renoncer. Quoiqu'il en soit, les travaux n'étaient pas prévus avant la fin des Jeux olympiques de 2024, la place de la Porte Maillot étant l'un des lieux désignés pour accueillir du public, rappelle le site d'informations spécialisées Cadre de ville.

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