CRISE. La pénurie de carburant qui sévit en France touche le secteur du BTP et impacte certains chantiers. Si TotalEnergies et Esso-ExxonMobil sont prêts à négocier avec les syndicats qui bloquent des raffineries, la Première ministre a assuré que la situation allait s'améliorer ces prochains jours.
Ils veulent un plus haut salaire et n'hésitent pas à bloquer des raffineries et des dépôts de carburants. Les salariés de TotalEnergies et Esso-ExxonMobil font grève depuis une dizaine de jours, entraînant des ruptures d'approvisionnement en France. Près de 30% de stations-service connaissaient le dimanche 9 octobre 2022 à 15 heures des difficultés sur au moins un produit, selon le ministère de la Transition écologique. La situation est particulièrement tendue dans les Hauts-de-France et en Île-de-France, où respectivement 55% et 45% des stations enregistrent des ruptures de stock.
Sans surprise, cette crise "pénalise progressivement l'activité des entreprises du bâtiment", a déclaré la Fédération française du Bâtiment (FFB) dans un communiqué daté du 10 octobre. "Avec leurs salariés, elles sont prises en otage et éprouvent des difficultés à s'approvisionner en carburant." L'organisation patronale a rappelé que le secteur subissait plusieurs crises consécutives depuis deux ans, entre l'explosion des prix des matériaux et de l'énergie mais aussi des tensions d'approvisionnement de matières premières. Mais face à cette nouvelle tension, la FFB craint que cette pénurie conduise à des impossibilités de livrer sur chantier, voire que cela aboutisse "à la fermeture pure et simple de certains d'entre eux". "Si le droit de grève est un droit constitutionnel, il ne permet pas d'empêcher de travailler, de bloquer ou d'entraver la circulation et freiner l'activité des artisans et entreprises de Bâtiment", continue la fédération. Cette dernière demande au gouvernement de prendre des mesures urgentes pour rétablir la distribution normale des carburants et la possibilité d'utiliser le gasoil non routier.
Des chantiers "directement impactés"
Contactée par Batiactu, la Fédération nationale des travaux publics (FNTP) dit s'associer à tous les secteurs d'activité qui tirent la sonnette d'alarme face aux pénuries de carburants, selon les mots de son président, Bruno Cavagné. "Ces pénuries, qui touchent également le gazole non routier (GNR), impactent directement les chantiers de travaux publics. Après la crise sanitaire et dans la situation actuelle de crise énergétique et d'inflation, nos entreprises ne peuvent affronter une nouvelle désorganisation de leurs activités sans conséquence économique. Le gouvernement doit agir au plus vite."
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Même son de cloche pour la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME), qui juge qu'il "n'est pas concevable que des pénuries organisées de carburant viennent s'ajouter aux difficultés actuelles liées à l'augmentation des prix du gaz et de l'électricité". Dans un communiqué, l'organisation patronale s'inquiète, affirmant que les difficultés d'approvisionnement commencent à peser sur l'activité économique. "Un petit nombre de salariés des raffineries TotalEnergies et ExxonMobil, qui vont pourtant bénéficier d'un montant financier record au titre de la participation aux résultats exceptionnels de ces entreprises, ne peuvent, au motif de revendications salariales, menacer l'activité économique de notre pays et 'pourrir' le quotidien de millions de salariés", a-t-elle renchéri. Selon elle, si le dialogue social n'aboutit pas à une solution, "il convient que les pouvoirs publics - et en particulier les préfets - assument les responsabilités qui leur incombent en prenant les mesures, y compris juridiques, telles que des réquisitions, pour assurer le fonctionnement normal des raffineries".
Interviewé par RTL le 10 octobre, le directeur général de Saint-Gobain, Benoit Bazin, s'est voulu plus rassurant. S'il a indiqué que le groupe n'était pas encore touché par la pénurie, ce dernier reste toutefois "très attentif". "Notre activité a recours à 6.000 camions quotidiennement, délivrant 2.000 points de vente. Nous ne sommes pas inquiets, mais prudents car la situation pourrait se gripper en quelques jours. L'activité est actuellement très forte et il faut continuer de faire avancer le pays."
La situation va "s'améliorer"
Alors que tous les secteurs d'activité économique grondent, le gouvernement n'a pas tardé à réagir. "Je tiens à réaffirmer l'appel très ferme du gouvernement aux dirigeants et aux organisations syndicales de Total et d'Esso. Une issue doit être trouvée sans délai dans le cadre du dialogue social, qui doit avoir lieu au sein des entreprises", a appelé la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, le 9 octobre. Le même jour, TotalEnergies a proposé d'avancer la négociation annuelle obligatoire prévue en novembre au mois d'octobre, à la seule condition de voir les grévistes cesser au préalable le blocage des sites.
La Première ministre Élisabeth Borne, en déplacement en Algérie, s'est montrée optimiste. Elle a promis que les tensions d'approvisionnement en carburant allaient "s'améliorer tout au long de la semaine". Elle compte sur des livraisons provenant de "stocks stratégiques" français de carburants pour "alimenter les stations-service". "Ces livraisons arrivent progressivement", a-t-elle assuré. "Les mesures que nous avons prises ont permis d'augmenter les livraisons de 20% par rapport aux flux habituels."