ÉCONOMIE. Les connaissances et bonnes pratiques des dirigeants de petites entreprises en matière d'économie et de finances sont plutôt solides, selon une enquête inédite menée par la Banque de France et l'institut CSA. La pédagogie dans ce domaine doit néanmoins être accentuée.
On parle beaucoup d'économie et de finances au quotidien, mais les Français y connaissent-ils vraiment quelque chose ? En partenariat avec l'institut de sondages CSA, la Banque de France a réalisé en avril et juin derniers deux enquêtes consacrées à la culture financière des particuliers mais également, et c'est une première, des dirigeants de micro, petites et moyennes entreprises.
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Pour ce faire, un millier de chefs d'entreprises de moins de 50 salariés ont été interrogés sur la base d'un questionnaire de l'OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), avec une majorité d'entrepreneurs travaillant seul, sans salarié (75% de l'échantillon), et de patrons à la tête de sociétés employant entre 1 à 5 salariés (18%). Si le secteur des services pèse pour 56% dans le panel, la construction est aussi représentée à hauteur de 12%, constituant de fait la deuxième filière étudiée. Quant à la disparité géographique, les chefs d'entreprises de la région parisienne pèsent pour 23% dans le total, ceux de Provence-Alpes-Côte d'Azur 16% et ceux du quart Sud-Est 13%. L'échantillon sondé se compose aux trois quarts d'hommes et à un quart de femmes, qui ont entre 50 et 69 ans pour 56% d'entre eux, et entre 30 et 49 ans pour 39%.
On notera par ailleurs que 44% des patrons interrogés sont eux-mêmes des enfants de chefs d'entreprises, diplômés d'un master ou d'un doctorat pour 32% d'entre eux, ou d'une autre formation professionnelle pour 31%, ou encore avec le niveau du Baccalauréat pour 27%. Environ la moitié (47%) assure avoir déjà reçu des enseignements liés à l'économie au gré de leur cursus scolaire et universitaire ; ils sont 73% à comptabiliser plus de 10 ans d'expérience entrepreneuriale, entre 5 et 10 ans pour 17% et entre 2 et 5 ans pour 9%. Leurs entreprises sont effectivement matures puisque 62% d'entre elles existent depuis plus de 10 ans, et un peu plus de la moitié (55%) génère un chiffre d'affaires égal ou inférieur à 100.000 euros.
Lacunes sur les fonds propres
Tandis que le grand public semble posséder le même socle de connaissances et entretenir le même comportement dans leur rapport à l'argent que la moyenne des pays de l'OCDE, les patrons affichent également une certaine "solidité" en la matière. Avec un score final de 12 points sur 17, les entrepreneurs sont présentés comme "moyennement avisés" sur le plan des attitudes, autrement dit leur état d'esprit et leur position personnelle vis-à-vis des questions financières. "S'ils n'hésitent pas à solliciter les banques et investisseurs pour obtenir des financements, ils demeurent majoritairement instinctifs et insuffisamment nombreux à établir des plans financiers détaillés ou encore à se fixer des objectifs à long terme", détaille la Banque de France, citant entre autres les lacunes sur les fonds propres.
Dans leur vie quotidienne, les chefs d'entreprises se montrent cependant assez prudents : d'après les chiffres de l'enquête, 95% font bien le distinguo entre leurs comptes personnel et professionnel (détenus pour l'essentiel auprès d'établissements bancaires physiques), 73% réfléchissent à la manière de financer leur retraite et 68% affirment qu'ils appelleraient leur assurance en cas de vol, alors qu'ils ne sont qu'1 sur 2 à avoir souscrit une assurance responsabilité civile. Pour le reste, ils ont été 58% à solliciter l'aide d'un comptable ou expert-comptable ces deux dernières années, 27% celle d'un intermédiaire financier (comme une banque), 23% celle de l'entourage privé et 7% celle d'un partenaire commercial. Une majorité de répondants ont en outre indiqué que leur comptabilité était tenue par un acteur extérieur. Ils sont également 38% à avoir suivi une formation en finances des entreprises mais seulement 14% une formation en finances personnelles.
40% des entreprises auraient été confrontées à un manque de rentrées d'argent depuis le début de la pandémie
Évidemment, le Covid a eu des conséquences négatives pour la plupart des entreprises sondées (tous secteur confondus), un impact "particulièrement fort sur les bénéfices et le chiffre d'affaires" ainsi que sur l'endettement? parallèlement à "une part croissance du télétravail", à l'exception du BTP. Avant le premier confinement sanitaire, plus d'1 dirigeant sur 2 jugeait le niveau d'endettement de sa société faible, et à l'inverse le niveau de liquidités et de fonds propres de son entreprise moyen, voire élevé. L'utilisation du numérique, souvent présentée comme l'une des solutions à la crise sanitaire, varie très fortement d'un secteur d'activité à l'autre. En lien direct avec le Covid et l'explosion des cyberattaques, les entrepreneurs disent aussi accorder une grande importance à la protection et à la confidentialité des données de leurs entreprises, mais s'avèrent un peu moins sensibles aux questions sociales et environnementales.
Depuis mars 2020, 46% des chefs d'entreprises se sont dotés d'un site Internet présentant les produits et services de leurs sociétés (43% avant le Covid), et 28% pour les vendre (25% avant la pandémie). Sur le plan de la trésorerie, pas moins de 40% des entreprises auraient été confrontées à un manque de rentrées d'argent depuis le début de la pandémie. "Dans cette situation, elles ont avant tout réduit les coûts d'exploitation (38%) puis utilisé les liquidités disponibles (37%) et enfin réduit la rémunération du propriétaire (35%)", souligne l'étude, sachant que la demande d'un crédit ou d'un délai de paiement aux fournisseurs concerne 25% des entrepreneurs interrogés, qui sont aussi 26% à avoir demandé un nouveau prêt bancaire (accordé dans 83% des cas).
Les dispositifs de soutien mis en place par le Gouvernement ont pour leur part été largement identifiés et plébiscités : 44% des dirigeants déclarent avoir eu recours au Fonds de solidarité, 42% aux reports de charges sociales, 25% aux Prêts garantis par l'État (PGE) et 22% au chômage partiel. "Ceux qui n'ont pas eu recours au report de charges sociales ou au PGE l'expliquent essentiellement parce que ce n'était pas nécessaire pour eux. En ce qui concerne le Fonds de solidarité ou le chômage partiel, près d'un tiers de ceux qui n'y ont pas eu recours n'étaient pas admissibles", peut-on encore lire.
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Sans grande surprise, l'enquête révèle toutefois que plus la taille des entreprises est importante, plus le niveau de culture financière de leurs patrons est élevé. Ce qui souligne le besoin d'accentuer la pédagogie dispensée auprès des dirigeants de petites entreprises. Mais l'effort à prodiguer ne sera peut-être pas aussi important que cela, dans la mesure où les résultats de l'étude permettent in fine de situer la France à la 3e place du classement de l'OCDE, derrière le Brésil et la Chine mais devant l'Allemagne, l'Italie, les Pays-Bas ou encore le Portugal.