ENGAGEMENT. La journée du 31 mai fait la part belle au patrimoine : après l'inauguration ce matin du château de Voltaire rénové, Emmanuel Macron recevra ce soir à l'Elysée des personnalités engagées dans la sauvegarde des sites historiques. Hier, le Conseil des ministres a rappelé les lignes directrices de la mission Bern, dédiée à la restauration des petits et grands monuments.
Ce ne sont pas encore les Journées du patrimoine, et pourtant, l'actualité en la matière ne manque pas. Ce jeudi 31 mai, le président de la République Emmanuel Macron a inauguré dans la matinée le château rénové de Voltaire, à Ferney (Ain), et recevra ce soir à l'Elysée les personnalités engagées dans la sauvegarde du patrimoine national. Suite au Conseil des ministres du mercredi 30 mai, le gouvernement a réaffirmé sa volonté de mobiliser acteurs et moyens pour la sauvegarde des grands comme des petits monuments nationaux. Françoise Nyssen, ministre de la Culture, a présenté à cette occasion une communication gouvernementale relative au patrimoine, qui reprend les grandes lignes de la mission confiée au journaliste-animateur Stéphane Bern. Intitulée "Patrimoine en péril", cette réflexion rappelle en préambule que les sites historiques constituent "un levier de revitalisation des territoires, de développement économique et d'attractivité". La stratégie gouvernementale s'est structurée autour de quatre objectifs : entretenir et restaurer, valoriser, transmettre, et enfin construire une Europe du patrimoine.
L'argent, nerf de la guerre
A cela s'ajoute un engagement de l'exécutif à augmenter de 5%, puis à stabiliser le budget consacré aux joyaux architecturaux. A l'issue de la mission Bern, 2.000 monuments jugés "en urgence de préservation" ont été identifiés par les Français dans le cadre d'une démarche participative. Au bout du compte, ce sont 251 projets qui ont été sélectionnés comme prioritaires, et dont la quasi-totalité se situe dans des régions rurales. La diversité de ces sites est de mise, allant du patrimoine industriel aux églises en passant par des moulins ou encore des demeures de personnages célèbres. Sur ces 251 sites localisés en métropole comme en outre-mer, 18 ont été désignés "porte-drapeau". Quelques-chiffres clés méritent d'être soulignés : sur l'ensemble des projets retenus par la mission Bern, 34% relèvent du patrimoine religieux (églises, abbayes…) et 23% sont des châteaux. Les propriétaires, quant à eux, sont à 62% publics, à 25% privés et à 13% associatifs. Et sur le total des sites à restaurer en priorité, 73% bénéficient de la protection relative aux monuments historiques.
Mais dans tous les cas, c'est une fois de plus sur le plan financier que les nuages s'accumulent. Comme il le rappelait en janvier dernier à la rédaction de Batiactu, Stéphane Bern estime que "nous sommes aujourd'hui à la croisée des chemins : les dotations aux collectivités locales se réduisent, les propriétaires de patrimoine ancien n'ont plus les moyens de l'entretenir. Enfin, la dernière génération ne souhaite plus, bien souvent, reprendre ce patrimoine, notamment du fait des impôts sur la succession et des charges que cela représente. Il faut changer les mentalités". Et c'est justement l'une des missions confiées au présentateur de l'émission "Secrets d'histoire" sur France 2 : trouver de nouvelles sources de financements.
Super loto et jeu de grattage
C'est ainsi qu'un fonds incitatif pourvu de 15 millions d'euros à destination du patrimoine des petites communes à faible potentiel fiscal a été créé. Son but : favoriser, par un effet d'entraînement, la participation financière des régions aux côtés de l'Etat à des missions de restauration des sites historiques. A l'heure actuelle, 11 régions métropolitaines sur 13 ont donné leur accord pour s'associer à la rénovation de monuments appartenant à des petites communes, ce qui a déjà permis de débloquer plus de 90 projets de réfection. Le gouvernement fait d'ailleurs le lien avec le plan "Action cœur de ville" : celui-ci assure un soutien à la revitalisation des centres historiques subissant une désertification, et a débouché sur des expérimentations actuellement menées dans 17 agglomérations. "Ces enjeux sont d'autant plus importants que 500.000 emplois sont liés au secteur du patrimoine", précise Stéphane Bern. "Et il en va aussi de la revitalisation des centres-bourgs : 50% des monuments sont situés dans des communes de moins de 2.000 habitants."
Mais quid du financement de ces projets de rénovation ? La mission Bern va instaurer des jeux "Mission Patrimoine" proposés par la Française des Jeux : concrètement, le tirage d'un Super loto sera organisé le vendredi 14 septembre 2018, soit la veille des Journées européennes du patrimoine, et un jeu de grattage sera mis en vente à partir du lundi 3 septembre 2018. Par la suite, le produit de ces jeux doit servir d'accélérateur pour amorcer les travaux de restauration, sachant que les 18 sites emblématiques seront immédiatement dotés par la Fondation du patrimoine d'une somme permettant de débuter les premiers travaux. S'agissant des 251 projets dits prioritaires, ils seront financés en fonction du montant exact des recettes tirées des jeux, estimé pour l'heure entre 15 et 20 millions d'euros pour l'année 2018. Le gouvernement reconnaît toutefois que l'importance des besoins de financements (54 millions d'euros) impliquera inévitablement le recours au financement participatif ainsi qu'au mécénat des entreprises.
Une campagne de sensibilisation tous azimuts
S'ajoute à toutes ces mesures une campagne nationale de dons : intitulée "Ensemble, sauvons notre patrimoine !", cette mobilisation est initiée par la Fondation du patrimoine et offre la possibilité de réaliser des dons sur Internet. Bénéficiant des avantages fiscaux accordés au mécénat, ces dons peuvent aussi bien soutenir la mission de Stéphane Bern en général qu'un projet en particulier. De plus, une campagne d'affichage aura lieu durant toute la période estivale, tandis que des programmes courts seront présentés par le journaliste-animateur sur France 2 à compter du 3 septembre. Enfin, des supports vidéo seront publiés sur les réseaux sociaux pour renforcer davantage la sensibilisation des citoyens à ce sujet. Le ministère de la Culture précise en outre que les dons auront un effet multiplicateur sur le soutien financier des projets : dans les faits, un bonus versé sur les recettes des jeux de tirage-grattage sera attribué aux sites à restaurer en fonction du montant des dons recueillis.
Malgré tout, la rénovation avec pour seul objectif la fréquentation touristique ne constitue pas à chaque fois une fin en soi. "Il faut également réfléchir à la solution d'une deuxième vie pour ces monuments", confiait Stéphane Bern à ce sujet. "Il est possible de les transformer en lieux de coworking, de cérémonies de mariage, de tournage pour le cinéma ou la télévision, ou encore des locaux pour start-up... Tous ne sont pas destinés à devenir visitables." D'autres pistes sont donc encore à creuser dans ce vaste dossier de la sauvegarde de notre patrimoine.
D'après les informations du Figaro, ce sont 12 millions de tickets qui seront mis en vente pour le Super loto du patrimoine : à compter du 3 septembre 2018, ils seront disponibles dans plus de 30.800 points de vente. Vendus au prix (élevé) de 15 €, ils pourront néanmoins permettre à leurs acheteurs de gagner éventuellement jusqu'à 1,5 million d'euros. Par ailleurs, 1,52 € sera reversé à la Fondation du patrimoine pour chaque ticket acheté. Parallèlement, un loto unique en son genre sera organisé le vendredi 14 septembre 2018, veille des Journées du patrimoine, avec 13 millions d'euros à la clé.