Pour l'architecte Patrick Rheinert, l'adaptation du logement au vieillissement de la population passera par la mixité dans les résidences. L'un des principes fondateurs de ce concept étant l'entraide entre les résidents et les générations, pour baisser les coûts de la vie dans la résidence, notamment. Interview.

Batiactu : Pourquoi le besoin d'adapter le logement au vieillissement de la population apparait-il si fort aujourd'hui ?
Patrick Rheinert :
Un constat s'impose : en augmentant l'espérance de vie de près de 20 ans entre les années 1950 et les prévisions de 2040, qui donnent l'âge moyen de 81 ans pour les hommes et 89 ans pour les femmes, nous avons inventé une génération, pour laquelle il n'y a pas forcément de financement. On se retrouve dans une impasse, on sait très bien comment vons nos Etats, financièrement parlant. En tant qu'architecte et citoyen d'abord, je m'interroge sur ces mécanismes et je cherche des solutions pour que demain, on puisse encore vivre sereinement et confortablement.

 

Batiactu : La domotique peut-elle, selon vous, aider au maintien à domicile ?
Patrick Rheinert :
Je pense que la domotique du futur sera très bien, mais aujourd'hui il faut presque un diplôme d'ingénieur pour se servir de ces systèmes. La technique peut être au service des personnes, mais elle ne doit pas être un gadget. La technique doit nous servir pour nous faciliter la vie et nous fédérer à nouveau. On peut réfléchir à des bâtiments durables et très économes au niveau charges et entretien. A cet égard, les Eco-quartiers sont à la mode, ce qui est positif, mais j'observe que l'on commence par la technique, au lieu de mettre l'habitant au centre et de construire le quartier autour.

 

Batiactu : Quelles sont les solutions pour rester à la maison le plus longtemps possible ?
Patrick Rheinert
: Au niveau du bâti, on peut adapter les portes, et des éléments comme la salle de bains par exemple, si les personnes sont en fauteuil roulant. Mais on ne peut pas remplacer l'homme par la seule technique. Aujourd'hui, on va dans les dérives d'ajouter des couches et des couches. Notre société devrait plutôt favoriser la solidarité. Si la technique est là pour isoler les gens, ce n'est pas bien. Il faut instaurer un nouveau voisinage, en rendant agréables les lieux de rencontre pour qu'ils deviennent des lieux d'échange. Les promoteurs ont souvent donné la tache aux architectes de réduire le plus possible les parties communes, et que l'habitant de la maison de rêve ne voit pas ses voisins. Mon travail propose des espaces conviviaux, et s'interroge sur les zones de la construction de l'habitat qui ne sont pas propices au vivre ensemble. Réinventer le voisinage, ce n'est pas forcer les gens à vivre ensemble.

 

Batiactu : Pour aller vivre dans une résidence intergénérationnelle, encore faut-il que la personne accepte de quitter sa maison…
Patrick Rheinert :
On observe que la personne âgée accepte de perdre son logement, si on la replace dans son quartier où elle a ses habitudes. Il faut donc construire dans un quartier existant. J'ai souvent été surpris de voir combien de place il reste dans les villages. Il ne s'agit pas seulement de faire des logements accessibles, mais de trouver aussi des équipements pour ces personnes. Dans le Rhône, 60% des communes n'ont plus de commerce : il devient difficile de faire des courses simples telles qu'aller acheter son pain. La réciprocité, c'est aussi de faire revenir les commerces avec les différentes générations, pour retrouver un peu de services au sein des communes. Tout en évitant le 'resort' et les ghettos de personnes âgées ou de bobos. En Allemagne, l'expérience montre que cela a permis de reculer de trois ans l'arrivée en maison de retraite.

actioncl