LOGEMENT. Comment atteindre les objectifs de rénovation énergétique imposés par la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) en matière de logements collectifs ? Par une utilisation raisonnée des contrats de performance énergétique (CPE), assure le Syndicat national de l'exploitation climatisation et de la maintenance (Snec). Explications.
"La Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) actuelle nous demande de passer de 748 TWh en 2016 à 661 TWh en 2028, pour le résidentiel et le tertiaire." Pascal Roger, président de la Fédération des services énergie environnement (Fedene), a fixé le cap lors d'une conférence de presse organisée ce 19 juin 2019, à Paris. Comment atteindre cet objectif, qui exige une baisse de 12% des consommations, 87 TWh en moins, dont 51 pour le logement à lui seul ? Le Syndicat national de l'exploitation climatisation et de la maintenance (Snec), intégré à la Fedene, estime avoir une partie de la solution, en ce qui concerne les logements collectifs avec chauffage collectif.
Adapter le type de CPE à chaque type de bâtiment
Cette solution réside en trois lettres : CPE, comme contrats de performance énergétique, qui ont la particularité de garantir les résultats escomptés. Un dispositif dont on parle finalement peu, alors même qu'il est le seul à offrir une véritable sécurité sur les performances réelles. Le Snec décompte trois types de CPE : soit des CPE services (pilotage des installations, sans travaux), permettant des diminutions de consommations de 15 à 20%, soit des CPE techniques (incluant des travaux de rénovation sur les installations) pour des baisses de -25 à -35%, soit enfin des CPE rénovation globale (intervention sur le bâti, économies possibles de -40% à -60%). Ces derniers sont évidemment nettement plus onéreux, et la durée du retour sur investissement peut-être supérieure à 15 ans.
En face de ces trois types de contrats, les professionnels du Snec envisagent un parc de logements divisés lui aussi en trois parties, et associent à chacune d'entre elles un type de CPE. "Il faut une approche de la rénovation efficiente, segmentée selon les bâtiments", résume Olivier Salvat, son président. Les logements classés D et E constituent la plus large partie du parc français (64% des consommations). Sur cette cible, un CPE technique peut être la bonne solution, assurent les professionnels, avec des travaux ciblés sur les chaudières, les réseaux de chauffage, l'eau chaude.
Passoires thermiques : travaux globaux et soutien de l'État
Les "passoires thermiques", classées F et G (27% des consommations), nécessitent selon le syndicat une rénovation en profondeur (CPE global). Mais, comme ce type de travaux est cher et n'est rentable qu'à long terme, les aides de l'État doivent venir servir de levier, assure le Snec.
Quant aux logements les plus performants, classés A, B et C, le Snec milite pour un CPE services visant à "maintenir la performance du bâtiment sur la durée". "S'il n'y a pas de contrat d'exploitation, la performance énergétique se dégrade", assure le Snec.
Cette approche aurait le mérite, selon les mots du président de la Fedene, d'être fondée sur une analyse réelle de la situation, à la différence du plan de rénovation énergétique des bâtiments. "Nous ne rénoverons les habitats problématiques qu'avec de l'argent public, et cela risque de se faire en plus de dix ans, en fonction de l'argent public mis sur la table", assure Pascal Roger (Fedene). Pour le reste du parc, "faisons des rénovations techniques qui s'autofinancent", conseille-t-il.
"Nous combattons le dogme de la rénovation globale pour tous les bâtiments"
En bref, avoir une logique pragmatique plutôt que d'imposer pour certaines catégories de bâtiment un certain seuil, comme c'est prévu par exemple dans le futur décret tertiaire. "Nous combattons le dogme de la rénovation globale pour tous types d'habitat", résume le Snec. Donnant l'exemple des copropriétés, où il faut avancer un argument économique pour que les travaux soient votés - argument économique difficile à avancer dans le cas d'une intervention globale. Le Snec rappelle par ailleurs que "si on amène tous les bâtiments au niveau BBC, on tue les réseaux de chaleur".
La Fedene attend également que les CEE soient bonifiés pour le cas des CPE, pour accompagner cette transformation - une fiche CPE services existe aujourd'hui. Ce qui n'empêche pas Pascal Roger de rappeler ce qu'il considère comme un défaut de ce dispositif : "Les CEE créent des effets d'opportunité, au lieu de proposer un bouquet de solutions. Chacun se focalise sur l'opération la plus intéressante à l'instant t, en fonction du prix du certificat", regrette Pascal Roger. Or, "le déploiement à grande échelle des CPE, adaptés à chaque catégorie de bâtiments, permettrait d'atteindre un tiers des objectifs 2028 de la PPE en matière d'efficacité énergétique des logements", résume Olivier Salvat (Snec).
Questionné au sujet de la baisse envisagée du facteur d'énergie primaire, de 2,58 à 2,1, Pascal Roger, président de la Fedene, a avoué "ne pas comprendre" cette possible décision qui relèverait d'une forme de malhonnêteté intellectuelle. "En hiver, on a un recours au chauffage électrique fossile, et abaisser le Fep est une façon de considérer comme vertueux des chauffages électriques 'grille-pains'". "Ce type de décisions ne vont pas dans le sens de la rénovation énergétique", conclut-il.