PAYSAGES. Le projet "Déambulons" a consisté à créer un habillage esthétique au-dessus d'une passerelle située à l'entrée d'un parc d'attraction végétal. Jean-Baptiste Dubois nous révèle les secrets de cette réalisation légère, à la technicité certaine.
Le parc d'attraction Terra Botanica d'Angers (Maine-et-Loire) est dédié au végétal. Mais son accès se faisait, jusqu'en 2017, par une inesthétique passerelle métallique assez peu en adéquation avec l'ambiance bucolique des lieux. Jean-Baptiste Dubois, au patronyme tout indiqué, de l'atelier lyonnais Déambulons, a donc proposé un habillage léger et résistant, comme il nous l'explique : "C'était une demande forte pour un parc sur le thème du végétal que d'avoir une entrée plus esthétique. D'où notre proposition de maillage en bambou comme une voile ou une vague, au-dessus de la passerelle".
Car l'atelier possède une spécialité : il conçoit et réalise des structures design, sur-mesure, en bambou d'origine française, un matériau aux propriétés particulières. "Ici, la structure a été réalisée en lamelles de bambous qui proviennent d'Anduze, dans le Gard", poursuit le spécialiste. "Les cannes arrivent entières et sont traitées à l'atelier où elles sont fendues, rabotées et poncées". Côté traitement, Jean-Baptiste Dubois concède que le vernis qui est appliqué sur les lamelles n'est pas encore très vert : "C'est un mix peinture-colle polyuréthane. Mais nous travaillons sur des traitements plus écologiques comme de l'huile à chaud". En contrepartie, la pérennité du matériau en extérieur est assurée pour au moins 10 ans, et probablement plus. "Nous sommes précurseurs, il n'y a donc pas encore assez de recul", avoue-t-il.
Découvrez les spécificités de l'élégant habillage de bambou dans les pages suivantes
Une structure en "grid shell"
Côté design, la structure autoportante adopte une forme ondulante. Jean-Baptiste Dubois détaille : "Le dessin a été fait à l'atelier, modélisé en paramétrique. Nous avons travaillé comme des architectes. Le maillage est un 'grid shell' qui reprend un peu l'idée des structures géodésiques, à savoir peu de matière mais résistance maximale". En effet, les lamelles de bambou, toutes numérotées pour faciliter leur assemblage, ne font que 5 centimètres d'épaisseur mais sont capables de supporter le poids d'un homme. "Il n'y a pas d'arceau de métal, seulement des fixations métalliques entre les lamelles", ajoute-t-il.
Un matériau très renouvelable
La couverture de la passerelle représente environ 150 m² pour un poids de seulement 1 tonne, soit 6 kg/m². Le spécialiste de l'atelier Déambulons s'amuse : "Les lamelles représentent 4 km de linéaire soit environ 250 tiges de bambou". Car cette plante qui régale les pandas est une championne de la croissance rapide : elle pousse sans engrais, sans arrosage spécifique et présente un rendement par hectare qui est supérieur à celui de la forêt traditionnelle. Et ce matériau serait d'une résistance comparable voire meilleure à celle du bois. "Le problème est qu'il n'est pas encore normé pour la construction en Europe", déplore Jean-Baptiste Dubois.
Les ingénieurs intéressés
Le chantier s'est déroulé sur trois semaines avec le concours de cinq personnes. "L'assemblage est artisanal. Il s'est fait avec des prestataires et il s'agissait d'un prototype. Aujourd'hui nous irions deux fois plus vite", certifie le membre de l'atelier. Techniquement, le montage s'est fait autour d'un gros gabarit de 6 mètres de long qui était avancé au fur et à mesure de la construction. "C'est un peu nouveau en Europe. La pièce est, pour l'heure, unique. Mais l'école des Ponts de Paris est intéressée par ce projet", nous confie l'expert. Les futurs ingénieurs pourraient notamment recevoir une formation sur le bambou dans le cadre de leurs études, par le biais d'ateliers de construction.
Fiche technique
Une forme étudiée
L'atelier Déambulons a travaillé comme le font les architectes du bâtiment pour concevoir par ordinateur cette structure maillée ondulante.
Fendre la tige
Les bambous sont fendus en six à la main afin d'obtenir des lamelles qui seront ensuite retravaillées et assemblées.
Le bambou c'est bien
Jean-Baptiste Dubois tape sur des bambous et c'est numéro 1.
Une forme naturelle
L'habillage en résille vient apporter de l'ombre sur la passerelle et brise sa forme rectiligne. Contrairement à ce qui était envisagé initialement, la structure de bambou ne sera pas envahie de végétation grimpante et ne servira pas de treille. La forme évoque un peu les nids ovoïdes des tisserins, composés de végétaux entrelacés.
Maître d'ouvrage : Terra Botanica
Entreprise : Atelier Déambulons
Surface : 144 m²
Budget : 50.000 € HT
Réalisation : février 2017
Matériau : bambou français
Poids : 1 tonne
Durée de vie estimée : 10 ans